II.2. Défense des quartiers de La Feyssine et du Bois-Perret

Dans sa délibération du 16 décembre 1950, le conseil municipal de Vaulx-en-Velin a accepté le projet d’endiguement du quartier Saint-Jean mais l’a subordonné à l’amélioration de la situation du secteur du Bois-Perret et de La Feyssine. Ces deux quartiers accueillent 400 habitants. Les puits de captages de la Compagnie des eaux sont situés à l’aval immédiat du débouché du canal de Jonage. Les quartiers forment en fait un même groupement d’habitations progressivement édifié sur une douzaine d’hectares en avant de la digue insubmersible des Brotteaux, et ce malgré la fréquence des inondations touchant ce secteur. En effet, bien que les berges soient défendues contre les corrosions du Rhône depuis les travaux de 1879-1881, l’ensemble reste inondable. Si la situation du Bois Perret a été améliorée par un léger exhaussement du chemin de halage obtenu par la commune de Vaulx-en-Velin en 1884, il n’en est pas de même de la partie villeurbannaise de La Feyssine qui est inondée dès que les crues atteignent la cote 3,10 m à l’échelle du Pont Morand.

Le 10 juillet 1951, le Service de la Navigation Rhône-Saône dresse ainsi un projet de défense partielle du quartier, acceptant une protection contre les crues jusqu’à la cote 3,65 m au Pont Morand288. Il s’agit de régulariser le niveau des ouvrages existant dans la partie amont du quartier, le long du Bois-Perret, et de prolonger l’endiguement jusqu’au remblai de la digue insubmersible des Brotteaux, devenue boulevard L. Bonnevay, en aval de La Feyssine, afin de fermer l’enceinte de protection et d’empêcher l’inondation du secteur par l’aval pour les crues moyennes.

Le maire de Vaulx-en-Velin et le secrétaire du Comité d’intérêt local de La Feyssine dénoncent le fait qu’une protection insubmersible leur est refusée alors qu’elle vient d’être consentie à l’amont, pour la protection du quartier Saint-Jean. Une fois de plus, le SNRS souligne que l’endiguement insubmersible demandé par les intéressés se heurte à l’interdiction imposée par la loi de 1858, tandis que le quartier Saint-Jean bénéficie du décret ministériel de 1875 (seule dérogation, on l’a vu, exceptionnellement accordée à la loi de 1858). Une protection complète de La Feyssine serait contraire à l’intérêt général de la vallée : elle aboutirait à la construction d’une excroissance de 1 km de long, s’avançant jusqu’à 600 m en avant du rempart de protection lyonnais, ce qui réduirait presque de moitié la largeur du lit majeur dans cette section (de 1330 m à 730 m). Selon les calculs des ingénieurs du SNRS, un empiètement tel dans un tronçon où le champ d’expansion des crues est par ailleurs déjà fortement réduit depuis la construction de la digue insubmersible des Brotteaux, augmenterait d’environ 1 m le niveau des crues à l’amont de l’ouvrage. Surtout, on redoute que l’accélération des vitesses qui en découlerait ne favorise l’érosion du fond du lit, provoquant des dépôts dans la traversée de Lyon et causant alors un exhaussement du niveau des crues, au risque de menacer la revanche du rempart de protection lyonnais. Les intéressés réussissent pourtant à négocier un exhaussement supplémentaire de la protection, mettant le quartier à l’abri des inondations jusqu’à la cote 4,3 m au Pont Morand289.

Les travaux consistent en l’établissement d’une murette de 50 cm en bordure du chemin de halage, prolongée à l’aval par une banquette de 20 cm de hauteur dans la section déjà surélevée en 1884, l’exhaussement d’une petite digue existante à la pointe nord de Bois-Perret, et la fermeture de l’enceinte de protection à l’aval par la construction d’une digue large de 1 m en couronne qui raccorde l’ensemble au boulevard L. Bonnevay. A l’amont, l’endiguement est accolé à l’ancienne digue en terre des Brotteaux. Afin d’éviter la formation de courant lors de l’inondation du quartier par les crues fortes, le dernier tronçon est arasé 15 cm plus bas que le reste de l’endiguement, de sorte que la submersion passive continue à se produire par l’aval.

Une fois de plus, le projet manque d’avorter suite à un contentieux entre Vaulx-en-Velin et Villeurbanne quant à la répartition des dépenses, estimées à 2,6 millions de francs. Par délibération du 7 avril 1952, le conseil municipal de Villeurbanne refuse de financer plus du tiers des travaux et se heurte alors au mécontentement du maire de Vaulx-en-Velin, qui considère au contraire que Villeurbanne devrait prendre en charge l’essentiel des travaux, le quartier de La Feyssine étant plus exposé aux inondations que celui du Bois-Perret, déjà en partie protégé290. Grâce à la médiation du SNRS, les communes acceptent finalement de financer le projet à parts égales291. L’entreprise bénéficie par ailleurs d’une subvention à hauteur de 30 % du Département du Rhône, accordée par délibération du Conseil Général du 8 décembre 1953, et d’une participation équivalente du Ministère des Travaux Publics, décidée le 10 septembre 1953 au titre de la défense des lieux habités contre les inondations.

A peine achevé, l’endiguement est pris en défaut par les crues successives de décembre 1954 et janvier 1955. Alors qu’ils sont censés protéger les quartiers jusqu’à la cote 4,3 m au Pont Morand, ceux-ci se sont trouvés inondés pour un débit inférieur correspondant à la cote 3,76 m au Pont Morand, et la digue du Bois-Perret a été fortement endommagée. Cette augmentation des hauteurs s’explique peut-être par l’impact des empiètements réalisés en aval immédiat pour les aménagements routiers, en lit mineur sous le pont Poincaré et en lit majeur par l’élargissement de la digue des Brotteaux lors de la construction du boulevard L. Bonnevay. Le maire de Vaulx-en-Velin demande alors la surélévation de l’endiguement de 50 cm pour atteindre le niveau de protection initialement autorisé292. Le SNRS accède à la requête du maire et prévoit un arasement de l’endiguement à la cote de la crue de 1955, tout en précisant qu’une telle élévation, si elle est acceptable car elle n’aura pas d’incidence sur le risque dans la traversée de Lyon, provoquera un relèvement de quelques centimètres au droit du village de Vaulx-en-Velin293. Après avoir reçu l’adhésion des communes de Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, le projet est approuvé par le Ministre des Travaux Publics le 14 septembre 1956. Les travaux, estimés à 7 millions de francs, doivent être pris en charge à 70 % par la commune de Vaulx-en-Velin et à 30 % par celle de Villeurbanne. Comme en 1953, les communes bénéficient de subventions du Département du Rhône et du Ministère des Travaux Publics, chacune à hauteur de 30 % de la dépense. Les travaux, commencés en 1958, sont achevés au début de l’année 1960.

Notes
288.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4

289.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4, protection du hameau de la Feyssine sur les territoires de Villeurbanne et de Vaulx-en-Velin, notice descriptive et justificative, 7 décembre 1951

290.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4, courrier du maire de Vaulx-en-Velin à l’ingénieur en chef du SNRS en date du 10 juin 1952

291.

Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne du 30 mars 1953 et de celui de Vaulx-en-Velin le 27 juin 1953

292.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4, courrier adressé au SNRS le 25 janvier 1955

293.

Archives du SNRS, inondations, demandes d’indemnités et de travaux, C1311 II D7439 L4, rapport de l’ingénieur en chef du SNRS du 2 août 1956