Bien que la loi du 28 mai 1858 veille à limiter tout endiguement en amont de Lyon, et malgré le vote de la loi de 1935, il faudra attendre le début des années 1970 pour qu’un zonage des surfaces submersibles règlemente l’occupation des sols dans le « Y lyonnais ». En matière d’autorisation des constructions en zone inondable, le décret-loi du 30 octobre 1935 stipule que chaque demande est un cas d’espèce et doit faire l’objet d’un examen particulier par le SNRS, chargé d’évaluer l’incidence du bâti au point de vue hydraulique. Ainsi, lorsque le maire de Massieux, par crainte de voir sa responsabilité engagée en cas de crue dommageable, demande en 1961 que le Préfet puisse interdire toute construction en zone inondable sur sa commune, lui est-il répondu qu’il est impossible d’édicter une interdiction générale mais que chaque demande de permis de construire doit être appréciée par le SNRS au cas par cas242. Le SNRS ajoute par ailleurs que la responsabilité du maire n’est pas engagée puisque la décision finale incombe à l’Administration (ibid.). La législation ne permet donc pas un gel strict et définitif de ces espaces, au risque que les services de l’Etat cèdent aux pressions locales et accordent des concessions aux intérêts particuliers. De fait, si l’approbation du PSS de la Saône a permis d’encadrer et de limiter le développement des constructions, elle n’a pas empêché la multiplication des enjeux vulnérables au sein du lit majeur.
Le plan des surfaces submersibles, élaboré au 1/20 000e et qui prend comme crue de référence l’événement de 1955, a été approuvé le 16 août 1972. Il stipule que les nouvelles constructions, les dépôts et les excavations envisagés dans les zones submersibles réglementées devront désormais être soumis à déclaration et obtenir l’avis favorable du SNRS. La zone A, dite de grand débit, correspond aux terrains noyés sous 1,8 m d’eau ou plus en 1955. Sauf cas exceptionnel, aucune nouvelle construction ne pourra y être autorisée, et les plantations risquant de former un obstacle à l’écoulement des forts débits, tels les taillis ou les acacias, y sont interdites. La zone B, dite complémentaire, concerne les secteurs où la lame d’eau n’a pas dépassé 1,8 m en 1955. Les prescriptions y sont moins sévères : les constructions pourront être autorisées, chaque cas devant être étudié séparément.
L’analyse de l’enquête publique prescrite par l’arrêté préfectoral du 11 avril 1967 et ouverte du 16 au 30 mai 1967 dans les 37 communes concernées par le PSS de la Saône nous renseigne sur la position des communes et de la population vis-à-vis de la mise en place du zonage règlementaire. Sur les sept communes qui ont formulé des observations et exprimé des réserves quant à la nouvelle réglementation, trois se situent dans le « Y lyonnais ». Les municipalités de Trévoux, Parcieux et Massieux ont ainsi demandé à l’Etat de surseoir à la définition des surfaces submersibles, qui contrariait les projets d’urbanisme en cours et les possibilités de développement futur de leur territoire243. En effet, l’Etat préconise que les zones situées en zone submersible réglementée soient classées dans la mesure du possible en zone naturelle inaltérable ou à la rigueur en zone à vocation agricole.
Les communes de Parcieux, Massieux et Quincieux ont malgré tout cherché à développer les constructions en zone inondable réglementée, faisant valoir l’impossibilité de se développer en-dehors du lit majeur. Dans le cadre de l’élaboration de leur plan sommaire d’urbanisme (1968), elles obtiennent le classement de l’essentiel des zones B en zone d’habitat individuel. Une partie des zones A théoriquement inconstructibles, est classée en « secteur rural à tolérance résidentielle ». Les constructions individuelles pourront y être autorisées sur avis favorable du SNRS et à condition que les planchers habitables soient calés 2 m au moins au-dessus du niveau du sol244. Ainsi, le SNRS acceptera-t-il par exemple la construction sur remblai insubmersible d’un lotissement important au lieu-dit Les Varennes, sur la commune de Quincieux. Les zones B sont quant à elles majoritairement classées en zone d’habitat individuel.
Au début des années 1980, la commune de Parcieux obtient par ailleurs l’aide technique de la DDE de l’Ain pour élaborer un schéma d’aménagement et d’urbanisme prévoyant le remblaiement d’un secteur constructible de 17 000 m² situé en zone inondable. Admettant « le principe de l’empiètement inévitable en zone submersible de la Saône »245, et compte-tenu des possibilités limitées d’extension de la commune, le SNRS donne un avis favorable au projet sous réserve que le remblai se limite à des secteurs inondés par moins de 50 cm d’eau en 1955. Les modalités finalement arrêtées par la DDE seront tout autres : il est prévu d’implanter les constructions en hameaux, selon une disposition « en doigt de gant » et dans des secteurs où les hauteurs d’eau dépassaient largement les 50 cm. Si les superficies à remblayer restent les mêmes, les volumes finalement soustraits au champ d’expansion des crues sont bien supérieurs à ceux initialement tolérés par le SNRS, qui se range malgré tout à l’avis de la DDE. Cette dernière affirme que les buses prévues sous les remblais suffiront à assurer le libre écoulement des crues, et ne mentionne pas le problème de la réduction des volumes stockables246.
En rive gauche de la Saône, l’urbanisation s’est développée en arrière du remblai de la nationale 433, construite dans les années 1970 et qui protège en partie les constructions situées en arrière. A Trévoux, la municipalité obtient le remblaiement des terrains situés en arrière de la nouvelle chaussée « insubmersible » afin d’y établir des équipements sportifs. Sur la commune, 6 ha sont ainsi mis hors d’eau pour la route proprement dite et 1 ha pour établir un centre nautique. Bien que le projet soit situé en zone A du PSS, le Service Navigation autorise le remblaiement des parcelles intéressées sur 2 mètres de hauteur, compte-tenu de « l’intérêt socio-économique évident » de l’entreprise247. A Rochetaillée, les terrains isolés, entre l’ancienne route bordant la Saône (le chemin départemental 433) et le nouvel ouvrage, sont concédés à la commune pour la réalisation d’équipements sportifs et d’un centre commercial alimentaire (délibération du Conseil Municipal du 1er juin 1979).
La mise en place des PSS n’a donc pas empêché le développement des constructions dans le corridor fluvial, les pressions locales ayant été suffisamment fortes pour faire plier l’Administration. Dans la pratique, les permis de construire ont été accordés à la condition que les enjeux soient placés au-dessus du niveau de la crue de référence. Les prescriptions ont imposé la mise en œuvre de mesures d’adaptation du bâti : le niveau du premier plancher devait être calé au-dessus de la cote atteinte par les eaux en 1955. La comparaison des cartes de l’occupation du sol en 1950 et 2000 montre que le bâti s’est densifié et étendu à partir des noyaux existants au milieu du XXe siècle. Mais dans l’ensemble, les nouvelles constructions édifiées dans le lit majeur se situent pour une grande part en dehors du périmètre du PSS. Ce sont surtout les activités industrielles qui ont été autorisées dans les zones B, en particulier les zones industrielles de Trévoux et de Couzon-Albigny.
Archives SNRS, C3440 L15, Demandes de riverains, commune de Massieux, rapport de l’ingénieur d’arrondissement du 15 décembre 1961
Archives SNRS, C3440
Archives SNRS, C3440 L19 Demandes de riverains, commune de Parcieux
Archives SNRS, C3440 L19 Demandes de riverains, commune de Parcieux, courrier du SNRS à la DDE de l’Ain en date du 5 mars 1981
Archives SNRS, C3440 L19, Demandes de riverains, commune de Parcieux
Archives SNRS, C3440 L30 p 30 et 31, Demandes de riverains, commune de Trévoux)