La Saône est beaucoup moins abondante que le Rhône amont, car la pluviométrie y est plus faible et le déficit d’écoulement y est très élevé, surtout en été, du fait de l’étendue et de la platitude d’une grande partie du bassin versant (Pardé, 1925). Le module interannuel n’est ainsi que de 433 m3/s à Couzon, c’est-à-dire 14,5 l/s/km², soit deux fois moins que le module spécifique du Rhône à Perrache. Surtout, le régime sauconnien se caractérise par une grande irrégularité : le rapport entre le débit caractéristique d’étiage155 et le débit de la crue biennale est de 1 à plus de 30, il est de 1 à 53,8 entre le débit caractéristique d’étiage et la crue centennale, et de 1 à 78,5 entre le débit d’étiage caractéristique156 et le maximum historique de novembre 1840. Ainsi, bien que les débits maximum instantanés des crues de la Saône n’atteignent pas la puissance des gonflements du Rhône, l’amplitude entre les extrêmes est bien plus impressionnant et va à l’encontre de la réputation de tranquillité des inondations de la Saône que lui vaut la lenteur des flots.
Cependant, si le formidable déluge de 1840 démontre que la Saône peut devenir « terrifiante », pour reprendre l’expression de M. Pardé (1925), l’étude de la fréquence annuelle des crues au cours de la période tempère ce constat (tab. 14 et fig. 49). En effet, sur le reste de la période, la rivière a été beaucoup plus calme, et l’on est loin de retrouver autant de crues importantes que sur le Rhône amont : les riverains n’ont jamais vu de crue centennale, et les deux plus forts événements connus sont montés, à un siècle d’intervalle, en mai 1856 et janvier 1955, à un peu plus de 2 800 m3/s, soit un débit spécifique de 94 l/s/km² et six fois et demi le module, ce qui correspond à une période de retour d’environ 70 ans. On compte ensuite une cinquantennale à la fin du XIXe, en novembre 1896, puis trois trentennales (six fois le module) : une en janvier 1883, et deux plus récentes survenues en décembre 1981 et mars 2001. Enfin, on dénombre sept crues environ vicennales et neuf crues décennales, dix si l’on compte le deuxième maxima annuel de mars 1896.
Depuis 1840, hormis l’extrême de cette année-là, il s’est ainsi produit treize crues d’une période de retour de 20 à 70 ans, et 22 crues dépassant ou égalant la crue décennale. Cela revient à une fréquence moyenne d’une crue au moins vicennale - mais ne dépassant pas Q70- tous les douze ans et demi, et d’une crue supérieure ou approchant la décennale tous les sept ans et demi. Les crues importantes sont donc en moyenne moins puissantes et presque moitié moins nombreuses que sur le Rhône amont.
Si l’on s’intéresse à la répartition de ces événements sur la période (fig. 49), il ne se dégage pas d’évolution aussi nette que sur le Rhône amont, mais une alternance de périodes de crise et de phases plus calmes. Le milieu du XIXe s., considéré comme la dernière secousse du Petit Age Glaciaire, est le plus touché : deux crues notables surviennent dans les quinze ans qui suivent le désastre de 1840, une crue vicennale l’année suivante, en octobre 1841, et une crue de période de retour 70 ans, en mai 1856. Il ne se produit ensuite plus aucune crue supérieure à Q5 pendant vingt ans, puis on rencontre une nouvelle période de crise, bien moins forte cependant que celle du XIXe s. Les années 1925-40 sont quant à elles extrêmement calmes, et contrastent avec la quinzaine d’années suivante qui voit revenir les crues, en particulier celle de 1955, la dernière crue relativement puissante (Q70) de la période. Puis pendant vingt-cinq ans, jusqu’en 1980, la seule crue notable sera la crue décennale de 1970. Enfin, la période actuelle, depuis le début des années 1980, a vu s’écouler deux crues trentennales en 1981 et 2001, trois vicennales et une décennale, soit une crue comprise entre Q10 et Q30 un an sur 4.
Quinquennale sèche, qui tombe à 1,8 l/s/km², soit 12,7 % du module
54,8 l/s/km², soit 12,7% du module