La sensibilité particulière des riverains à la question de l’aggravation du risque d’inondation du fait des aménagements se cristallisera autour du projet de réalisation de la section de l’autoroute A46, intéressant la branche sauconnienne du « Y lyonnais ». L’ouvrage, édifié sur un remblai insubmersible en travers du lit majeur, contourne l’agglomération de Anse par l’est, longe la voie ferrée jusqu’à Ambérieux d’Azergues puis traverse la plaine pour franchir la Saône au PK 25, en aval de l’île Beyne, avant de rejoindre le plateau de la Dombes entre les agglomérations de Massieux et Genay. L’effet de l’autoroute est double : il constitue une emprise sur le champ d’inondation et risque par ailleurs de former un obstacle à l’écoulement des eaux en lit mineur en son point de franchissement de la Saône, perpendiculaire à l’axe de la rivière.
Initialement, l’impact de l’ouvrage, évalué par le bureau d’études Sogreah en 1971, correspondait à une surélévation des niveaux de 5 cm pour une crue centennale. Cet exhaussement aurait induit une aggravation du risque sur une surface relativement importante, compte-tenu de la platitude la vallée, et n’a donc pas pu être accepté par le Service Navigation, qui a exigé que l’incidence de l’ouvrage soit ramenée de 2 à 3 cm maximum. Les moyens d’y parvenir sont définis par une étude complémentaire réalisée en 1981, qui permet d’arrêter le dimensionnement de l’ouvrage de franchissement et des ouvrages de décharge. Pour réduire l’incidence du pont, qui provoquerait un exhaussement de 9 cm de la ligne d’eau pour une crue centennale si aucune mesure compensatoire n’était prise, on arrête la réalisation d’un ouvrage à 5 travées d’une longueur de 330 m. Par ailleurs, des ouvrages hydrauliques sont prévus sous le remblai pour permettre le ressuyage des poches créées en arrière de l’ouvrage, notamment à Ambérieux d’Azergues et à Quincieux. Dans cette configuration, la surélévation du plan d’eau dans le lit majeur à l’amont du pont est ramenée à 3,9 cm au maximum pour une crue centennale, en certains points du territoire de la commune de Quincieux, l’exhaussement étant le plus souvent compris entre 2 et 3 cm. Plus précisément, on observe un abaissement des niveaux d’eau à Ambérieux d’Azergues et sur les ¾ de la poche de Quincieux, le ¼ restant subissant une augmentation des hauteurs. En lit mineur, l’influence est plus faible : le niveau des crues décennale et centennale est surélevé de 1 cm.
Néanmoins, les riverains d’Ambérieux et Quincieux s’inquiètent d’une aggravation du champ d’inondation de la Saône du fait de l’importance des remblais, et attirent l’attention du Secrétaire d’Etat chargé de la Prévention des Risques naturels et technologiques majeurs sur cette question259.
Approuvé par le SNRS en 1985, le projet est déclaré d’utilité publique l’année suivante. Une enquête hydraulique est ouverte du 6 juin au 22 juillet dans les mairies des communes concernées par le projet, au titre du rétablissement des écoulements superficiels et du ressuyage des crues. La commission d’aménagement foncier de Quincieux fait alors part de ses inquiétudes quant à l’incidence de l’ouvrage sur une aggravation de l’aléa, et déplore l’absence de prise en compte de l’impact cumulé des autres projets d’aménagement de la plaine, en particulier la réalisation du plan d’eau de Anse dans le cadre de laquelle d’importants remblais sont à l’époque envisagés : vaste de 650 ha, ce dernier aurait alors dû être endigué côté Saône pour être mis à l’abri de la crue cinquantennale (par la suite, le projet sera d’ailleurs bloqué par l’approbation du PPRI de Anse). Elle demande à ce que l’autoroute soit construite sur pilotis sur 600 m et réclame la création d’un cinquième clapet sur le barrage de Couzon. Cependant, le SNRS estime que ces questions sortent du cadre de la présente enquête et décide de ne pas en tenir compte. Les autres communes n’ayant pour leur part formulé aucune objection, et aucune observation de la part des particuliers n’ayant été recueillie, le projet reçoit donc un avis favorable de la part des services de l’Etat.
On peut s’étonner de l’absence de réaction de la part des agriculteurs, pourtant sensibilisés à la question des inondations suite aux crues de 1981, 1982 et 1983. En réalité, l’inquiétude de ces derniers est bien réelle et a fait l’objet de courriers de la part des fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles du Rhône et de l’Ain, mais ces derniers ont été adressés aux Préfets du Rhône et de l’Ain quelques jours après la clôture de l’enquête et n’ont donc pas été versés au dossier officiel260. Comme la commission d’aménagement foncier de Quincieux, les syndicats sont préoccupés par l’impact négatif de l’autoroute A46 et de la création du parc de loisirs de Anse sur le risque d’inondation : « la multitude d’ouvrages dans ce secteur amplifie les problèmes d’imperméabilité du sol et entraîne des risques accrus d’inondation de la Saône. Les deux grands projets actuels […] vont encore aggraver ces phénomènes. […] Les conséquences des inondations trop fréquentes des terrains agricoles deviennent insupportables pour les agriculteurs qui en sont victimes. » 261. Les intéressés demandent la réalisation d’une enquête hydraulique élargie, depuis l’amont de la base de loisirs de Anse jusqu’au barrage de Couzon, et réclament une nouvelle fois la construction d’une cinquième passe au barrage de Couzon pour effacer complètement l’ouvrage lors des crues. Il est finalement décidé de réaliser le projet en l’état, les services gestionnaires et la société d’autoroute craignant qu’une nouvelle enquête ne relance la polémique.
Archives vivantes de la subdivision de Mâcon du SNRS, courrier du Comité de Défense des personnes concernées par le tracé de l’autoroute A46 sur les communes de Quincieux et d’Ambérieux, 27 août 1984
Archives vivantes de la subdivision de Mâcon du SNRS, courriers en date du 30 juillet et du 4 août 1987
Archives vivantes de la subdivision de Mâcon du SNRS, courrier du FDSEA du Rhône au Commissaire de la République, 23 juillet 1987