II.6. Influence de la gestion des endiguements agricoles de la Saône sur les crues faibles et moyennes

Les digues agricoles, dont les vannes restent le plus souvent fermées, perturbent la propagation des crues faibles et moyennes, et entraînent une majoration des lignes d’eau ainsi qu’une accélération de l’onde de crue (Sogreah, 1983). Ces levées en terre de faible hauteur ont été édifiées pour l’essentiel au XIXe siècle par des associations syndicales dans la vallée de la Saône et dans la basse vallée du Doubs : au total, 140 km de digues gérés par une trentaine de syndicats protègent 16 000 ha des débordements lors des crues faibles (Q3) dans les départements de Saône et Loire et de l’Ain. Au XXe siècle, des endiguements plus conséquents ont été réalisés pour des crues de fréquence beaucoup plus rare (Q20) dans les basses vallées des affluents (vallée de l’Ouche et de la Tille).

Les endiguements sont équipés de vannes et délimitent des casiers dont la gestion est modulée selon la saison : des arrêtés préfectoraux imposent aux agriculteurs de maintenir les vannes ouvertes de décembre à février, pour permettre l’expansion et l’atténuation des crues d’hiver et éviter le risque d’endommagement des digues par une surverse brutale. Le reste de l’année, les vannes peuvent être fermées pour contenir les crues de printemps en dehors des casiers et protéger les enjeux agricoles. Le principe était adapté au mode de culture de la vallée, dominé par les pâturages, où la submersion d’hiver était bénéfique car elle fertilisait les terres. Mais la conversion des prairies en terres à céréales ou à maïs et le développement de l’activité maraîchère sur certaines parcelles, notamment dans la région mâconnaise, a poussé les agriculteurs à enfreindre les règlements pour bénéficier d’une protection contre les crues d’hiver, ou tout au moins à revendiquer un autre mode de gestion des endiguements.

Le SNRS s’est posé la question de l’incidence de la fermeture des vannes sur le temps de transfert de l’onde de crue. Le risque est celui d’une diminution du décalage qui existe à l’état naturel entre la crue du Rhône et celle de la Saône et protège Lyon contre de trop fréquentes crues débordantes. Des études sur l’impact de la gestion des endiguements de la Saône sur les crues de la Saône et du Bas-Rhône, confiées au bureau d’études Sogreah suite aux crues du début des années 1980, ont confirmé que la gestion des endiguements joue sur l’avance ou le retard de la crue de la Saône dans Lyon (Sogreah 1983, 1984-85). Par ailleurs, le rôle écrêteur de l’aménagement crée un phénomène de filtrage des crues qui contribue à l’augmentation de la fréquence des crues justes débordantes :

La fermeture complète des digues entraînerait une augmentation de la fréquence de submersion des parkings lyonnais pouvant aller jusqu’à plus de 4 jours (faisant passer le temps de submersion de 25 à 29 jours par an), et une aggravation de 30 à 40 cm des hauteurs d’eau pour les petites crues sur les terrains agricoles non endigués (les lieux habités ne sont pas concernés par cette aggravation car ils restent à l’abri de la submersion pour une telle période de retour), sur lesquels la durée de submersion serait majorée de près de 3 jours au niveau de Villefranche et de plus d’une journée dans la vallée du Rhône au niveau de Givors (Sogreah, 1985).