Chapitre 5. Miribel-Jonage : vulnérabilisation d’une plaine dévolue à la protection de Lyon

Si l’endiguement du canal de Miribel fixe un fleuve jusqu’alors très mobile, et diminue fortement le risque de corrosion par les crues, la contrainte d’inondation n’en est pas pour autant supprimée. Comme on l’a dit précédemment, les champs d’inondation situés à l’amont de Lyon ont une forte capacité de laminage des crues et jouent donc un rôle dans la protection de la ville (photo 37). Ces espaces sont dévolus à la protection des intérêts urbains depuis le vote de la loi de 1858 qui y interdit tout endiguement insubmersible afin de favoriser l’étalement des crues : la plaine de Miribel-Jonage doit rester inondable pour éviter une augmentation des hauteurs d’eau lors des grandes crues dans la traversée de Lyon. Cette vocation sera par la suite réaffirmée lors de l’instauration du Plan des Surfaces Submersibles du Haut Rhône (PSS), approuvé en 1972.

Néanmoins, la comparaison des cartes des grandes inondations survenues ou calculées depuis 150 ans, nous a amené au constat d’une évolution dissymétrique du champ d’inondation. On observe une contraction du champ d’inondation en rive gauche du canal de Miribel accompagnée d’une forte aggravation de l’aléa en rive droite. Il existe donc un décalage entre d’une part la réalité contemporaine d’une transformation du champ d’inondation et d’une évolution de l’aléa, et d’autre part le principe de gestion initial de 1858. A chaque inondation, les digues du canal de Miribel étant submersibles, le débordement devait se faire en rive gauche, d’altitude plus basse que la rive droite, et continuer à emprunter le Vieux Rhône (Winghart et Chabert, 1965). Mais, on en a parlé plus haut, les conditions de mise en eau ont rapidement été perturbées par le phénomène de basculement hydraulique du canal. Alors que les communes de Miribel, de Neyron et de Vaulx-en-Velin se plaignent d’une aggravation des inondations, une brèche est artificiellement créée en rive gauche du canal, au droit du village de Thil, pour favoriser l’écrêtement des crues à l’amont du secteur et soulager le canal d’une partie du débit de crue. Mais, hormis la digue de Vaulx-en-Velin, aucune digue de protection contre les inondations ne sera concédée aux communes du Rhône amont, et le principe édicté par la loi de 1858 sera strictement observé jusqu’au milieu du XXe siècle au nom de l’intérêt général, en l’occurrence pour la préservation des enjeux lyonnais.

La fin des années cinquante marque un tournant dans la gestion de la plaine observable dans le même temps au sud de Lyon dans le couloir de la chimie et dans le Val de Saône. Alors que Lyon connaît une phase d’urbanisation intense, la volonté de préserver le champ d’inondation est concurrencée par l’attrait que représente ce vaste espace plan non aménagé à proximité de la ville. Ce territoire rural, longtemps marqué par une exploitation agricole extensive adaptée à la contrainte fluviale, a ainsi accueilli de nouvelles fonctions urbaines ; il est progressivement aménagé. Il semblerait que la multiplication des actions humaines en lit mineur et en lit majeur ait contribué à vulnérabiliser le système du risque.

Photo 37. La plaine de Miribel-Jonage inondée lors de la crue de 1957
Photo 37. La plaine de Miribel-Jonage inondée lors de la crue de 1957

(source : SNRS).

La vue est prise de l’amont vers l’aval ; au premier plan, la rive gauche du canal de Miribel ; au fond à droite, le village de Thil, qui est en grande partie épargné par les eaux.