II. Le Rhône amont

II.1. La prédominance des crues de plaine de saison froide

Dès la confluence avec l’Ain, le régime du Rhône supérieur est fortement transformé par l’affluent jurassien, à dominante pluvio-nivale, dont on a vu que le bassin versant représente 40% des surfaces comprises entre le Léman et Lyon. Les altitudes élevées et l’orientation nord-sud du relief provoquent la chute de pluies abondantes qui font basculer le Rhône après l’Ain vers un régime pluvial. Si l’influence nivale reste perceptible, elle est atténuée par rapport au Rhône alpestre et se manifeste bien plus par un soutien du débit de base de saison froide, qui confère au fleuve une forte abondance spécifique, que par une contribution franche à la formation des débits de pointe. Autrement dit, les débits de fonte ne suffisent plus à générer une crue à eux seuls, et le régime de crues d’automne et d’hiver, dues au passage de perturbations océaniques, tend à devenir prépondérant.

L’analyse de la fréquence saisonnière des crues maxima annuelles depuis 165 ans (tab. 10) montre nettement la prédominance des crues de saison froide : les trois quarts des crues se produisent d’octobre à mars. Il ressort deux périodes pendant lesquelles le risque d’occurrence d’une crue est le plus fort : la fin de l’automne, aux mois de novembre et décembre, et la fin de l’hiver, en février et mars.

Cette répartition est la même si l’on ne considère que les crues les plus fortes (tab. 11). L’observation des trente principaux événements, soit environ le cinquième de notre échantillon, confirme la suprématie des crues de saison froide. La période de plus grande occurrence des crues moyennes à fortes se concentre de novembre à février (60% des événements), ce qui n’exclut pas de très rares mais néanmoins graves inondations à la fin du printemps, à l’instar de la terrible catastrophe de mai-juin 1856, environ cent-cinquantennale, ainsi que des crues déjà importantes en août et septembre, comme par exemple les crues trentennales de 1851 et 1852. Cependant, ce phénomène ne s’est plus produit depuis 1896 : aucune des crues moyennes ou fortes survenues depuis la fin du XIXe siècle ne s’est produite en saison chaude. Plus largement, on remarque une diminution de moitié des crues maxima annuelles de juin depuis 25 ans (tab. 12b), qui correspond à une période plus sèche sur le plan climatique. Enfin, deux mois beaucoup plus calmes ressortent, pendant lesquels aucun maximum annuel important ne s’est jamais produit : avril et juillet.