III.1. Mise en cause des barrages

Dans le cadre de l’effort de modernisation du réseau navigable lancé par le IVème plan suite au rapport « Boulloche » sur la création de la voie d’eau Mer du Nord-Méditerranée, la mise en eau de barrages plus modernes, construits par la Compagnie Nationale du Rhône dans les années 1960, permet d’allonger les biefs, ramenés au nombre de deux entre Trévoux et Lyon, et de détruire les retenues intermédiaires (fig. 70). La mise en service de l’ouvrage de Pierre-Bénite en 1966 unifie les plans d’eau du Rhône et de la Saône dans Lyon et rend inutile le barrage de La Mulatière, qui sera supprimé la même année. L’ancien barrage de Couzon est, quant à lui, remplacé par un nouvel ouvrage construit à l’aval du premier, ce qui permet de supprimer le barrage de l’Ile-Barbe en 1968-70. La suppression de l’ancien ouvrage de Couzon était elle aussi prévue mais n’a finalement pas été réalisée. Parallèlement, le chenal navigable est approfondi au moyen de dragages, pour obtenir un tirant d’eau de 3,5 m.

Fig. 70. Les barrages de navigation sur la Saône.
Fig. 70. Les barrages de navigation sur la Saône.

(source : SNRS)

Suite au débat suscité par la mise en cause des barrages, qui auraient selon les riverains une influence sur l’hydraulicité de la rivière, ce que le Service Navigation récuse, plusieurs études sont lancées pour faire le point sur cette question complexe. Nous avons procédé à une analyse critique des différents rapports publiés sur le sujet (EDF, 1967 ; Mission Déléguée de Bassin RMC, 1984 ; Sogreah, 1985 et 1994). Les nouveaux barrages sont équipés de vannes-clapets qui peuvent être complètement effacées dans l’épaisseur du radier : il ne subsiste donc aucun remous dû aux vannes lorsque les barrages sont complètement couchés. Mais les ouvrages peuvent avoir une incidence avant la pointe de la crue : en effet, si les consignes de gestion sont plus précises quant à la cote à maintenir dans les différents biefs, elles le sont beaucoup moins quant au moment où l’on doit commencer à effacer le barrage. En découlent deux phénomènes à l’origine d’une montée plus rapide des crues :

  • D’une part, les terrains peuvent être submergés lors de faibles crues alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant. Cela joue particulièrement le long du bief de Couzon dont le niveau à l’étiage a été relevé suite à la construction du nouveau barrage : la cote normale de la retenue est ainsi très proche de celle des terrains avoisinants (de l’ordre de 25 cm). De ce fait, toute augmentation de débit à l’amont qui n’est pas prise en compte à temps risque d’entraîner l’inondation de terres agricoles qui ne l’auraient pas été sans la présence de l’aménagement.
  • Par ailleurs, la faible différence de niveau entre la cote du bief et les terrains riverains est insuffisante pour absorber le passage de la première pointe de la crue : si la crue n’est pas anticipée suffisamment tôt, la Saône déborde plus vite qu’elle ne l’aurait fait dans la configuration antérieure.

Si les nouveaux barrages apportent une amélioration notable dans la gestion des inondations car ils sont plus faciles à coucher que les ouvrages à aiguilles, les études montrent que leur gestion doit néanmoins être affinée. Il est proposé de remonter plus en amont le point de réglage des biefs et d’améliorer la prévision et l’information sur l’annonce des crues d’amont en aval. Mieux connaître la rapidité du temps de transfert de la crue permettrait alors de revoir les consignes d’abaissement des barrages et pallier les inconvénients liés à la remontée du niveau du bief de Couzon.

De plus, on décide de supprimer l’essentiel des ouvrages de l’ancien barrage de Couzon, pour abaisser la ligne d’eau de 5 cm, ce qui fait passer le remous de 11 à 6 cm. Les maçonneries de la pile du barrage, le radier et les enrochements de protection sont supprimés en 1987. Une étude ultérieure doit évaluer la nécessité de supprimer l’ancienne écluse et la digue basse, et envisager l’utilité et la faisabilité de créer une cinquième passe au nouveau barrage afin d’en augmenter le débouché en temps de crue. Le coût de cette dernière mesure sera par la suite évalué à 15 millions de francs, pour une augmentation de la section mouillée de l’ordre de 10 %. Face au montant considérable de la dépense, les travaux n’ont toujours pas été réalisés à l’heure actuelle, malgré les demandes répétées des communes du Val de Saône.

Photo 30. Le chantier de reconstruction du barrage de Couzon en 1965
Photo 30. Le chantier de reconstruction du barrage de Couzon en 1965

(source : SNRS, photo Studios Villeurbannais).

Chantier d’allongement de la nouvelle écluse et amorce du chantier de reconstruction du barrage : à gauche, ponton de battage, au centre, début du premier batardeau des passes centrales.

Photo 31 . Le barrage de Couzon couché en temps de crue
Photo 31 . Le barrage de Couzon couché en temps de crue

(source : SNRS).