Pour répondre à ces questions, nous avons repris l’apport essentiel des travaux fondateurs de M. Pardé (1925, 1928a et b, 1942) et de H. Vivian (1977, 1984), ainsi que les compléments apportés par le bureau d’étude Safège dans le cadre du volet hydrologie réalisé pour l’étude globale pour une stratégie de réduction des crues du Rhône (2001). Il nous a semblé pertinent de considérer l’hydrologie des crues sur l’ensemble de notre période d’étude, depuis 1840. La période 1840-1920 a été magistralement observée et analysée par Maurice Pardé, qui a rassemblé l’essentiel des observations hydrométriques journalières du Service Navigation. Nous disposons par ailleurs des données annuelles de la Compagnie Nationale du Rhône depuis 1920 et des données rassemblées dans la cadre de l’Etude Globale Rhône. La première étape a donc consisté à recenser sur chacune des trois branches hydrologiques les données concernant toutes les crues observées aux différentes stations, en relevant leur débit maximum instantané, leur hauteur maximum ainsi que le mois, voire le jour d’occurrence de ces maxima.
Il nous a d’abord fallu faire le point sur les données disponibles aux différentes stations limnimétriques (fig. 46), et évaluer la faisabilité d’obtenir un échantillon homogène pour chacun des tronçons du « Y lyonnais ». En effet, en 165 ans, la localisation exacte des stations de référence a varié à plusieurs reprises, et chaque station n’a fonctionné que sur une partie seulement de la période totale considérée, ayant souvent été remplacée au moins une fois par une autre située à proximité, suite à des travaux (en particulier la destruction des anciens ponts), à un changement de gestionnaire (lors de la concession d’une grande partie du « Y lyonnais » à la CNR, ou depuis la création de la DIREN en 1992), ou encore dans le cadre de la modernisation des techniques de mesure. Cela pose donc la question de savoir si les données obtenues aux différentes stations sur un même tronçon valent pour l’ensemble du secteur considéré, autrement dit si l’on peut assimiler les différentes données à un seul point caractéristique sur chacune des trois branches du Y lyonnais.
Nous avons ensuite évalué l’exhaustivité de l’échantillon obtenu : jusqu’en 1920, M. Pardé a recensé toutes les crues supérieures à 4 m au Pont Morand, 5 m à Givors et 3 m à Trévoux, ce qui aboutit à l’inventaire de toutes les crues supérieures au débit d’une crue biennale actuelle. Par contre, pour la période contemporaine, les données dont nous disposons ne sont, à quelques exceptions près, que des valeurs maxima annuelles. Recenser toutes les crues à partir des données journalières est un travail titanesque, d’autant plus que les chroniques disponibles sont des chroniques de hauteurs et non de débits. L’estimation de ces derniers à partir des hauteurs d’eau est compliquée par la très grande variabilité du fond du lit au cours de la période, qui empêche d’appliquer la courbe de tarage actuelle. Reprendre les courbes de M. Pardé et celles de la CNR dépasse le cadre du présent travail et suppose des connaissances en hydraulique qui ne relèvent pas de nos compétences. Nous avons donc fait le choix de ne conserver que les maxima annuels de toute la période, soit un échantillon de 166 crues. Ce choix d’échantillonnage permet par ailleurs de s’affranchir de la difficulté de différencier des épisodes très rapprochés, tâche parfois hasardeuse en particulier sur la Saône, car une seule crue complexe peut être très longue et comporter plusieurs pointes qui correspondent pourtant toutes au même événement.
Par ailleurs, nous avons isolé les épisodes les plus forts des autres crues annuelles, à savoir les crues au débit supérieur à celui de la crue décennale actuelle ou ayant dépassé une certaine hauteur caractéristique aux différentes échelles, selon les critères définis par M. Pardé (Pardé, 1925) à savoir : 5 m au Pont Morand, 5,5 m à Givors, et 5,5 m à Trévoux, auxquelles nous avons ajouté 7,5 m à Couzon. Nous verrons plus loin que les hauteurs atteintes par un même débit ont souvent varié au cours de la période, à cause notamment de l’évolution du talweg. Du point de vue du risque d’inondation, cet aspect est nécessairement à prendre en compte puisque c’est évidemment la hauteur atteinte par une crue qui détermine l’importance des débordements. Au final, on obtient pour chaque station un échantillon d’une trentaine de crues, soit environ le cinquième de notre échantillon global.
Nous avons également constitué une variante du groupe des crues les plus fortes qui ne se limite pas au maximum annuel mais tient compte de toutes les crues importantes connues. En effet, les pics de crue qui ont été dépassés par un événement supérieur au cours d’une même année se trouvent gommés dans le premier échantillonnage150.
A partir de ces échantillons, nous avons pu analyser les fréquences saisonnière et annuelle des crues en cherchant à dégager les évolutions décelables. Pour évaluer les crues historiques en termes de période de retour, nous avons repris les valeurs de débits caractéristiques calculées par la CNR dans le cadre de l’étude d’aléa menée sur le territoire du Grand Lyon en vue du PPRI. Ces débits caractéristiques sont ceux utilisées à l’heure actuelle par les services gestionnaires ; ils ont été calculés avec la méthode de Gumbel sur la base des données observées à Couzon de 1920 à 2001, au pont Morand de 1900 à 2001 et à Ternay de 1895-2001. Concernant la puissance des crues, il était intéressant d’étudier la répartition des débits caractéristiques sur la période et l’évolution des hauteurs maxima atteintes par un débit donné. Il s’agit ensuite de rechercher les facteurs d’explication possible des éventuelles variations. Pour ce faire, nous avons procédé à une analyse critique de la littérature existante151. L’analyse des facteurs d’évolution du régime fait l’objet d’un chapitre à part entière, au terme de cette partie consacrée à l’analyse du risque actuel à la lumière des évolutions décelables.
Ce cas de figure existe pour les années suivantes : – sur le Rhône amont : 1840 (oct. et nov.), 1852 (août et nov.), 1856 (mi- mai et fin mai), 1875 (janv. et août), 1896 (mars et sept.) ; – sur la Saône : 1856 (mi-mai et fin mai), 1896 (mars et nov.), 1910 (janv. et dec.)) ; – sur le Rhône aval : 1856 (mi-mai et juin), 1896 (mars et nov.), 1910 (janvier et déc.), 1923 (nov. et dec.).
Parmi les sources les plus riches d’informations, citons les travaux de M. Pardé (1925, 1928, 1942), l’Etude Globale du Rhône (2001, 2002), et les études hydrauliques réalisées dans le cadre de chaque aménagement.