I.3. Aggravation de l’aléa suite au basculement du canal de Miribel ; la digue insubmersible de Vaulx-en-Velin et la protection des rives contre les corrosions du fleuve (1881)

Suite à l’inondation des 21 et 22 novembre 1874, qui a recouvert plus de la moitié du territoire communal et sinistré deux quartiers du village, un grand nombre d’habitants de Vaulx-en-Velin adresse une nouvelle pétition au Préfet du Rhône, sollicitant l’aide de l’Etat pour la protection de leur commune. Le Service Spécial propose alors de relancer le projet de défense des rives en sommeil depuis l’échec de la pétition de 1869. Mais dans les mois suivants, la question de l’endiguement insubmersible du village va être remise à l’ordre du jour, suite au constat d’une aggravation notable de l’aléa inondation dans ce secteur de la plaine.

Peu après le sinistre de novembre 1874, deux autres crues envahissent le village : en janvier 1875, et, surtout, le 7 août 1875, date à laquelle le Rhône dépasse de 30 cm les plus hautes eaux connues de 1856 et renverse de nombreuses habitations (Bravard, 1985). En neuf mois, trois crues successives ont ainsi atteint, voire excédé le niveau des plus hautes eaux connues jusque-là. La situation de Vaulx-en-Velin semble d’autant plus préoccupante qu’en août 1875, dans la traversée de Lyon, le fleuve s’est tenu à 1,42 m en-dessous du record de 1856. L’aggravation constatée traduit ainsi une situation nouvelle : le relèvement du plan d’eau dans ce secteur est la conséquence d’un basculement du profil en long du canal de Miribel, par effet d’impact de l’endiguement réalisé une vingtaine d’années auparavant au nord de la plaine (ibid.) : le canal s’enfonce à l’amont et s’exhausse d’autant à l’aval. Cette évolution du profil en long, constatée dès 1872 par l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées H. Girardon, est due à l’augmentation de la compétence du Rhône suite au recoupement des méandres du bras de Miribel par l’endiguement (Bravard, 1985). Entre 1847 et 1893, l’exhaussement du lit au droit du PK 11 (au droit de Crépieux la Pape et de Vaulx-en-Velin) avait atteint 3 à 4 m, ce qui correspond à un creusement d’importance à peu près égale à l’amont de Thil272 (cf. fig. suivante ).

Fig. 71. Le basculement hydraulique du canal de Miribel
Fig. 71. Le basculement hydraulique du canal de Miribel

(source : Bravard, 1985)

Reconnaissant sa responsabilité quant à l’augmentation de l’aléa, l’Etat concède alors la réalisation d’une digue en terre insubmersible arasée à 1m au-dessus de la crue d’août 1875, afin de protéger les 1 200 habitants de la commune (fig. 72 p. 375). Le projet d’endiguement est présenté par le Service Spécial les 18 et 22 janvier 1876, pour un montant estimé à 92 000 francs, dont 40 000 aux frais de l’Etat. Large de 2 m en couronne, l’ouvrage se situe à environ 2 km dans les terres et n’encercle pas complètement le village : il s’appuie sur les terrains insubmersibles de Décines, englobe le village et va s’appuyer à l’aval contre l’ancienne digue en terre des Brotteaux, barrant ainsi les eaux en provenance de l’amont. Par ailleurs, la levée comporte de nombreuses ouvertures, volontairement ménagées dans l’ouvrage et équipée d’une rainure à batardeau et madriers afin de maintenir un accès à chaque propriété.

Mais, contrairement à ce qu’elle espérait, la commune n’obtient pas la défense complète de son territoire. Conformément à la loi de 1858, qui ne concède de protection qu’aux lieux habités, les terrains agricoles occidentaux et méridionaux ne sont pas soustraits au champ d’inondation, mais voient malgré tout leur situation s’améliorer. Dans l’esprit des projets précédemment élaborés, les berges sont défendues contre les corrosions du fleuve par des enrochements qui atténuent la violence du courant et favorisent la submersion passive en cas de forte crue273. En revanche, L’Etat propose une subvention plus élevée que précédemment : l’entreprise, dont la dépense est estimée à 130 000 francs, est ainsi financée à parts égales par l’Etat et la commune.

Déclarés d’utilité publique par décret ministériel du 18 mai 1878, les travaux sont exécutés de 1879 à 1882. Deux ans plus tard, suite à la délibération du conseil municipal du 22 février 1884, les ouvrages sont remis à la commune qui se charge de leur entretien274.

Notes
272.

Archives du SNRS, C1311 II D7439 L4

273.

ADR 1376, rapport du Service Spécial des 12 avril-11 mai 1877

274.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4, commune de Vaulx-en-Velin