Une histoire plus récente

Le terme d’addiction est réutilisé en France depuis une trentaine d’années. Par contre, il semble n’avoir jamais été oublié chez les anglo-saxons. En effet, M. Mc CORMICK 69 trouve déjà ce texte à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle dans les romans populaires anglais et l'article de HG. LEVINE 70 sur "la découverte de l’addiction" décrit la nouvelle apparition de ce terme comme associée avec le mouvement naissant encourageant la tempérance aux Etats-Unis. Il concerne uniquement l’alcool à cette époque. Dans l’ère postindustrielle, une société concernée en général par la question de la maîtrise personnelle, le concept d’addiction a émergé comme une "maladie de la volonté" 71 , où les désirs, conceptuellement séparés de cette dernière, l'avaient défaite. Dans le contexte des mouvements de tempérance, qui sont concentrés sur des engagements d’abstinence, le concept d’addiction a offert une explication dela récidive, de la rechute alcoolique en dépit d'un engagement solennel devant ses « frères » mais le plus souvent devant Dieu.

A partir de 1900, le concept d’addiction fut appliqué à d'autres substances psychoactives. Dans son ouvrage de 1902 sur les usages de drogue et leur traitement, T. CROTHERS 72 emploie le terme "addiction" pour décrire l’ivresse de cocaïne, chloral, éther, et chloroforme. Il ajoute cela : Addiction et traités internationaux

Ce terme d’addiction a connu également des fortunes diverses au gré des traités internationaux 73 dont certains s’attachent à réglementer, réguler le commerce des substances illicites. La convention de la Haye en 1912 faisant suite à la conférence de Shanghai sur l’opium de 1909 ne laisse pas apparaître le terme d’addiction mais cite simplement l’abus pour ce qui concerne différentes drogues et d’habitude qu’il conviendrait de réduire.

Le terme d’habitude disparaîtra lors de la convention unique sur les drogues de 1961 et sera remplacé alors par le terme d’addiction et encore dans un seul article faisant référence aux « Drug addicts ». Un commentaire sur cette convention élaboré par un groupe technique notera que les produits seront identifiés par deux critères : leur degré de responsabilité dans l’abus (ce que l’on appellera plus tard le pouvoir addictogène) et leur risque pour la santé publique et le bien-être social. La révision de cette convention en 1972 verra le terme remplacé par celui d’ « abuseurs de drogues ».

Une commission de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1971 entérinera le terme de dépendance aux drogues pour remplacer ce terme dans les traités et les conventions internationales.

Ce petit voyage dans les traités extrait de l’article de ROOM 74 nous montre bien l’ambiguïté du terme pas seulement au niveau médical. Dépendance aux drogues ou addiction : que choisir ?

Notes
69.

McCORMICK, (M.), First representations of the gamma alcoholic in the English novel, Quarterly Journal of Studies on Alcohol, 1969, 30:957-980.

70.

LEVINE, (H.G.), The discovery of addiction: changing conceptions of habitual drunkenness in America. Journal of Studies on Alcohol, 1978 39 : 143-174.

71.

VALVERDE, (M.), Diseases of the Will: Alcohol and the Dilemmas of Freedom. Cambridge, UK: Cambridge University Press, 1998.

72.

CROTHERS, (T.D.), The Drug Habits and Their Treatment. Chicago: E.P. Engelhard & Co, 1902.

73.

ROOM, (R.), Trends and issues in the international drug control system – Vienna 2003. Nordisk Alkohol- och Narkotikatidskrift 20 : 240-254.

74.

ROOM (R.), Trends and issues in the international drug control system – Vienna 2003. Nordisk Alkohol- och Narkotikatidskrift 20:240-254.ROURA, (C.), CHABROL, (H.), Symptômes de tolérance, de sevrage et de dépendance au cannabis chez l’adolescent consommateur, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 52 (2004), 11-16.