IV.2. Les PPRI de la Saône : un durcissement des contraintes réglementaires imposé par l’Etat qui suscite l’opposition des élus

Les inondations importantes survenues au début du XXIe siècle, en particulier celles qui se sont avérées catastrophiques dans le sud-est de la France en septembre 2002, ont révélé la vulnérabilité du bassin du Rhône vis-à-vis des crues et rappelé la nécessité de prendre en compte les précédents historiques dans la gestion du risque d’inondation. La loi du 30 juillet 2003 réaffirme la volonté de l’Etat de se référer à la plus grande crue connue en matière de règlement du risque. A l’échelle régionale, les DIREN sont chargées de veiller au respect des prescriptions nationales.

Dans la vallée de la Saône, c’est donc l’inondation exceptionnelle de 1840 qui est prise comme crue de référence lors de l’élaboration des PPRI, ce qui contraste fortement avec la situation actuelle, comme nous l’avons déjà souligné. Le PPRI du Grand Lyon a été prescrit par l’arrêté préfectoral du 7 janvier 2004, et est divisé en quatre secteurs (Saône, Rhône Aval, Rhône Amont et Lyon-Villeurbanne). Celui du secteur Saône a été le premier approuvé, le 12 décembre 2006. Sur les communes situées à l’amont du territoire du Grand Lyon, les PPR actuels (c’est-à-dire les PERI approuvés au début des années 1990 qui valent PPR depuis la loi Barnier de 1995) vont être prochainement révisés en même temps que ceux des 30 autres communes situées en aval de Chalon. Premier volet de la procédure de révision, l’étude d’aléas a été lancée le 28 juillet 2006 et s’appuie sur la modélisation d’une crue du type de celle de 1840 dans la situation actuelle. Elle est actuellement en cours de réalisation ; les résultats fournis par le modèle sont attendus à l’automne 2007.

Le durcissement soudain de la contrainte réglementaire est difficilement accepté par les élus et les riverains de la Saône. Il semble que la situation s’annonce plus conflictuelle pour la révision des PPRI du Val de Saône que pour la mise en œuvre de celui du Grand Lyon, et ce pour deux raisons principales : d’une part les zones inondables sont nettement moins étendues à l’aval de Neuville que dans le reste du Val de Saône, et d’autre part le secrétaire général de la Préfecture du Rhône en a explicitement soutenu le projet auprès des maires des communes concernées, ce qui n’est pas le cas jusqu’à présent dans le Val de Saône (entretien avec la subdivision de Mâcon du SNRS, juillet 2006).

Nous avons consulté les registres d’enquête et les rapports du commissaire enquêteur et du service instructeur afin d’évaluer la réaction des élus, des professionnels et des riverains face au projet PPRI. Cette recherche a été complétée par des entretiens semi-directifs et la consultation des registres de délibérations des conseils municipaux intéressés. Le projet a été mis une première fois à l’enquête du 15 novembre au 16 décembre 2006, et a suscité l’opposition d’un grand nombre de communes, hostiles au durcissement de la réglementation. La polémique s’est surtout cristallisée autour du gel des terrains de la zone industrielle de Neuville-Genay, largement inondable pour une crue de type 1840. Sur les 12 communes concernées, 6 ont donné un avis défavorable (Genay, Neuville, Fleurieu, Saint-Germain, Curis et Couzon) et 3 un avis très réservé (Albigny, Saint-Romain-au-Mont-d’Or et Rochetaillée). Les communes de Collonges-au-Mont d’Or, dont le maire est l’actuel vice-président du Grand-Lyon en charge de l'environnement et de la prévention des risques, ainsi que celles de Fontaines et de Caluire, ont émis un avis favorable.

Cette consultation, bien mal engagée, a finalement dû être annulée, car le projet de règlement qui avait été soumis, n’intégrait pas les nouvelles dispositions d’utilisation du fonds « Barnier » de prévention des risques majeurs issues de la loi « Bachelot » du 30 juillet 2003. Le décret du 12 janvier 2005 et la circulaire du 23 février 2005, relative au financement par le fonds de prévention des risques naturels majeurs de certaines mesures de prévention, ont en effet élargi les possibilités d’utilisation du fonds « Barnier ». Celui-ci peut désormais prendre en charge une partie du coût d’achat d’un terrain situé en dehors des zones exposées, en vue d’une reconstruction, ou aider aux travaux de prévention, dans les habitations prévus par les PPR approuvés. En d’autres termes, les travaux n’étant pas explicitement mentionnés dans le règlement d’un PPR, ne peuvent faire l’objet d’un financement. Le règlement du PPRI du Grand Lyon a donc dû être réécrit en ce sens, et soumis à une nouvelle consultation des communes. Ces dernières ont interprété le retrait du premier texte comme un recul de la part de l’Etat, ce qui a paradoxalement contribué à désamorcer le conflit engagé263. Il est vrai que les services de l’Etat ont consenti quelques concessions, notamment une possibilité de développement de la zone industrielle de Neuville, qui était le premier point de préoccupation des acteurs locaux, surtout que la zone industrielle est le principal bassin d’emploi de ce secteur de la vallée. Une zone de 100 ha appartenant à la zone industrielle, mais n’ayant pas encore été construite, avait initialement été classée en zone rouge. Le SNRS a accepté d’en déclasser 23 ha qui ont été finalement placés en zone bleue, afin de ne pas geler le développement économique de cette partie du Val de Saône. En février 2006, lorsque le projet révisé est soumis à consultation, la position des communes a nettement évolué. Seules les communes de Couzon et Albigny, qui déplorent une entrave importante à leur développement économique et touristique, ont émis un avis défavorable. Elles voient en effet compromis leur projet intercommunal de valorisation de l’ancienne zone industrielle d’Albigny-Couzon en « Cité Aquatique ». Toutes les autres communes ont approuvé le projet, bien qu’elles restent réservées quant aux « conséquences sociales et économiques disproportionnées par rapport aux risques encourus » 264.

Notes
263.

Entretien avec le SNRS, juin 2006

264.

Délibération du conseil municipal de Curis du 9 février 2006