Le long du Rhône dans la traversée de la ville, les enjeux urbains sont défendus par une ligne de digues et de quais insubmersibles. Les installations situées en dehors de ce rempart restent inondables :
Enfin, le secteur de la Cité Internationale qui a été remblayé en avant du quai A. Lignon, n’est pas complètement insubmersible : le boulevard urbain serait touché à partir de la crue cinquantennale sous le Pont Poincaré et en amont immédiat du pont Churchill, mais la Cité elle-même ne commencerait à être légèrement inondée qu’en cas de crue cinq-centennale.
Les quais de la rive droite ont été élargis lors de l’aménagement routier de l’axe nord-sud, vers 1960. Les perrés inclinés du plan Kleitz ont alors été remplacés par des murs droits qui conservent une revanche de 30 à 50 cm sur la crue de 1856 (Combe, 2004). L’endiguement a récemment été prolongé vers l’amont jusqu’au confluent du canal de Miribel par un remblai insubmersible. L’essentiel des ouvrages de rive gauche est hérité du plan Kleitz : les quais protégés par des perrés inclinés surmontés de parapets s’étendent du quai A. Lignon, en arrière de la Cité Internationale, au quai Augagneur. A l’amont et à l’aval, la ligne de quais se raccorde aux anciennes digues des Brotteaux et de la Vitriolerie, qui supportent aujourd’hui le boulevard Laurent Bonnevay et l’Avenue Leclerc.
Vers l’aval, des quais récents prolongent l’endiguement de la rive gauche jusqu’au port E. Herriot. Le quartier de Gerland serait en principe protégé jusqu’à un débit légèrement supérieur à la crue bicentennale (4 600 m3/s) par le quai Fillon. Au-delà de ce débit, le Rhône commencerait à déborder au droit du lycée international, et l’essentiel du quartier de La Mouche-Gerland serait sous les eaux pour un débit cinq centennal. Le débordement se fait à partir du quai Fillon et des darses du port E. Herriot. En cas de crue cinq-centennale, l’ensemble du port serait touché et l’inondation arriverait au pied de la voie SNCF. Sur le tiers de ce secteur, la lame d’eau atteindrait alors 50 cm à 1 m.
La revanche du rempart de protection au-dessus du niveau des fortes crues a augmenté au cours du XXe siècle car le fond du lit du Rhône est plus profond : au Pont Morand, on observe en effet un abaissement de 1 m environ pour les crues moyennes à très fortes. Le niveau atteint par la crue cent-cinquantennale de 1856 (4 500 m3/s et 6,25 m et probablement 6,4 m sans la rupture de la digue des Brotteaux selon M. Pardé) correspondrait aujourd’hui à celui d’une crue supérieure à la crue millénale calculée (5310 m3/s et 6,15 m).
D’importants remblais complètent cette protection : on les voit nettement en observant la carte des inondations indirectes (fig. 54 p. 251) qui affectent la majeure partie de la plaine historiquement inondable soustraite au débordement direct par le système de digues. Cette cartographie s’appuie sur les résultats de l’étude hydraulique de la CNR (CNR, 2003). Comme on l’a dit plus haut, elle ne provient pas d’une étude complexe et approfondie du comportement de la nappe et des réseaux, du fait de l’absence de données disponibles à l’époque. La CNR a réalisé une analyse sommaire basée sur l’utilisation du modèle mathématique d’écoulements de surface et du modèle numérique de terrain utilisés pour modéliser les débordements directs. Les cotes atteintes dans le lit mineur pour les chacun des débits caractéristiques ont été reportées sur la topographie du corridor fluvial, en considérant que tous les points situés sous la ligne d’eau pouvaient être concernés par les infiltrations. On obtient ainsi la zone d’influence maximale d’une crue donnée « exagérément lente, dont les niveaux pourraient s’établir dans le lit majeur via la nappe et les réseaux, sans considérer aucun effet dynamique » (CNR, notice, 2003). Ce travail fait ainsi ressortir les zones plus ou moins exposées aux débordements directs :
Si le cœur urbain est relativement invulnérable, il demeure donc néanmoins une vulnérabilité résiduelle en ce sens que les terrains soustraits aux débordements directs restent exposés aux inondations indirectes causées par la crue de la nappe d’accompagnement du fleuve et par le reflux des eaux dans les réseaux.
Qu’en est-il enfin du risque de rupture de digue ? Dans Lyon, la largeur et la nature des ouvrages tend à garantir leur stabilité, mais la situation est plus préoccupante à l’amont de la ville : dans le quartier villeurbannais de Saint-Jean et à Vaulx-en-Velin, les digues sont en terre et leur entretien fait défaut. Dans un contexte de recrudescence des fortes crues en Europe et face à la probabilité d’une augmentation des précipitations hivernales au XXIe siècle162, la perspective d’un scénario extrême ne peut être écartée. De plus, à la suite de M. Pardé (1925), remarquons que le Rhône n’a jamais connu, de mémoire d’homme, d’inondation gigantesque : les crues de 1856, 1918, 1928 et 1944 n’ont qu’une période de retour comprise entre 100 et 150 ans. On est bien loin des cataclysmes qu’ont connus les riverains de bon nombre de cours d’eau des régions tempérées, par exemple la Saône inférieure en 1840, la Garonne supérieure en 1875, le Danube autrichien en 1501 et 2002, le Rhône inférieur en 1840 et 1856, la Kansas River en mai-juin 1903, l’Elbe en 2002. Il n’est pas dit que la ville risque, mais potentiellement sa vulnérabilité est plus grande, compte tenu de l’étendue et de la densité des enjeux abrités derrière le rempart de protection.
Cf. partie III chap.4 III.2