II.1.b. Fonctionnement hydraulique du secteur et logique de la mise en eau

Depuis le milieu du XIXe siècle, la Saône est aménagée en une succession de biefs navigables, qui assurent aujourd’hui un mouillage de 3,5 m, et dont le niveau est contrôlé par des barrages hydrauliques conçus pour s’effacer complètement lors des grandes crues. A l’amont du barrage de Couzon, le niveau normal de la retenue s’établit à la cote 166,24 (IGN 69), puis il s’abaisse à la cote 162,24 dans le bief de Pierre-Bénite. Le barrage de Couzon est composé de quatre passes mobiles équipées de clapets de 35 m de long qui peuvent être complètement effacés dans l’épaisseur du radier : il ne subsiste donc quasiment aucun remous dû aux vannes lorsque le barrage est complètement couché (6 cm à l’amont immédiat du barrage). Un déversoir fixe en enrochements prolonge la partie mobile. En temps de crue, les clapets sont progressivement abaissés et la pente de la rivière augmente. Dans un premier temps, la cote de la retenue reste constante à l’amont du barrage tandis que le niveau à l’aval s’élève. La manœuvre des clapets est terminée avant que ne commencent les premiers débordements : le barrage est complètement couché et la rivière est censée avoir retrouvé son écoulement naturel.

Quasiment tout le Val de Saône, de Neuville à Vaise, est potentiellement inondable en cas de crue centennale (fig. 56 p. 257). La quasi-totalité des voies de circulation en rive gauche et en rive droite serait alors submergée, excepté la route nationale 433 en aval du barrage de Couzon. En rive droite, à Saint-Germain-au-Mont-d’Or, les eaux s’arrêteraient théoriquement au pied de la voie ferrée.

Mais en bien des points, l’inondation se produit pour des crues de période de retour bien plus faible. Au niveau de Genay en rive gauche, on observe les premiers débordements dès la crue biennale. Entre Genay et jusqu’à hauteur de la partie sud de Neuville, plusieurs zones de déversement apparaissent pour la crue vicennale. L’enjeu le plus vulnérable est la zone industrielle de Neuville-Genay, qui n’a pas été remblayée de façon homogène et commence à être inondée fortement au niveau du port de plaisance dès la crue décennale, avec des hauteurs d’eau qui dépassent le mètre par endroits. La totalité de la zone industrielle serait fortement touchée à partir d’une crue de période de retour 70 ans (les hauteurs de submersion approcheraient les 50 cm, et varieraient entre 0,5 et 2 m dès la crue forte), elle serait inondée aux deux tiers pour un débit bicentennal et entièrement noyée pour un débit cinq-centennal. Pour ce même débit, à Neuville même, le quai serait recouvert par 1 à 2 m d’eau en plusieurs points, mais l’essentiel de la ville, inondée en 1840, semble désormais à l’abri des débordements. Sur l’autre rive, le quartier de Villevert serait épargné pour une crue de type 1955 (entre Q50 et Q70) mais commencerait à être inondé pour un débit supérieur.

En aval de Neuville, dans les quartiers bas d’Albigny situés en rive droite, entre la voie ferrée et le chemin départemental n°51, les premiers déversements s’observent pour la crue décennale. Les quartiers situés en arrière de la voie de chemin de fer ne sont plus directement inondés, mais ils restent inondables par infiltration. En face, dans les quartiers de Fleurieu situés le long des quais, la fréquence est vicennale ; le reste des terrains situés en aval du lieu dit En Carré sont totalement inondés pour une crue décennale, excepté un secteur remblayé au centre qui ne serait inondable qu’à partir d’un débit bicentennal. Pour une crue centennale, la totalité des quais serait submergée, en particulier au droit d’Albigny et de Fleurieu et au droit du barrage de Couzon où les hauteurs atteindraient près de 2 m. Latéralement, l’extension de l’inondation serait assez importante et atteindrait en de nombreux points 200 à 400 m de large.

En aval du barrage de Couzon et jusqu’à Collonges, les déversements par-dessus la nationale 433 ont théoriquement lieu pour des débits plus élevés, d’une période de retour comprise entre 200 et 1 000 ans. Néanmoins, les terrains situés en arrière de l’ouvrage restent inondables par des dalots ménagés sous l’ouvrage, à partir desquels l’eau se propage dès la crue trentennale (ils ont été inondés lors de la crue de 2001). Au droit de Collonges en rive droite, on retrouve également des périodes de retour de l’ordre de 20 à 30 ans, mais les marges du lit majeur historique ne sont vraisemblablement plus inondables, en particulier le secteur du dépôt pétrolier qui a été remblayé à une cote insubmersible. En aval du pont de Fontaines, la partie amont du quai Jean-Baptiste Simon (RN433) n’a pas été exhaussée et reste submersible dès la crue décennale.

Depuis le pont de Collonges jusqu’à Vaise, les débordements sont assez fréquents ; sur les deux rives, ils se produisent pour une période de retour comprise entre 10 et 30 ans. Il s’agit en particulier de la plaine de la Caille au niveau des quartiers de Fond Rose, de la Rochette et de Lyon Plage, ainsi que de la partie aval de l’Ile Barbe, inondée dès la crue décennale. La partie amont de l’île serait touchée en cas crue centennale en rive droite, vicennale en rive gauche.

Pour une crue forte, sur le tronçon allant de Couzon jusqu’au sud de l’Ile Barbe, les inondations ne concernent potentiellement qu’une bande de 100 m de large au maximum pour la crue centennale, mais les quais seraient alors inondés à 90 % sous une lame d’eau de 1 à 2 m.

Les riverains du Val de Saône se plaignent d’une aggravation des inondations faibles et moyennes. La représentation déplore un double dysfonctionnement : l’augmentation des crues justes débordantes et l’accélération du temps de transfert des crues du fait des barrages. Depuis le début des années 1980, on note en effet une augmentation de la fréquence des petites crues inondantes de la Sâone, qui affectent les terrains les plus bas situés en bordure de la rivière, en particulier les terres agricoles non endiguées et les parkings lyonnais. La multiplication des remblais dans le corridor fluvial a très probablement réduit la capacité de stockage des crues ; associée à un approfondissement de la voie d’eau, cela pose la question d’une aggravation du temps de transfert de l’onde de crue et de l’augmentation du risque de concomitance du flot de crue de la Saône avec celui du Rhône. Malgré les enjeux important, les remblaiements ont été édifiés à une cote bien inférieure à celle du maximum historique et ont entraîné une augmentation importante de la vulnérabilité.

Fig. 56. Zones du Val de Saône lyonnais théoriquement inondables par débordement direct dans la situation actuelle.
Fig. 56. Zones du Val de Saône lyonnais théoriquement inondables par débordement direct dans la situation actuelle.
Fig. 57. Zones potentiellement soumises aux crues de la nappe dans le Val de Saône lyonnais.
Fig. 57. Zones potentiellement soumises aux crues de la nappe dans le Val de Saône lyonnais.

Le risque a relativement peu augmenté pour une crue moyennement forte, du type de celle de 1955 (Q50 à Q70 selon les secteurs) : les prescriptions du PSS de la Saône, approuvé en 1972 et basé sur l’inondation de 1955, ont été relativement bien respectées. En zone A du PSS, dite de grand débit, seules les activités industrielles se sont développées ; elles se sont implantées sur des plateformes remblayées au-dessus du niveau de la crue de référence. Les constructions à usage résidentiel se sont cantonnées aux secteurs sans courant, et les planchers habitables ont normalement été placés au-dessus du niveau de la crue de 1955. En revanche, la situation est bien plus préoccupante en ce qui concerne la vulnérabilité aux crues exceptionnelles, car ce niveau d’aléa n’a pas du tout été pris en compte dans l’aménagement de la plaine.