I.2. Une aggravation en rive droite matérialisée dès le début des années 1980

Rapidement, l’aggravation du risque semble avoir été matérialisée par les crues de 1981, 82 et 83. Ces trois crues ne sont que quinquennales, mais les villages de Niévroz et Thil sont particulièrement touchés. Les communes se plaignent d’une aggravation des inondations et mettent en cause non pas les remblais de la rive mais l’engravement du canal de Miribel, qui serait selon elles à l’origine d’une diminution de la débitance du canal de Miribel. Elles demandent donc qu’il y soit remédié en procédant à des travaux de dragage (Poinsart et al., 1989 ; Bravard et al ., 1991). Or l’engravement n’a jamais été démontré, et au contraire on sait maintenant que la charge sédimentaire, qu’on pensait à l’époque renouvelable, est en voie de tarissement312 ; il est bien plus probable que l’aggravation du risque soit due aux aménagements de la rive gauche. Les études hydrauliques l’avaient d’ailleurs démontré (EDF, 1983). Pourtant, les pouvoirs publics vont accéder à la demande des communes sinistrées. En 1985, sur demande du Préfet de l’Ain313, le Service Navigation autorise donc des extractions massives dans le chenal, destinées à approfondir le lit afin d’abaisser la ligne d’eau (fig. 73). Cette décision est également motivée par le souci du Préfet de l’Ain de proposer aux entreprises de dragages de nouveaux gisements à exploiter suite à l’interdiction des extractions dans le lit mineur de la Saône en 1983 (Poinsart et al., 1989 ; Bravard et al ., 1991). Le Service Navigation nous a depuis confirmé que cette mesure avait alors été autorisée en tant que mesure compensatoire car on avait bien conscience que l’emprise des remblais réalisés dans les îles n’avait pas été compensée et avait aggravé l’aléa. Cette décision a d’ailleurs été prise malgré l’avis défavorable d’une partie des ingénieurs, inquiets pour la stabilité du profil en long du canal de Miribel.

Fig. 73. Quantités de granulats extraits chaque année dans le canal de Miribel et au site de la Feyssine
Fig. 73. Quantités de granulats extraits chaque année dans le canal de Miribel et au site de la Feyssine

(Source: Bravard et al.,1991).

Les dragages ont rapidement eu l’effet inverse de celui escompté. Ils ont concentré l’écoulement, déstabilisé les fonds et provoqué l’incision généralisée du lit du canal (Bravard et al ., 1991). Cette action, qui aurait dû agir comme une rétroaction négative vis-à-vis de l’augmentation du risque d’inondation, a au contraire très probablement aggravé les débordements en rive droite.

Notes
312.

La vague sédimentaire provenant des Alpes est piégée dans les ombilics glaciaires sur le Haut-Rhône ; l’essentiel de la charge grossière provient du bassin de l’Ain et est en voie de tarissement (Poinsart et al., 1989).

313.

Courrier du Préfet de l’Ain adressé au SNRS en date du 20 décembre 1985