II.1. Développement des plateformes industrielles et portuaires : édification de remblais qui doivent être compensés par le recalibrage de la voie d’eau

Comme on l’a évoqué plus haut au sujet de l’essor industriel du couloir de la chimie, la volonté de favoriser la croissance industrielle est une préoccupation majeure des politiques et des services techniques au début des années 1960. Une des réponses apportée est la création de vastes plateformes industrielles associées au développement de la voie d’eau. Le dragage de la rivière doit permettre d’approfondir le chenal afin de ne pas péjorer les conditions d’écoulement des crues. Le long de la Saône lyonnaise, le site de Neuville-Genay, en rive droite de la Saône, offre suffisamment d’espace pour une telle entreprise. En 1962, les Chambres de Commerce de Lyon et de l’Ain élaborent un projet de zone industrialo-portuaire d’environ 180 ha. L’aménagement concerne une bande de 1,9 km de long et 950 m de large en bordure de la rivière, au nord de l’agglomération de Neuville et à l’ouest de celle de Genay. Le site présente un grand intérêt pour l’agglomération lyonnaise car il constitue l’une des rares zones aménageable pour l’industrie en bordure de la voie d’eau, raccordé à la RN433 et au chemin de fer. Néanmoins, plus de la moitié des terrains concernés (100 ha) se trouve en zone inondable et doit être remblayée sur environ 1 m d’épaisseur jusqu’à la cote 170 m NGF, c’est-à-dire au-dessus du niveau atteint par la crue cinquantennale de 1955. Le projet est déclaré d’intérêt public par l’arrêté ministériel du 1er avril 1965, qui prévoit l’acquisition des terrains par la Chambre de Commerce de Lyon dans le cadre d’une Zone d’Aménagement Concerté. L’avant-projet de remblaiement établi en 1967 par le Service Navigation estime à 880 000 m3 le volume des remblais à mettre en place, pour un coût évalué à 4,3 millions de francs. La dépense totale se porterait à 12 millions de francs, financée aux 3/5 par la Chambre de Commerce de Lyon et aux 2/5 par celle de l’Ain. Par ailleurs, il est prévu d’aménager ultérieurement un port public de 500 m de long, dont la réalisation ne s’est finalement pas avérée nécessaire suite à la création du port industriel E. Herriot ;  les emplacements initialement réservés au sud de la zone ont été déplacés vers le nord en 1970 pour libérer les terrains convoités par les industriels souhaitant étendre leur activité.

La perte de débouché superficiel occasionnée par l’édification de la plateforme industrielle doit être compensée par le dragage du lit mineur à la cote 162,3, dont les produits sont destinés aux travaux de terrassement. D’importantes opérations de dragages sont prévues dans le cadre de la mise au gabarit européen de la voie navigable de la Saône entre Mâcon et Lyon, qui doit permettre de disposer d’un mouillage de 3,5 m dès 1981. L’approfondissement du chenal doit compenser l’impact des remblais sur la réduction de la section d’écoulement ; selon le bureau d’étude Sogreah (1985), ils auraient provoqué un abaissement de 10 cm du niveau des crues.

Les travaux de remblaiement sont réalisés en 3 tranches, de 1968 à 1971, et ont finalement représenté un volume de près de 1 million de m3 (990 000 m3). Enfin, 2100 m de berge sont enrochés pour éviter l’érosion causée par le marnage important dû aux crues.

Parallèlement, d’autres parcelles sont remblayées le long de la Saône par les entreprises locales, en particulier les sociétés de dragage qui extraient les sables et graviers de la rivière.

A Parcieux par exemple, 1500 m² situés en avant du chemin de halage ont été remblayés à la cote 168,27 m par l’entreprise de dragages Baunaud, pour le déchargement et le stockage de sables et de graviers. Sur 120 m de long, la berge est ainsi bordée d’un quai de déchargement soutenu par un mur droit en gabions. Ces installations, réalisées sans autorisation, sont régularisées par arrêté préfectoral le 11 avril 1967240. Une note de l’ingénieur d’arrondissement du 18 mai 1971 aboutit à la conclusion que la réduction de 1,6 de la section mouillée occasionnée par l’aménagement est largement compensée par les dragages effectués par l’entreprise : le fond de la Saône est creusé jusqu’à 10 à 12 m sous la retenue statistique théorique. Il est précisé que cette société est celle qui occupe la plus petite surface du domaine public fluvial et que les ouvrages concernés sont bien moins gênants pour l’écoulement des crues que ceux mis en place par les autres sociétés de dragage du secteur, en particulier à Tournus, Belleville, Jassans et Anse. Par la suite, en 1974, l’entreprise déménagera au nord-ouest de la zone industrielle de Neuville-Genay.

A Couzon, le port privé de l’entreprise Longométal, construit en 1971, entraîne, quant à lui, le remblaiement de près de 8 000 m² à la cote 168,50, soit 2,5 m au-dessus du niveau de la future retenue de Couzon241 .

Notes
240.

Archives SNRS, C3440 L19 p40, demandes de riverains, commune de Parcieux

241.

Archives SNRS, C3460 D16550 L7 p32 Demandes de riverains, dpt du Rh, rivière de Saône, commune de Couzon