IV.2. L’aménagement de Pierre-Bénite : des contraintes techniques liées à l’exigence d’éviter l’inondation des constructions existantes

L’aménagement de Pierre-Bénite est mis en service en 1966. Il permet la jonction des voies navigables du Rhône et de la Saône par la formation d’un bief continu de 21 km jusqu’à l’écluse de Couzon, qui se substitue aux deux anciens biefs de La Mulatière et de l’Ile-Barbe. En période d’étiage, le remous du barrage s’étend jusqu’au pont Morand sur le Rhône (soit 5 km en amont du confluent Rhône-Saône) et jusqu’à Couzon sur la Saône (Winghart et Agard, 1966a). Conformément au cahier des charges de la CNR, l’exploitation des ouvrages doit être conduite de manière à ne pas dépasser, pour une crue d’un débit supérieur à 2750 m3/s, les niveaux observés avant aménagement afin de ne pas aggraver la situation des riverains du Rhône et de la Saône. Ainsi, les passes du barrage sont progressivement ouvertes afin d’effacer complètement le barrage pendant les crues notables (cf. partie III, chap. 3, II.3.b).

En revanche, la cote moyenne de la retenue étant supérieure à celle des basses et moyennes eaux qui prévalait jusque-là, un important réseau de drainage est mis en place afin de maintenir la nappe à un niveau convenable dans l’agglomération lyonnaise (fig. 68). De part et d’autre du fleuve, deux conduites de 8 à 16 m² de section doivent ainsi évacuer vers le canal de fuite les eaux collectées par gravité : en rive droite, l’ouvrage de drainage est construit le long de la berge en aval de La Mulatière et dans la section aval du lit de l’Yzeron ; en rive gauche, le drain est établi à l’aval du viaduc de Perrache et le long des darses du port (Weckel, 1996). Ainsi, comme ce sera le cas à Vienne quelques années plus tard, l’aménagement CNR de Pierre-Bénite a-t-il contribué à réduire l’aléa indirect lié aux crues de la nappe du fleuve dans la partie sud de la ville, bien que cette contrainte demeure dans les points bas et dans les secteurs non drainés par le dispositif : essentiellement dans la Presqu’Ile ainsi qu’entre le Rhône et les collecteurs de drainage.

La réalisation de l’aménagement, qui a nécessité 20 millions de m3 de terrassements (ibid.), a profondément bouleversé le paysage du Rhône et les conditions de mise en eau de la plaine au sud de Lyon : le lit mineur du Rhône a été incorporé au canal de fuite dans la boucle de Pierre-Bénite, et court-circuité en rive droite par un canal évacuateur de crue de 2,5 km, large de 140 m et profond de 13 m, créé au sein du lit majeur. L’ensemble formé par l’usine, le déchargeur et l’écluse est implanté sur l’île de Pierre-Bénite.

Les caractéristiques particulières de l’aménagement ont été dictées par la nécessité d’intégrer l’ouvrage au tissu industriel déjà existant (Weckel, 1996). La présence du complexe industriel de Saint-Fons, situé en-dessous du niveau projeté de la retenue, imposait en effet de construire l’usine et l’écluse à proximité immédiate du port E. Herriot, afin de ne pas nuire aux enjeux industriels par la construction d’un canal d’amenée à la cote de la retenue qui aurait entraîné des problèmes d’infiltration au droit des usines de Saint-Fons. Contrairement aux autres ouvrages du Rhône, l’écluse se trouve donc en amont de l’usine hydroélectrique. Il n’existe pas de canal d’amenée et le canal de fuite, à l’inverse, est particulièrement long. La réalisation de ce dernier à une cote relativement basse a nécessité de profonds terrassements, ce qui a produit un volume considérable de déblais, largement excédentaire.

Fig. 68. Plan d’ensemble des ouvrages entre le P.K. 1,5 et le P.K.6 du Rhône
Fig. 68. Plan d’ensemble des ouvrages entre le P.K. 1,5 et le P.K.6 du Rhône

(source : CNR)

Fig. 69. Plan schématique de la zone industrielle bordant le canal de fuite
Fig. 69. Plan schématique de la zone industrielle bordant le canal de fuite

(source : CNR)