Les organisateurs du rapport aux drogues chez les jeunes Italiens

Cette recherche 58 est citée dans l’ouvrage de J.-M. SECA sur les Représentations Sociales 59 . Elle a été réalisée par Marcella RAVENNA de l’Université de Ravenne (spécialiste de la toxicomanie en Italie) et Nicoletta CAVAZZA de l’Université de Bologne.

Les représentations de trois types de psychotropes y sont étudiées : ecstasy, haschich et cocaïne. Ces drogues sont actuellement les plus accessibles et les plus consommées aussi bien par les jeunes italiens que par les jeunes français.

Le but des chercheurs est d’explorer la façon dont un groupe de jeunes de 15 à 25 ans se représente ces substances et les fonctions qu’elles remplissent au moment du passage de l’adolescent à l’âge adulte. Ils se fixent deux objectifs :

La détermination et la comparaison des éléments du champ de référence commun aux différentes substances.

L’articulation de ce champ avec les attitudes à l’égard de la consommation de drogues, les activités de loisir à risque et l’implication dans des expériences critiques.

Le système de représentations de ces trois drogues est composé des opinions des sujets sur les motivations de la consommation, le consommateur lui-même, les circonstances dans lesquelles on les expérimente et les effets ressentis.

L’enquête a été réalisée sur la base d’un long questionnaire auto-administré soumis à 805 sujets, provenant de lycées et d’universités du Nord de l’Italie. Il a le même contenu pour tous les sujets interrogés mais est ciblé soit sur la représentation sociale (RS) de l’ecstasy soit sur celle de la cocaïne soit du haschich.

Sur les caractéristiques des consommateurs, l’analyse en composante principale a fait émerger trois caractéristiques principales représentant 45,6 % de la variance à partir de 22 paires d’adjectifs bipolaires. Ce qui revient le plus est d’abord la notion de dépression /solitude puis d’impulsivité puis d’individualisme. Ces critères appliqués à chacune des drogues étudiées en tant que variables dépendantes montrent que l’attribution d’impulsivité domine chaque représentation du consommateur de drogues avec plus de consistance pour l’ecstasy et la cocaïne que pour le haschich. Les réactions face à un consommateur de psychotropes se révèlent globalement plus négatives que positives.

Sur les opinions sur les motivations de la prise apparaissent quatre dimensions représentant 41, 4 % de la variance.

Le premier facteur fait référence à l’ « envie d’expérimenter et de connaître » (16,1 %).

Le deuxième renvoie à la « plus grande facilité de contact » (10 %)

Le troisième rassemble des données évoquant une « amélioration des prestations personnelles » (8,2 %)

Le quatrième se rapporte aux « dispositions négatives des consommateurs » (7,1 %)

La prise d’ecstasy est associée à la plus grande facilité d’établir des contacts, ce qui est moindre pour les autres substances. Il n’y a rien sur cet item qui discrimine le haschich par rapport aux deux autres substances.

Sur les circonstances de consommation, ses conséquences et la perception des risques, le haschich sort du lot et apparaît comme la substance que l’on consomme plus que les autres « dans des contextes conviviaux ». Ceci est confirmé pour la représentation des conséquences. Les risques perçus pour un usage occasionnel et régulier de haschich sont inférieurs à ceux mentionnés pour l’ecstasy et la cocaïne.

Par la suite, les auteurs ont effectué une analyse discriminante afin de confirmer les résultats précédents. La plus grande facilité, l’expérimentation comme motifs de prise associée au motif de prise sont fortement associées au haschich. Pour les émotions positives, la cocaïne et le haschich obtiennent des résultats favorables.

La qualification du consommateur en terme de dépression/ solitude et d’impulsivité disparaît de manière significative avec l’implication plus grande des sujets dans les conduites d’addiction.

En ce qui concerne les émotions provoquées par la vue d’un consommateur, les réactions négatives sont plus fréquentes chez les filles, chez ceux qui ont une attitude dépréciative face à la drogue et chez ceux qui ne sont pas du tout ou peu attirés par les loisirs à risque. Ces jugements stigmatisants diminuent significativement lorsque l’implication dans la consommation augmente.

Enfin, si on s’intéresse aux motifs de la consommation, on remarque que l’expérimentation mais aussi les attributs personnels négatifs sont le plus souvent cités par les filles tandis que la plus grande facilité relationnelle et plus particulièrement la performance sont mentionnées par les garçons.

L’intérêt de ce travail outre les méthodes statistiques qu’il emploie est de pointer certaines caractéristiques concernant le haschich et les autres produits ainsi que des représentations et des attributions filles /garçons différentes.

Intéressons nous maintenant à une enquête Nord-américaine concernant le même sujet.

Notes
58.

RAVENNA, (M.), CAVAZZA, (C.), « Ecstasy, cocaïne et haschich dans les représentations des jeunes et des adolescents », Vème Conférence internationale sur les représentations sociales, Montréal, UQAM / CIRADE, LEPS- MSH (30 août au 2 septembre 2000).

59.

SECA, (J.-M.), Les représentations sociales, Cursus, Armand Colin, VUEF, Paris, 2002, 192 p.