II.3.d. Remblaiement progressif du secteur Félizat-Archevêque, en avant du quai Fillon

Suite à la construction du quai Fillon, la Ville de Lyon entreprend l’aménagement des îles de l’Archevêque situées en avant de l’ouvrage de protection, au sud de l’Avenue Jean-Jaurès, en remblayant ces terrains à une cote insubmersible (40 à 50 cm au-dessus du niveau de la crue centennale de 1928, soit un exhaussement de 1 à 2 m). L’objectif pour la ville n’est alors pas encore d’occuper directement ces terrains, mais de les proposer au Service du Génie en remplacement de ceux du champ de manœuvres militaires de la Vitriolerie, qu’elle convoite afin de pouvoir prolonger la rue de Marseille. Le 28 décembre 1933, alors que le remblaiement a déjà commencé dans l’angle sud-ouest du quai Fillon et de l’avenue de Saxe prolongée, le Chef du Génie de Lyon adresse une demande d’autorisation au Service Spécial du Rhône, qui s’oppose vivement aux travaux au nom du maintien du bon écoulement des crues, ordonné par l’article 6 de la loi du 28 mai 1858195. Le rapport de l’ingénieur subdivisionnaire du Service Spécial argumente ce refus en rappelant l’importance des exhaussements réalisés au sud de Lyon et en déplorant leur impact négatif sur le risque :

‘« Les errements suivis ces dernières années dans l’exhaussement des différentes voies de communication et installations municipales de la rive gauche du Rhône dans le quartier des Brotteaux Rouges notamment, tels que le stade municipal, l’usine d’incinération des ordures, le quai Fillon, etc., ont diminué sans aucun doute la section d’écoulement des grandes crues. Avant ces exhaussements, les grandes crues s’écoulaient par le débouché de la lône de l’Archevêque et ces eaux sont au contraire actuellement rejetées sur la Saulaie d’Oullins et Pierre-Bénite. En 1928 les parties basses d’Oullins et de Pierre-Bénite étaient envahies par 0,80 m d’eau en moyenne. Aussi nous estimons que pour ne pas aggraver la situation existante il y aurait lieu d’imposer pour le remblaiement une cote inférieure par exemple de 1 m ou 1,5 m à la cote de février 1928 » 196 . ’

L’entreprise cesse un mois plus tard, le 22 janvier 1934.

Le 21 mars 1934, la Ville soumet un nouveau projet revu à la baisse, selon les consignes du Service Spécial, qui envisage de niveler le terrain en remblayant les points bas sur 50 cm d’épaisseur.

Après le bombardement de Lyon par les Alliés en 1944, le Service Vicinal de la ville de Lyon, en charge du déblaiement des décombres, obtient du Service Navigation l’autorisation de déverser les matériaux dans la partie nord de la lône Félizat, suivant le tracé de l’autoroute qui doit emprunter cet itinéraire. Commencés en novembre 1944, les travaux de remblaiement sont interrompus par le Service Navigation à la fin du mois de janvier 1945, alors que le cubage autorisé a déjà été largement dépassé et que la limite des remblais est déjà 30 mètres plus au sud que la limite fixée par l’Etat197. Trois mois plus tard, la Compagnie Générale de Navigation HPLM, qui exploite les chantiers à bateaux de la Mouche, situés au droit de la lône Félizat, déplore l’impact de ces travaux, qui auraient provoqué l’ensablement de la partie non remblayée, entre la digue des Rivières, la digue transversale nord et les remblais. Il faudra attendre une quinzaine d’années pour que ce secteur soit aménagé. En 1961, le Service Navigation autorise la Ville à remblayer l’ancien chenal de la Compagnie HPLM, les terrains de la lône Félizat et de l’île de l’Archevêque devant ensuite être mis hors d’eau en vue de leur aménagement en zone industrialo-portuaire, dans le cadre de l’extension du port Edouard Herriot. Pour que cette réduction du lit majeur n’entraîne pas de relèvement du niveau des crues, le Service Navigation prévoit de compenser l’édification de cette plateforme insubmersible par un approfondissement du lit mineur198.

Notes
195.

Archives du SNRS, C1433, D8514, Lettre de l’Ingénieur en Chef du Service Spécial à l’Ingénieur en Chef de la Voirie municipale et au Chef du Génie de Lyon, 5 janvier 1934

196.

Archives du SNRS, C1433, D8514, Rapport de l’Ingénieur Subdivisionnaire, 4 janvier 1934

197.

Archives du SNRS, C1433, D8514, Courrier du Service Navigation en date du 16 janvier 1945

198.

Archives du SNRS, C1433, D8514, Courrier de l’Ingénieur en Chef du Service Navigation J. Winghart au Directeur de la CNR, 18 mai 1861