IV. Le Rhône amont

IV.1. Une plaine de tressage marquée par une occupation extensive

Vers 1860, la plaine de Miribel-Jonage présente un paysage fluvial en tresses, marqué par la multiplicité des chenaux et la présence de nombreux bancs de gravier. Au nord, le bras principal du Rhône vient tout juste d’être fixé par des digues insubmersibles destinées à stabiliser le chenal et à concentrer les eaux, mais l’impact de cet aménagement n’est pas encore perceptible. Les milieux naturels représentent 40 % de l’espace : la moitié correspond au Rhône et à ses annexes fluviales, le reste à une végétation de landes steppiques et de brotteaux, qui sont l’objet d’une exploitation agricole extensive. En effet, l’irrégularité du sol, l’instabilité et la médiocrité des terrains de la bande active du fleuve ont longtemps découragé toute tentative de mise en valeur durable par les labours. Exploités de manière extensive sous la forme de communaux, ces espaces font l’objet d’activités précaires que sont le pâturage, la coupe de taillis pour le bois de chauffage et la pêche. La construction du canal de Miribel n’amène pas de changement sur ce point, car elle coïncide avec une forte crise agraire dans ces campagnes, et ne met pas un terme aux débordements. L’importance des boisements discontinus illustre elle aussi la spécificité de ces zones naturelles: ce ne sont pas des forêts entretenues et intégrées dans le système social mais des milieux souvent dégradés et marginalisés. 

Les niveaux de terrasses les plus hauts, qui restent cependant fréquemment inondés, sont quant à eux occupés par l’agriculture : les champs et les prairies couvrent près de 3200 ha, soit 57 % de l’espace. L’espace restant correspond essentiellement à des vignes et jardins (0,1 et 0,2 % du lit majeur) ainsi qu’à l’habitat, qui occupe 0,8 % de l’espace (environ 45 ha).

Tous les villages sont bâtis en dehors du lit majeur, et seules quelques fermes isolées à Meyzieu et Décines en rive gauche, ainsi que certaines constructions à Miribel et Neyron le long de la rive droite du canal, sont exposées à la contrainte fluviale. L’essentiel de l’habitat situé en zone inondable correspond aux marges du village de Vaulx-en-Velin, construites au-delà des mollards insubmersibles (lambeaux de terrasses holocènes) sur lesquels s’était implanté le noyau ancien.

En rive droite du canal de Miribel, les villages de Niévroz et Thil se trouvent au-delà du périmètre inondé en 1856, mais ont été pris en compte dans notre cartographie car cette partie de la plaine connaît à l’heure actuelle une aggravation importante de l’aléa, qui touche désormais la quasi-totalité de ce secteur. Ce point sera développé plus loin ; rappelons simplement que la population s’est à l’origine installée sur des basses terrasses non inondables et que la situation actuelle de ces villages ne s’explique pas par une méconnaissance ou une négligence du risque de la part des habitants.

Fig. 39. Carte des enjeux situés en lit majeur à l’amont de Lyon vers 1860.
Fig. 39. Carte des enjeux situés en lit majeur à l’amont de Lyon vers 1860.