Le produit jugé le plus dangereux par les Français reste l'héroïne, l'ecstasy et la cocaïne arrivant loin derrière, suivies par l'alcool et le tabac.
Le cannabis arrive en dernière position, seules 2,0 % des personnes interrogées jugeant qu'il est le produit le plus dangereux, cette proportion étant en baisse depuis 1999 (elle atteignait 3,4 %).
La proportion de personnes jugeant que le cannabis n'est pas dangereux dès la première prise, mais seulement à partir d'une consommation quotidienne, a augmenté (32,9 % contre 28,1 %). Toutefois, la moitié de la population continue à juger que son expérimentation est déjà dangereuse (51,3 % en 1999 contre 50,8 % en 2002). Le cannabis est ainsi jugé un peu moins dangereux par la frange de la population qui lui était déjà la moins hostile, mais globalement, la perception de la dangerosité de ce produit reste inchangée.
L'opinion selon laquelle la consommation de cannabis conduirait à consommer par la suite des produits plus dangereux (ou « thèse de l'escalade »), est partagée par les deux tiers de la population, résultat identique à celui de 1999.
Cependant, il est à noter que la part des personnes tout à fait d'accord avec cette idée a diminué, passant de 39,4 % à 36,1 %.
Autrement dit, le cannabis voit son image s'améliorer à la marge, tant du point de vue de sa dangerosité propre que du risque de passer à un usage de substances plus dangereuses. Il jouit d'un statut à part, tant face aux autres substances illicites, jugées plus dangereuses, que face aux substances licites (alcool, tabac), jugées plus addictives.
La perception de la dangerosité du cannabis varie beaucoup avec l’âge : 30 % des 15-17 ans pensent que le cannabis est dangereux dès l’expérimentation, cette proportion s’élevant ensuite avec l’âge pour atteindre 65 % chez les 65-75 ans.
La taille de l’agglomération de résidence a également une certaine importance : plus de 55 % des enquêtés résidant dans des agglomérations de moins de 100 000 habitants jugent que le cannabis est dangereux dès qu’on essaye, contre 47 % des enquêtés des agglomérations de plus de 100 000 habitants et 42 % de ceux de l’agglomération parisienne.
De même, les chiffres varient selon la PCS du chef de ménage : si la moitié des commerçants, employés ou ouvriers, juge que le cannabis est dangereux dès la première prise, ce n’est le cas que d’un gros tiers des cadres (37 %).
Enfin, cette perception de la dangerosité est évidemment fortement marquée par l'expérimentation du cannabis : ses expérimentateurs sont quatre fois moins nombreux à juger que le cannabis est dangereux dès qu'on essaye (61,5 % contre 15,2 %, p<0,001). À l'inverse, ils sont beaucoup plus nombreux à juger que le cannabis est dangereux dès la consommation quotidienne (62,1 % contre 23,6 %, p<0,001) ou même qu'il n'est jamais dangereux (9,4 % contre 0,8 %, p<0,001). S'il existe une différence entre les sexes, elle est essentiellement le fait des personnes qui n'ont jamais fumé de cannabis au cours de leur vie : parmi elles, 67 % des femmes jugent que l'expérimentation de cannabis constitue déjà un danger, contre 55 % des hommes.
L'expérimentation discrimine donc les opinions sur la dangerosité perçue du cannabis, et rapproche les opinions des hommes et des femmes sur la question. Ce sont les cadres et les professions intermédiaires qui déclarent le moins souvent que le seuil de dangerosité du cannabis est l’expérimentation ; cette différence peut être en partie imputée à une prévalence plus élevée de l’expérimentation de cannabis dans ces catégories qu’en milieu rural ou parmi les ouvriers : l’expérimentation du cannabis concerne 40 % des cadres et 35 % des professions intermédiaires, contre 27 % des employés, 25 % des agriculteurs ou commerçants et moins de 20 % des ouvriers et des inactifs.
L’analyse des réponses à cette question concernant la dangerosité du cannabis illustre la diffusion différenciée du cannabis dans la population, plus importante en milieu urbain et chez les jeunes qu’en milieu rural et chez les personnes plus âgées. Juger que le cannabis est dangereux dès qu'on essaye reste fortement lié au degré de familiarité que l'on entretient avec lui : en avoir consommé au cours de sa vie ou des 12 derniers mois gomme complètement la différence entre les sexes ou entre les âges (ce produit illicite est le seul dans ce cas). Il faut également remarquer que le diplôme n'a plus aucune influence sur cette opinion.
On peut citer enfin afin de tenter d’être le plus complet trois ouvrages qui abordent notre sujet de façon plus ou moins directe. On y trouve le meilleur et le pire. Le meilleur est certainement le livre « Faut-il avoir peur du haschich ? » 63 dont le sous-titre exprime bien nos préoccupations « Entre diabolisation et banalisation : les vrais dangers pour les jeunes ». Ouvrage de sociologues et d’un médecin de Santé Publique, conseiller technique de Recteur, il fait un tour d’horizon honnête du phénomène.
Il n’en va pas de même pour l’ouvrage polémique de S. PERSEIL 64 (qui se présente comme journaliste indépendant) dans une collection intitulée « Enquête sur le pouvoir politique en France » et encore moins pour l’ouvrage de MC. D’WELLES 65 « Et si on parlait du haschich » qui reprend uniquement des témoignages d’adolescents fumeurs (authentiques ou écrits, fabriqués). Mme D’WELLES est une conférencière souvent citée par le site Web « Drogue, l’autre débat ». Ce site véhicule des idées assez extrémistes mêlant des documents authentiques souvent tronqués ou déformés, des propos sortis de leur contexte et réducteurs à des prises de position de personnages présentés comme importants dans le domaine des drogues et qui sont souvent des chercheurs fondamentalistes qui n’ont jamais vu de patients.
Tous ces éléments nous permettent cependant d’avoir un certain nombre de repères sur les représentations, opinions et perceptions qui seront autant d’éléments de comparaison pour les résultats de notre enquête.
AQUATIAS, (S.), MAILLARD, (I.), ZORMAN, (M.), Faut-il avoir peur du haschich ? Entre diabolisation et banalisation, les vrais dangers pour les jeunes, Editions SYROS, 1999, 226 p.
PERSEIL, (S.), Politique, mœurs et cannabis : rétablir le droit ?, Le Médiateur, Presse Politique Indépendante, 2003, 208 p.
D’WELLES, (M.-C.), Et si on parlait du haschich. Des jeunes témoignent. Urgence, ils ont des choses à nous dire, Marabout, 2002, 128 p.