II.2. Dysfonctionnements de l’hydrosystème à l’amont de Lyon

II.2.a. Une évolution dissymétrique du champ d’inondation

A l’amont de Lyon, le corridor fluvial est délimité par les reliefs de la Côtière des Dombes au nord et les Balmes dauphinoises au sud. La logique de la mise en eau de la plaine de Miribel-Jonage et la géométrie du lit majeur historique se comprennent à la lumière des héritages géomorphologiques qui en ont façonné la topographie. Le lit majeur exceptionnel avant aménagement, au milieu du XIXe siècle, correspond à une vaste plaine inondable de 17,5 km de long sur 1,5 à 4,5 km de large délimitée par la présence de basses terrasses holocènes à l’abri des eaux en 1856. Il correspond à plusieurs unités fonctionnelles (Bravard et al., 2007) : la bande active de tressage à l’époque moderne et contemporaine et, sur les marges de celle-ci, une zone inondable plus ancienne façonnée par la migration latérale du Rhône au Moyen Age.

La largeur de la bande active conditionne l’importance des hauteurs d’eau atteintes par le maximum historique : 3,5 m au-dessus de l’étiage à Jons et Jonage, 2,5 m à Thil et Beynost, 4m à Neyron et 6,25 m au pont Morand, où la bande active se resserre à 300 m de large (ibid.).

L’étude comparée de la limite du lit majeur historique avec la cartographie des zones théoriquement inondables dans la situation actuelle pour un débit équivalent à la crue de 1856 (fig. 58) pointe une évolution importante de l’aléa dans la plaine de Miribel-Jonage (Combe, 2001 et 2004). Entre 1856 et nos jours, les zones inondables ont plus que doublé en rive droite du canal de Miribel, de Niévroz à Beynost, tandis qu’on observe une forte contraction du champ d’inondation en rive gauche.

En rive gauche tout d’abord, une grande partie du lit majeur historique est soustraite au champ d’inondation pour un débit approchant celui de l’inondation de 1856. Au sud-est, la crue s’arrête au pied de la plateforme de l’autoroute A42 et de la rocade est qui protège l’agglomération de Vaulx-en-Velin et le quartier Saint-Jean. Par ailleurs, d’imposants remblais ceinturent les lacs de Miribel-Jonage et sont insubmersibles. A ces emprises s’ajoutent celles de l’ouvrage couplé de l’A432 et du TGV sud-est qui franchit la plaine au niveau de la zone dite du musoir, c’est-à-dire au point de divergence des canaux de Miribel et de Jonage, ainsi que les remblais des autoroutes A46 et A42 au nord du secteur. La plupart de ces zones exhaussées sont complètement insubmersibles, y compris en cas de crue millénale. Le reste de la plaine, dans le périmètre du Parc de Miribel-Jonage et au niveau des champs captants de Crépieux-Charmy, reste inondable dès les crues faibles, et est complètement noyé lors des crues moyennes.

A l’inverse, le périmètre inondé en rive droite du canal de Miribel s’est nettement élargi dans la moitié amont de la plaine. A Niévroz, Thil et Beynost, l’aléa actuel empiète sur la basse terrasse holocène épargnée en 1856 et 1928. La crue centennale dépasse partout la limite du lit majeur historique, qui est à présent entièrement sollicité et même débordé dès la crue décennale, comme ce fut le cas en 1990. A débit égal, les hauteurs à l’échelle de Thil ont augmenté d’une vingtaine de centimètres depuis la crue de 1928. Sur la commune de Thil, la superficie théoriquement inondable à l’heure actuelle par une crue de débit équivalent à celui de 1856 a plus que doublé. Le village de Niévroz est lui aussi touché, mais dans une proportion moindre. Les inondations ont également augmenté plus à l’amont, à Balan et Villette d’Anthon, mais les zones inondées sont des brotteaux peu vulnérables, les implantations humaines restant à l’abri des inondations. A l’aval de Neyron, il n’y a pratiquement plus de zones inondables, les terrains situés en arrière de la voie ferrée qui longe le canal étant aujourd’hui remblayés.

Fig. 58. Evolution des superficies inondables à l’amont immédiat de Lyon depuis 150 ans.
Fig. 58. Evolution des superficies inondables à l’amont immédiat de Lyon depuis 150 ans.