IV.2. Un risque de concomitance des pics de crue du Rhône et de la Saône relativement faible, mais qui reste possible

L’allure des hydrogrammes des crues océaniques et générales à Givors est relativement complexe, puisque l’évolution des crues à Givors traduit la superposition, souvent décalée, des crues du Rhône amont et de la Saône. Dans le cadre de l’Etude Globale Rhône, le bureau d’étude Safège a montré qu’une crue océanique ou générale du Rhône amont s’accompagne d’une crue de la Saône dans 80 % des cas, puisque l’essentiel de la crue provient de perturbations auxquelles réagissent et l’Ain et la Saône. Mais le risque de voir coïncider la survenue des deux pointes reste assez faible, car le maximum de la Saône est le plus souvent en retard sur celui du Rhône amont : on observe ce décalage neuf fois sur dix en cas de crue océanique, et 95 % du temps lors des crues générales. Le risque absolu de concomitance entre les deux maxima est donc relativement faible : 5 % pour les crues générales, mais tout de même 10 % en cas de crue océanique. A ce jour, la combinaison la plus dangereuse a été observée lors de la crue générale de mai-juin 1856, au cours de laquelle le débit maximum instantané du Rhône amont (4 500 m3/s, maxima le plus fort connu depuis plus d’un siècle et demi) a coïncidé avec des débits déjà très forts sur la Saône, portant ainsi le maxima à Givors au record jamais égalé de 6 000 m3/s (tab. 13). Cependant, comme le souligne M. Pardé, l’hypothèse d’une concomitance parfaite ne peut être exclue compte tenu de la configuration des bassins hydrographiques des deux branches (M. Pardé, 1925). La combinaison du débit maximum instantané record de 4300 m3/s de la Saône, atteint en 1840, et de celui de 4 500 m3/s roulé par le Rhône en 1856 produirait un débit de pointe de 8 800 m3/s à Givors, soit près d’une fois et demi le débit maximum roulé par la crue historique la plus forte observée à cette station. Néanmoins, le plus souvent, la Saône n’augmente le débit du Rhône amont que du quart ou du cinquième. Ainsi, bien que la superficie du bassin sauconnien soit une fois et demie plus vaste que celle du Rhône, la contribution relative des crues de l’affluent à l’augmentation du débit de pointe est bien moindre. En revanche, la durée moyenne des crues est multipliée par trois, faisant ainsi plus que doubler le volume total d’une crue par rapport au Rhône amont (Pardé, 1925).

Qu’en est-il alors plus précisément de la forme de l’hydrogramme de crue caractéristique à Givors ? Les événements océaniques sont marqués par une montée rapide, d’allure torrentielle, qui correspond au flot du Rhône amont : la montée est certes moins prompte qu’au pont Morand, mais elle n’en reste pas moins très vive et se porte à trois jours, soit une demi-journée de plus que sur le Rhône à Lyon. Après le passage du maximum du Rhône supérieur, on observe ensuite pendant deux jours une décroissance plus ou moins brusque due à la décrue du fleuve, puis la baisse se ralentit, freinée par le lent passage de l’onde sauconnienne. Les choses s’arrêtent là en cas de petite crue de la Saône, et la décrue continue sans interruption. Mais, le plus souvent, la Saône est suffisamment forte pour qu’on observe une reprise de l’intumescence trois ou quatre jours après le premier maximum, et la formation d’une deuxième pointe correspondant à l’apogée de la Saône.

Les crues générales connaissent sensiblement la même évolution que les crues océaniques, mis à part que la montée est plus rapide : en effet, les pluies méditerranéennes viennent gonfler le débit de pointe du Rhône aval en provoquant la crue des affluents de rive droite et en avançant la crue de la Saône inférieure. Ainsi les deux maxima les plus forts observés à Givors en 1856 et 1840 résultent-ils de crues générales.