Les raisons du paradoxe

Les explications que nous pouvons avancer peuvent être de nature sociodémographique. On sait que les garçons (ce que vérifie notre travail préliminaire) sont bien plus consommateurs que les filles. Cependant, quand on considère notre groupe, la faible proportion de garçons (17%) modifie l’attitude du groupe et même les filles sont plus consommatrices que les gens d’une même tranche d’âge. Néanmoins, elles demeurent bien différentes des garçons. Le facteur « âge » joue un rôle, on l’a déjà vu ; en effet, la consommation régulière de cannabis « s’épuise » avec ce que nous pourrions appeler la maturité.

Les raisons de consommer plus que les autres peuvent aussi découler d’un choix personnel. La façon dont les gens se sont construits à travers leur éducation, l’influence religieuse, l’influence de l’entourage et en particulier des parents en premier lieu. Vivre dans une famille où les interdits sont très marqués n’est pas la même chose que de grandir dans une famille où les parents ont une plus grande tolérance. Ceci a été remarqué dans des enquêtes déjà citées où les catégories socioprofessionnelles avaient des attitudes différentes à la fois dans les consommations et dans les perceptions.

Ce choix personnel va se prolonger dans le choix même du métier. Il est bien évident que l’on ne devient pas médecin, infirmier, professeur des écoles ou éducateur spécialisé par hasard. Ce choix doit s’accorder avec un style de vie non seulement au moment du travail mais également en dehors mais il s’appuie aussi sur des représentations et des projections à moyen et long terme de ce que sera la profession.

Le temps de la professionnalisation peut être aussi un temps de formation personnelle dû à un intérêt particulier pour un type d’étude (« j’aime la biologie, je fais médecine ! », « j’aime les enfants, je deviens prof !», « j’aime aider les gens, je fais éducateur ou infirmier ! ») ou à une imitation du groupe de pairs que l’on fréquente : « Ma copine voulait être infirmière alors j’ai fait comme elle, etc. Les exemples de ce genre sont aussi nombreux dans ce sens que la réponse définitive : « J’ai toujours voulu faire ça ! ».