Quelle place pour le cannabis ? La question de la dépendance et des usages nocifs

On a longtemps cru que l’usage du cannabis ne conduisait pas à la tolérance (augmentation des doses pour obtenir un effet identique) ni à la dépendance et donc n’engendrait pas de syndrome de sevrage. Ce dernier est maintenant bien démontré et nous l’avons documenté dans le premier chapitre de cette partie. Il inclut une agitation, une anxiété, une dysphorie, une irritabilité, de l’insomnie ainsi qu’une anorexie avec tremblements musculaires, inclus dans une augmentation des réflexes et des signes sympathiques, tels que des variations tensionelles, du pouls, de la transpiration et de la diarrhée. Il apparaît généralement au bout de 10 heures et atteint son maximum à 48 heures. Beaucoup s’y opposent encore même dans la communauté scientifique.

Par contre, nous n’avons pas beaucoup d’argument de consensus autour de l’usage nocif car ceux qui consomment se sentent très longtemps maître de leur consommation et ne se rendent souvent compte que leur consommation pose des problèmes que quand ils se retrouvent isolés (l’entourage, souvent la petite amie, s’est découragé), quand les résultats scolaires deviennent catastrophiques ou quand ils ont à faire avec les forces de l’ordre et la justice. C’est bien là que se trouve l’enjeu social dans la consommation de ce produit.

Alors faut-il parler d’addiction pour le cannabis ?

Oui, si l’on considère qu’il y a tous les critères que l’on a vu dans les classifications scientifiques. Le concept d’addiction évoque généralement les effets désastreux de l’excès. Une conduite addictive peut toutefois se présenter sous le jour d’un simple penchant, « dont le lexique précise qu’il peut d’abord s’agir d’un attachement, d’une inclination positive pour toute activité humaine, avant d’être une fâcheuse propension à nuire à autrui ou à soi-même ». 84 On pourrait alors considérer les différentes conduites addictives comme se situant le long d'un continuum, allant du "non-problématique" au "sévèrement problématique". Les diverses addictions se répartiraient ainsi suivant une ligne continue qui irait de "la petite habitude pas trop gênante" au comportement entraînant de graves nuisances sur soi-même et sur autrui. Et la réponse « non » pourrait aussi bien s’appliquer car des consommateurs se reconnaissent à juste titre dans les usages non problématiques.

Comment faire la différence et comment appréhender dans un travail de prévention et d’information les différentes catégories pour éviter le passage de l’usage simple à l’usage nocif et de l’usage nocif à la dépendance.

Notes
84.

AUTIÉ, (D.) Le bec dans l’eau Phébus, Paris, 1997, p154