III.3. Demande de protection de la commune d’Oullins (1957-1958)

Suite à l’inondation de février 1957, la municipalité d’Oullins envisage quant à elle des travaux de protection du quartier de la Saulaie, fréquemment inondé et durement touché par la dernière crue.

Le 1er août 1957, le maire transmet au Service Navigation un projet de défense élaboré par un conseiller municipal. Il sollicite l’avis et les conseils des ingénieurs quant à la faisabilité et à l’efficacité, au moins partielle, de l’entreprise, et à leur utilité compte-tenu de la construction future de l’autoroute de sortie sud, prévue en bordure du Rhône à une cote insubmersible. Dans son courrier, le maire pose par ailleurs la question de l’impact de l’aménagement CNR de Pierre-Bénite, dans le sens d’une aggravation ou d’une réduction du risque d’inondation. La municipalité s’inquiète en effet des conséquences du relèvement de la cote moyenne du plan d’eau sur le niveau des crues219, et se préoccupe de savoir si l’exhaussement moyen de la ligne d’eau sera compensé par le volume dérivé dans le canal de fuite et le canal évacuateur de crue220.

Le dessein de la commune de Pierre-Bénite est de s’affranchir à la fois du débordement direct du Rhône, de l’inondation due au refoulement des eaux du Rhône dans le cours de l’Yzeron, et de l’inondation indirecte à partir des bouches d’égouts.

Le projet imaginé par la municipalité consiste à prolonger sur 1 200 m la protection dont bénéficie déjà La Mulatière (le quai Pierre Semard, édifié au milieu du XIXe siècle, est insubmersible) en surélevant le quai déjà existant et en édifiant un mur jusqu’à l’usine de produits chimiques située à l’aval. Les ouvertures ménagées dans la protection devraient bien entendu être batardables. L’ouvrage serait complété par l’endiguement de la rive droite de l’Yzeron jusqu’au viaduc SNCF et l’obturation des égouts en temps de crue, l’évacuation des eaux usées et d’écoulement étant alors assurée par pompage et rejet au Rhône. Enfin, les élus envisagent même la création d’un canal sur la courbe avancée de la rive gauche du Rhône permettant de dériver une partie des eaux de crue du Rhône.

Par un courrier en date du 4 février 1958, le Service Navigation rassure le maire quant à l’impact de l’aménagement de Pierre-Bénite, et souligne au contraire que ce dernier devra permettre une légère réduction du risque, du fait du débit dérivé dans les deux canaux et du basculement de la ligne d’eau en crue dont nous avons parlé précédemment221. L’Etat conseille donc à la commune d’attendre la réalisation de l’autoroute et de l’aménagement CNR, qui aboutiront à protéger la commune sans occasionner de dépense municipale. L’endiguement projeté entraînerait en effet une dépense considérable, estimée à plus de 6 millions de francs, et se heurterait à la nécessité de maintenir un accès au fleuve à obturer en cas de crue. La construction de l’autoroute de sortie sud de Lyon, qui se traduira par l’édification d’un remblai insubmersible et par l’endiguement du cours aval de l’Yzeron, doit apporter la protection envisagée. Par ailleurs, la création d’un canal en rive gauche du Rhône n’est pas souhaitable car il recouperait le linguet d’accès au port E. Herriot prévu dans l’aménagement de Pierre-Bénite et empièterait à l’amont sur des terrains réservés à l’extension industrielle de l’agglomération lyonnaise. On retrouve ici l’argument de la priorité des intérêts urbains au détriment de la protection des marges de l’agglomération.

Dans l’attente de la réalisation de l’autoroute, le SNRS recommande à la commune d’organiser la fermeture des points bas des quais lors des crues. Par contre, l’importance des égouts communaux et industriels rend leur fermeture et surtout l’évacuation des eaux par pompage délicate et coûteuse. Compte-tenu de ces contraintes techniques et financières, la meilleure protection consisterait en une politique de relèvement des niveaux des rues et de surélévation des seuils des maisons.

Notes
219.

La mise en service de la retenue de Pierre-Bénite devait entraîner un relèvement de 2 m du niveau moyen des eaux du fleuve.

220.

Archives SNRS, Inondations, C. 1311 II, D 7439

221.

Cf. partie III, chap. 3 II.1