Dosage(s) 

Un joint typique contient entre 0.5 à 1.0 gramme de matière issue de la plante cannabis, et la valeur du THC se situera entre 5 et 150 mg (soit entre 1 et 15%). Le dosage de THC qui est véhiculé par voie de la fumée est estimé de 20 à 70%, le reste étant perdu durant la combustion ou la fumée latérale. La biodisponibilité du THC contenu dans une cigarette de marihuana, c’est-à-dire la substance qui atteint effectivement le courant sanguin, a été reportée comme étant de 5% à 24% chez les sujets étudiés. Etant donné ces variables, la dose de THC absorbée dans la fumée n’est pas aisément quantifiable.

En général, seule une petite dose de cannabis (à savoir, 2-3 mg de THC disponible) est nécessaire pour produire un état "planant" de courte durée, chez le consommateur occasionnel, et un seul joint peut suffire à deux ou trois individus. Un gros consommateur de marihuana peut consommer 5 joints ou plus par jour, et les gros utilisateurs en Jamaïque, par exemple, peuvent consommer jusqu’à 420 mg de THC par jour.

« Dans les produits à base de cannabis retrouvés en France, une très grande variabilité des concentrations en D9-THC est observée pour l’herbe (mélange de feuilles, tiges et sommités florales), mais aussi pour la résine (« haschich »). Des concentrations en D9-THC inférieures à 2 % sont relativement fréquentes (18 % des échantillons) » 22 .

Jusqu’en 1995, la moyenne pour l’herbe était de 5,5 %, et la teneur la plus élevée observée dans une saisie a été de 8,7 %. Pendant la même période, les échantillons de résine contenaient en moyenne 7 % de D9-THC, avec un maximum de 10,6 %.

Depuis 1996, bien que d’une façon générale les teneurs observées dans la majorité des échantillons aient peu évolué (environ 8 % pour l’herbe et 10 % pour la résine), sont apparus des échantillons à base de cannabis très fortement concentrés en D9-THC, jusqu’à 31 % pour la résine et 22 % pour l’herbe. Au cours de l’année 2000, 3 % des échantillons d’herbe et 18 % des échantillons de résine analysés contenaient plus de 15 % de D9-THC. De nouveaux produits sont apparus sur le marché français depuis 1998 : la « Skunk » (variété de fleurs de cannabis originaire des États-Unis et des Pays-Bas) et le « pollen » (étamines des plants mâles) contiendraient des concentrations en D9-THC encore plus élevées.

Peu de données existent dans la littérature sur les produits associés provenant du mode de culture (pesticides par exemple) ou du mode de préparation (colorants, paraffine, excréments d’animaux, huile de vidange, etc.), dont la toxicité pourrait ne pas être négligeable.

Après inhalation, selon la manière de fumer, 15 % à 50 % du D9-THC présent dans la fumée sont absorbés et passent dans le flux sanguin. Cette absorption est très rapide : une étude montre que les concentrations sanguines maximales sont obtenues en moins de dix minutes. Elles sont dépendantes de la teneur en D9-THC présente dans le produit fumé. Les produits du métabolisme du D9-THC sont principalement le 11-hydroxy-D9-tétrahydrocannabinol (11-OH-D9-THC), métabolite ayant des effets pharmacologiques et le 11-nor-9-carboxy-D9-tétrahydrocannabinol (métabolite acide, D9-THC-COOH), dépourvu d’effet pharmacologique.

Très lipophile, le D9-THC se distribue rapidement dans tous les tissus riches en lipides, principalement le cerveau. Cette fixation tissulaire est responsable d’une diminution rapide des concentrations sanguines. Cette forte lipophilie, ainsi que l’existence d’un cycle entéro-hépatique et d’une réabsorption rénale se traduisent par des effets psychoactifs pouvant persister jusqu’à 45 à 150 minutes après arrêt de la consommation.

La vitesse d’élimination des cannabinoïdes est très variable et dépend de nombreux paramètres : dose, consommation régulière ou isolée, adiposité du sujet. L’élimination du D9-THC et de ses métabolites se fait par différentes voies : digestive, rénale et sudorale. La demi-vie (durée requise pour éliminer la moitié de la dose présente dans l’organisme) du D9-THC est d’environ huit à dix jours chez un adulte ne souffrant pas d’insuffisance hépatique. L’élimination, plus lente que pour les autres substances psychoactives, entraîne une accumulation de D9-THC notamment au niveau du cerveau lorsque le consommateur use avec régularité de cannabis.

Du fait de sa forte lipophilie, le D9-THC passe dans le lait maternel et à travers le placenta. Les concentrations observées dans le sang fœtal sont au moins égales à celles observées chez la mère.

Le D9-THC et ses métabolites peuvent être dosés dans les urines et le sang. En ce qui concerne la mise en évidence d’un usage de cannabis, il y a lieu de distinguer les méthodes de dépistage, utilisées dans un but d’orientation, et les méthodes de confirmation et de dosage. Le dépistage peut être effectué par des méthodes immunochimiques, soit à l’aide d’automates, soit en utilisant des tests rapides qui permettent d’obtenir un résultat en quelques minutes. Pour des raisons de sensibilité et de spécificité, ces méthodes immunochimiques sont, à ce jour, exclusivement réservées à l’urine et ne peuvent en aucun cas être utilisées pour d’autres milieux biologiques tels que le sang. Du fait de la possibilité de résultats faussement positifs (dus à des réactivités croisées avec d’autres substances), tout résultat positif obtenu par méthode immunochimique doit obligatoirement être confirmé par une méthode séparative spécifique.

Pour les urines, de nombreux tests de dépistage sont commercialisés, certains d’entre eux présentant une assez bonne fiabilité en termes de spécificité et de sensibilité. Le D9-THC-COOH (inactif) est le métabolite majoritairement retrouvé dans les urines. Un seuil de détection positive est aujourd’hui fixé à 50 ng/ml. L’urine permet de mettre en évidence une consommation de cannabis, sans préjuger du temps écoulé entre le moment de la dernière consommation et celui du recueil d’urine.

La salive pourrait constituer un bon milieu de dépistage, facilement accessible et dans lequel la présence de D9-THC reflète une consommation récente (non détectable 2 à 10 heures après). Le passage des cannabinoïdes du flux sanguin vers la salive est très faible ; la présence de D9-THC y est essentiellement due au phénomène de séquestration buccodentaire lors de l’inhalation. Des tests salivaires sont actuellement utilisés mais comme les tests urinaires, ils doivent être validés par une prise de sang qui nécessite un « tiers » médical.

La sueur constitue un très mauvais milieu d’investigation, exposé à une contamination par l’environnement et dans lequel la présence de D9-THC ne reflète pas un usage récent. Par ailleurs, il n’existe à ce jour aucun dispositif commercial fiable adapté au dépistage du D9-THC dans la sueur.

La confirmation de la consommation fait appel à des méthodes séparatives, chromatographiques. Actuellement, la méthodologie de référence est la chromatographie en phase gazeuse avec détection par spectrométrie de masse (CPG-SM). Le sang est unanimement considéré comme étant le seul milieu biologique adapté à des fins de confirmation. En effet, seul le sang analysé par CPG-SM permet de différencier principes actifs et métabolites inactifs, et d’effectuer parallèlement une analyse quantitative. Il permet en outre d’estimer le temps écoulé entre le moment de la dernière consommation et celui de la prise de sang. C’est pourquoi l’analyse du sang par CPG-SM est la seule méthodologie acceptable dans tout contexte médicolégal (incluant les accidents de la voie publique).

Les cheveux reflètent des expositions répétées et permettent, à ce titre, d’établir un calendrier d’exposition. Chaque centimètre de cheveu représente grossièrement la pousse d’un mois ; l’analyse de segments permet ainsi de caractériser le profil de consommation et de suivre son évolution. Le D9-THC est l’analyte majoritaire retrouvé dans les cheveux. Seule une très faible quantité de D9-THC-COOH (< 1 %) est présente. L’analyse des cannabinoïdes dans les cheveux permet de mettre en évidence les consommateurs chroniques et d’établir un niveau (faible, moyen, important) de consommation, ce qui n’est pas possible par l’analyse urinaire.

L’abstinence est ainsi mieux appréhendée par cette approche que par un suivi dans les urines. L’analyse des cheveux présente donc de nombreux avantages en médecine légale, en médecine du travail, en médecine du trafic et dans la lutte contre le dopage.

Peu de données existent concernant la corrélation effets-concentrations sanguines, notamment dans le cas de faibles concentrations en principes actifs. De fait, si les données de la littérature permettent d’attribuer des effets pharmacologiques (mydriase, conjonctives injectées, troubles comportementaux) à des concentrations sanguines de D9-THC significatives (plusieurs ng/ml), l’interprétation des résultats devient très difficile lorsque cette concentration est voisine ou inférieure à 1 ng/ml. »

Les données de ce sous-chapitre sont largement extraites de l’expertise collective INSERM sur le cannabis parue en 2001 et réactualisée en 2004.Nous avons cependant rajouté l’utilisation des tests salivaires qui sont apparus depuis cette date.

Notes
22.

expertise collective inserm, Cannabis ; Quels effets sur le comportement et la santé ? Données réactualisées, Dossier de presse, 6 mai 2004, www.inserm.com.