Estimation de la « banalisation » du cannabis 

En fin de questionnaire d’EROPP 2002, les enquêtés étaient invités à donner une estimation du nombre de personnes qui, aujourd’hui, en France, ont déjà fumé au moins une fois du cannabis au cours de leur vie. Les enquêtés ont donc très majoritairement préféré répondre en indiquant une proportion (74,6 % d’entre eux).

La tâche n’était pas si facile et nous y reviendrons dans notre enquête, conforté en cela par un travail préliminaire que nous avons effectué en 2004. L’énoncé quelque peu vague de la question a entraîné des réponses « farfelues » et aussi souvent de s commentaires : « ainsi un enquêté répond d’abord 80 %, puis se rend compte que le dénominateur de sa proportion inclut des populations très peu concernées, ce qui l’amène à baisser son estimation initiale : d’abord à 70 %, « à cause des personnes âgées », puis à 60 %, « à cause des enfants ».

Parmi les enquêtés qui ont indiqué une proportion, 29 % situent le niveau de prévalence de l’expérimentation du cannabis à 20 % ou moins, 27 % le situent entre 21 et 40 %, et 19 % entre 41 et 50 % (décile modal). Un quart des enquêtés concernés donne une proportion supérieure à 50 %.

Pour résumer ces réponses, on se contentera par la suite de trois catégories : les enquêtés qui situent la prévalence de l’expérimentation du cannabis à 20 % ou moins (soit 29 % des enquêtés concernés), ceux qui la situent entre 21 et 50 % (soit 46 %), enfin ceux qui la placent au-delà (25 %).

Ces proportions peuvent être comparées aux chiffres produits et médiatisés ces dernières années : paru début 2000, le livret Savoir plus, risquer moins mentionnait une proportion de presque un tiers d’expérimentateurs parmi les 18-44 ans (Baromètre Santé 1995), tandis que les chiffres publiés en 2002 faisaient état de 20 % pour les 12-75 ans (Baromètre Santé 2000), et de près de 50 % à 17-18 ans (ESCAPAD 2000).

De façon générale, les estimations des enquêtés semblent plutôt au-dessus de ces chiffres : si l’on retient comme base de référence le chiffre d’environ 20 % d’expérimentateurs en « population adulte », il apparaît que parmi ceux qui ont proposé une proportion, sept enquêtés sur dix se situent au-delà de ce seuil.

Parmi les enquêtés qui indiquent une proportion, les femmes donnent des estimations plus élevées que les hommes : parmi les premières, 24 % évaluent la prévalence de l’expérimentation du cannabis à 20 % ou moins (contre 33 % des hommes), et 28 % à plus de 50 % (contre 21 % des hommes).

L’estimation de cette prévalence décroît aussi avec l’âge : entre 15 et 25 ans, près de la moitié des enquêtés qui se sont prononcés donnent une proportion supérieure à 50 %, contre à peine un sur dix parmi les 50-75 ans. Ce dernier résultat s’explique peut-être en partie par le fait que chaque tranche d’âge centrerait sur elle-même sa représentation de la population française : au moment de répondre à cette question sur l’expérimentation du cannabis, les 50-75 ans et les 15-25 ans n’ont sans doute pas la même population de référence en tête.

Cette estimation n’est pas non plus indépendante de l’expérimentation du cannabis : parmi les enquêtés qui ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, 40 % évaluent la prévalence de l’expérimentation à plus de 50 %, contre seulement 19 % dans le reste de l’échantillon.