V. Le développement incontrôlé des remblais et la crainte d’une nouvelle aggravation de l’aléa

V.1. Concilier la priorité au développement industriel et le bon écoulement des crues

Une étude détaillée de l’affectation des terrains situés le long des ouvrages, entre le Port E. Herriot et Givors, avait été réalisée en 1963 pour délimiter le plus grand nombre de zones à industrialiser le long du Rhône tout en maintenant un champ d’inondation suffisant pour ne pas aggraver les lignes d’eau (CNR, 1963).

Comme le lit majeur allait être inondé bien moins souvent qu’avant suite à la mise en service de l’ouvrage, on pouvait s’attendre à ce que les communes riveraines souhaitent investir les terrains ainsi libérés d’une contrainte fluviale jusque-là très forte. Pour cette raison, la CNR estimait nécessaire d’en encadrer la préservation et suggérait donc de réviser le plan des zones inondables du Rhône, issu du décret du 3 sept 1911 et basé sur la limite de la crue de 1856, pour en faire un plan de surfaces submersibles (PSS) dans lequel les secteurs non concernés par les remblaiements des zones industrielles seraient classés en zone A « de grand débit »231. Le PSS du Rhône Aval sera approuvé en 1972. Il comporte une zone spéciale qui tient compte de la présence des digues de la CNR : la zone C, dite de sécurité, qui concerne les secteurs historiquement inondables mais désormais réputés protégés, où le risque est jugé acceptable et qui ne fait pas l’objet de prescriptions particulières.

Apparemment, les autorisations de remblaiement accordées (soit par la CNR, gestionnaire de ce secteur qui lui est concédé, soit par les communes riveraines ou encore par le préfet du Rhône sur proposition du Service des Mines) ont largement dépassé les superficies et volumes initialement prévu avant le début des travaux du canal de fuite. Depuis la réalisation de l’aménagement de Pierre-Bénite, de nombreux remblais supplémentaires ont en effet été réalisés en bordure du Rhône entre Pierre-Bénite et Grigny, au-delà des zones réservées à cet effet. Des remblaiements ont ainsi été autorisés sur des emprises pourtant définies comme nécessaires au bon écoulement des crues dans le projet d’aménagement de la CNR, et qui avaient été présentées comme devant être impérativement réservées à cette fonction sous peine d’annihiler les effets bénéfiques de la dérivation et d’aggraver au contraire l’aléa pour une crue semblable à celle de 1957.

Notes
231.

Courrier du Directeur Général de la CNR à l’Ingénieur en Chef du SNRS Agard, 21 juin 1963