III.1. Des crues d’hiver très marquées, mais qui tendent à devenir plus tardives

La Saône inférieure présente un régime de crues d’hiver très marquées, dues à la réaction du bassin versant au passage de perturbations océaniques. Pardé souligne ainsi la « suprématie éclatante des crues de saison froide », qui se vérifie sur l’ensemble de notre période d’étude. De 1840 à 2005, 85 % des crues maxima annuelles se sont écoulées entre novembre et avril (tab. 10), avec trois mois d’hiver pendant lesquels les crues sont les plus nombreuses : la moitié du temps, la crue maximale annuelle survient entre décembre et février. Les six mois de saison chaude regroupent pour leur part moins du sixième des crues (14,1 %), dont près de la moitié en mai. Le risque de crue est donc très faible de juin à octobre, et quasiment nul de juillet à septembre (3 crues pendant l’été en 166 ans). Par contre, il semblerait que la fréquence mensuelle des crues maxima annuelles ait évolué depuis le début des années 1980 : les crues tardives tendraient en effet à devenir plus fréquentes, fait déjà souligné par L. Astrade en 1996, et qui semble confirmé par l’analyse des crues de la dernière décennie. Il faut y voir l’effet du glissement des précipitations de l’automne au printemps et de l’altération du dispositif pluvio-orageux d’été qui intensifie l’influence océanique (Pagney, 1988).

Si l’on isole les vingt-cinq dernières années de notre échantillon (tab. 12b), on remarque en effet que 30 % des crues sont survenues d’avril à juin, soit près du double par rapport au reste de la période d’étude. Plus précisément, on dénombre 19 % de crues tardives sur la période 1840-1919, contre seulement près de 12 % pour la période 1920-1979. Les vingt-cinq dernières années contrastent donc encore plus fortement avec la tendance observée durant les soixante années précédentes, puisque la proportion des crues tardives varie presque de 1 à 3. A l’inverse, on peut noter que les crues de mars ont diminué de moitié.

Que dire enfin de la fréquence saisonnière des trente crues les plus fortes (tab. 11) ? Neuf fois sur dix, ce sont des crues de saison froide, survenues la moitié du temps en janvier ou en mars. En revanche, les trois débits de pointe écoulés pendant la saison chaude, s’il font figure d’exception, sont loin d’être négligeables puisqu’on les compte parmi les douze crues les plus puissantes : la crue plus que cinquantennale de mai 1856, suivie d’une crue trentennale le mois suivant, et plus récemment la crue vicennale de juin 1983. En saison chaude, ce sont donc les mois de mai et de juin qui présentent un risque de crue forte, tandis qu’il n’y a jamais eu de crue importante, ou même moyenne en avril, ni de juillet à septembre inclus.