Premier acte : Du travail

Page blanche : écrire quelque chose dessus 1571

La défécation est pour Bloom un labeur : « Cette légère constipation d’hier tout à fait finie. Pas trop gros j’espère, pour ne pas ramener les hémorroïdes. Non, juste ce qu’il faut. Ca y est. Constipé, une tablette de cascara sagrada ».

Or l’écriture est tout aussi difficile (et ici nous sommes bien dans une relation métonymique entre les deux activités) – et pas seulement pour Bloom, qui ne réalisera pas ces rêves (en ce domaine il est définitivement constipé 1572 ), mais aussi pour son créateur. Joyce mettra treize ans à écrire Ulysse, davantage encore pour Finnegans Wake : « Je suis très, très lent et j’ai juste assez d’énergie pour écrire les pages sèches et rocailleuses d’Ithaque ». On retrouve les plaintes de Flaubert : « Tout ce que je peux faire est de me crever pour ce maudit Bloom » ; « Je travaille comme un galérien, un âne, une brute » ; à propos du Cyclope et de Circé : « Il m’est impossible de les écrire vite. Les éléments nécessaires ne s’unissent qu’après une coexistence prolongée. J’avoue que c’est un livre extrêmement fatigant 1573  ». Comme les fèces de Bloom, l’écriture de Joyce est surimposée, dense, enrichie de multiples matières, venues d’autres corps, d’autres langues, d’autres univers. C’est le contraire d’une écriture-fleuve, logorrhéique et diarrhéique.

Notes
1571.

Ulysse, p. 322.

1572.

La maquerelle Bello de Circé, s’adressant à Bloom, lui parle de « notre table à écrire sur laquelle nous n’avons jamais écrit » (p. 594).

1573.

Lettres, Op. Cit.. Respectivement : à H.S. Weaver, F. Budgen, C. Linati, H.S. Weaver, pp. 202, 184, 144.