Conclusion

Il est donc démontré que le risque a nettement évolué au sein du « Y lyonnais » depuis les grandes inondations de 1840 et 1856. D’une part, on observe une tendance marquée à l’urbanisation du corridor fluvial : potentiellement, la vulnérabilité est donc plus forte au sens où les enjeux situés au sein du lit majeur historique se sont étendus, densifiés et diversifiés. D’autre part, on sait qu’une crue exceptionnelle, semblable, voire supérieure aux maxima historiques, est toujours possible, et que cette probabilité se trouvera très probablement augmentée du fait du changement climatique global. Une crue importante à Lyon résulte de la concomitance des pics de crue de la Saône et de ses affluents torrentiels, du Haut-Rhône et de l’Ain, du Rhône amont et de la Saône. Le risque de concomitance n’est pas négligeable, et il semble que l’impact des actions humaines à l’échelle du bassin versant contribue à augmenter cette probabilité en accélérant le transit du pic de crue du Haut-Rhône, qui était jusque-là en retard de quelques heures sur le flot de l’Ain, et en réduisant le temps de transfert de l’onde de crue de la Saône au confluent, ce qui atténue le retard du maximum de la rivière sur celui du fleuve. Un scénario qui verrait coïncider des crues exceptionnelles des trois cours d’eau est une éventualité certes rare mais qui est tout à fait possible ; il donnerait à Lyon une crue extraordinaire dont on ignore les effets, puisque ce cas de figure n’a jamais été modélisé.

Pour les crues caractéristiques prises en compte par les gestionnaires, l’efficacité du système de défense hérité du XIXe siècle semble effectivement bonne le long du Rhône, du moins jusqu’à la crue millénale. Mais l’endiguement conserve des lacunes sur la Saône. Vaise, le Vieux-Lyon et une partie de la Presqu’Ile seraient inondés dès la crue bicentennale.

La ville s’est aujourd’hui notablement étendue au-delà de l’enceinte du plan Kleitz ; l’endiguement du Rhône a été prolongé vers l’amont et vers l’aval à Vaulx-en-Velin et Gerland, mais il apporte une protection moindre que dans le cœur de la ville. Ces quartiers sont stratégiques dans la politique urbaine actuelle ; ils représentent également les points noirs du risque au sein du Grand Lyon. D’après les modélisations, le Rhône y débordera lorsque surviendra une crue supérieure à celle de 1856, et causera d’importants dommages dès la crue bicentennale.

Sur les marges, une partie de la rive droite du Rhône aval et la zone industrielle de Neuville sur la Saône abritent des enjeux importants exposés à des crues moyennement fortes. Par contre, la rive gauche du Rhône en aval du Port E. Herriot serait désormais à l’abri des débordements du fleuve, du moins pour les crues de projet.

A l’amont de Lyon, le Val de Saône lyonnais et la plaine de Miribel-Jonage demeurent des champs d’inondation stratégiques dans la protection de Lyon ; on constate cependant une diminution de leur capacité d’écrêtement qui pose question quant aux effets à l’aval. Si le champ d’inondation s’est fortement contracté dans l’île de Miribel-Jonage, on observe à l’inverse une très forte augmentation de l’aléa en rive droite du canal de Miribel, de Niévroz à Beynost, bien au-delà des limites du lit majeur du milieu du XIXe siècle, à l’origine d’une importante aggravation du risque.

On a vu que l’évolution de l’aléa depuis la fin du XIXe siècle n’est pas due à l’effet des variations climatiques, puisque le réchauffement observé ces dernières années n’a pas modifié l’hydrologie, du moins pas pour l’instant. L’évolution de l’aléa est donc uniquement imputable aux actions humaines. Certains facteurs d’explication ont pu être dégagés à l’échelle du bassin versant ; il s’agit désormais d’analyser les causes de l’évolution du risque à l’échelle du « Y lyonnais », sur l’espace du risque proprement dit, afin de comprendre quelle a été la genèse de la situation actuelle. Quel rôle ont joué les acteurs impliqués dans la gestion du risque dans le choix des politiques mises en œuvre, et quels ont été les effets de ces dernières ?