Conclusion

Nous avons cherché à retracer dans les pages qui précèdent les étapes de la construction urbaine en relation avec l’évolution du paysage fluvial. Si la ville a pu s’installer dans le lit majeur de ses fleuves à la faveur d’une période de calme hydrologique où la contrainte fluviale était relativement faible, le durcissement de cette dernière du fait de la péjoration hydroclimatique du Petit Age Glaciaire a poussé les édiles urbains à défendre les enjeux qui se sont trouvés plus exposés qu’au moment de leur installation. En plus de cela, la crise hydrogéomorphologique coïncide avec une période d’expansion urbaine qui impose le dépassement du site médiéval et la conquête de nouvelles terres sur le fleuve. Cela se traduit par des interactions très fortes entre la dynamique fluviale et l’urbanisation, et la volonté de plus en plus marquée de domestiquer le fleuve et d’adapter les aménagements urbains pour stabiliser le tracé du Rhône et s’affranchir du risque d’inondation. Les crues de 1840 et 1856, qui sont les dernières manifestations exacerbées du Petit Age Glaciaire, ont joué un rôle essentiel dans la volonté de mobiliser les connaissances hydrologiques et techniques ainsi que les ressources financières pour tirer les leçons de l’expérience répétée de la catastrophe et doter la ville des moyens matériels et institutionnels de la protection.

Achevé en 1870, le système de quais et de digues du plan Kleitz forme encore aujourd’hui l’essentiel de la protection de Lyon contre les inondations. La plaine inondable de Miribel-Jonage demeure stratégique pour la protection de Lyon. Le « rempart » de protection a prouvé son efficacité lors de la crue du Rhône de 1928, dont le débit a été très proche de celui de 1856. Pour une crue centennale, la quasi-totalité de Lyon et Villeurbanne est aujourd’hui soustraite au lit majeur naturel, bien qu’il demeure un risque résiduel en arrière des digues. Il semble que la ville soit finalement parvenue à vaincre ses fleuves. Mais alors, si le sentiment de sécurité que nous avons identifié dans la première partie de la démonstration est justifié, comment expliquer que la problématique des inondations soit récemment réapparue ? Que s’est-il passé au cours du siècle dernier qui puisse justifier un tel déséquilibre ? Quels sont éléments nouveaux entrés dans le débat qui expliquent que la ville, gagnée par la quiétude à la fin du XIXe siècle, semble s’être réveillée plus de cent ans après en s’interrogeant sur la réalité du risque sur son territoire ? Est-ce la ville qui s’inquiète, ou seulement l’Etat qui joue la carte de la sécurité pour ne pas connaître le sort de la République Tchèque en 2002 ? Afin de tenter d’apporter des éléments de réponse à cette situation surprenante, il convient d’interroger la configuration actuelle du risque à Lyon à la lumière des évolutions de l’aléa et de la vulnérabilité depuis le milieu du XIXe siècle. Ce diagnostic est l’objet de la partie suivante.