La campagne cannabis 2005

Elle s’intitule « le cannabis est une réalité ». Elle est menée conjointement par le ministère des Solidarités, de la Santé et de la Famille, la MILDT et l’institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES).Elle confronte de l’image répandue d’un produit naturel et inoffensif à ses effets négatifs, sous forme de témoignages de jeunes consommateurs, en soulignant certains risques (difficultés scolaires, perturbation des relations affectives, dépendance produit et intoxication aiguë). Elle est lancée en février 2005 et sera reconduite partiellement en 2006. Cette campagne destinée prioritairement aux jeunes se décline sous la forme de la diffusion de six spots différents à la télévision du 8 au 27 février et de 8 spots radio différents du 8 février au 6 mars. Quatre annonces différentes dans la presse principalement nationale ont été adressées aux parents du 14 au 25 février. De plus, trois brochures informatives destinées aux jeunes, aux parents et aux personnes qui souhaitent s’arrêter de consommer du cannabis ont été diffusées après de 3,5 millions d’exemplaires au total.

La campagne tranche avec les précédentes par les témoignages qu’elle met en scène et les couleurs vives (jaune) qu’elle utilise. Les livrets reprennent les thèmes développés par les campagnes télévisuelles et radiophoniques. La brochure « jeunes » confronte la réalité de témoignages d’adolescents consommateurs à des avis de spécialistes reconnus et nommés. Puis viennent diverses informations sur le produit, un questionnaire d’évaluation (le CAST) ainsi que les classiques adresses auxquelles on peut s’adresser. La brochure « parents » (32 pages au lieu de 24) met l’accent sur l’information, elle intègre des photos de parents en apparence « désemparés » et des photos d’adolescents qui ressemblent tellement à leurs enfants (mais pas tout à fait quand même !) qu’il semble facile de s’identifier et de se projeter. La deuxième partie qui propose des solutions abandonne le fond jaune au profit d’un blanc sobre, fait apparaître l’image rassurante du médecin (un homme avec blouse et stéthoscope pour mieux écouter le cœur sans doute !) et à la fin, un groupe d’adolescents souriants.

Le guide d’aide à l’arrêt (qui est une réelle nouveauté) commence par une citation de Baudelaire livrée telle que :

Baudelaire, 1860 :

“ Ce que le haschisch te donne d’un côté, il te le retire de l’autre... Il te donne le pouvoir de l’imagination mais t’enlève la possibilité d’en profiter ”

La date est sûrement faite pour que Baudelaire ne soit pas confondu avec un contemporain moralisateur.

Le guide est assez directif et s’inspire des notions que l’on va retrouver dans les entretiens motivationnels utilisés dans diverses thérapies cognitivo-comportementales. Il est personnalisable avec des endroits réservés pour noter ses caractéristiques propres. Là, le médecin est « sympa », il n’a pas de blouse et est assis sur le bureau. À la fin, bien sûr, le sourire revient sous la forme d’une belle jeune fille qui représente sans doute la copine « idéale ».

En fait, ne nous y trompons pas, nos propos, certes ironiques, renvoient à ce que beaucoup ont ressenti en la voyant : « C’est une bonne campagne de publicité ! » sauf que le jour où elle a débuté, les brochures n’étaient pas toutes arrivées dans les structures désignées comme « Consultations Cannabis » qui se voulaient être le pendant de terrain de cette action.

Cette campagne a, bien entendu, été évaluée avec les mêmes indicateurs que le lancement d’un produit comme un autre.

On retrouve dans le tableau suivant une comparaison de différentes campagnes. Peut-on comparer ? Rien n’est moins sûr !

Tableau 8, Scores d'impact des post-tests des campagnes grand public entre 2000 et 2006
Tableau 8, Scores d'impact des post-tests des campagnes grand public entre 2000 et 2006

* Voir les définitions données ci-dessous

** Drogues : savoir plus, risquer moins , diffusé au total à près de 5 millions d’exemplaires (dont 1 million vendus). Source : Enquête post-test, INPES.

On peut cependant trouver, grâce aux post-tests de l’INPES 94 , des informations relatives à la perception momentanée de la campagne sur quatre aspects :

Notoriété : se souvenir d’avoir vu, lu ou entendu la campagne faisant l’objet de l’enquête et reconnaître au moins un élément de la campagne après avoir vu les spots radio, TV ou annonces presse ;

Agrément : avoir aimé au moins un élément de la campagne ;

Implication : se sentir personnellement concerné par la campagne parmi ceux qui ont reconnu au moins un élément de la campagne ;

Intentionnalité ou incitation : se sentir enclin à changer son comportement conformément aux objectifs de la campagne.

Il est noté que cette campagne a eu une « mémorisation spontanée » plutôt élevée (83% contre les précédentes, plus anciennes certes, 34 % en 2002 et 81 %). Outre que la différence entre 83 % et 81 % n’est pas significative sauf à reconnaître qu’en terme de notoriété la campagne « Savoir plus, risquer moins » devait vraiment avoir été une bonne campagne, on ne peut pas dire autre chose à notre avis que cette campagne a eu le mérite de faire parler du cannabis en essayant d’amener le débat sur le terrain de l’information mais cela n’avait-il pas été déjà fait quelque temps avant.

Nous reviendrons dans le prochain sous-chapitre sur le volet sanitaire de cette campagne appelée « Consultation cannabis » mais l’action spécifique cannabis ne s’est pas arrêtée là. Un volant «Sécurité routière » y a été rajouté.

Notes
94.

INPES, Synthèse des principaux enseignements du post-test de la campagne d’informations sur le cannabis menée par l’INPES, Saint-Denis, INPES, 2005 (non publiée), 24p.