Le triomphe de l’hygiénisme et de la vaccination (du XVIIIe siècle à la seconde guerre mondiale)

Le mouvement hygiéniste prit forme à partir de 1820 devant le manque de traitement des maladies contagieuses. Il apparaissait que seules des mesures d’hygiène stricte pouvait permettre de juguler les maladies 138 . Ce courant s’inscrivait dans les idées de la révolution selon lesquelles l’État a une responsabilité dans la santé des citoyens. Ils mettaient en avant le lien qui existait entre les maladies et les mauvaises conditions sociales. En 1802, avait été fondé à Paris le premier conseil de salubrité dans le rôle était de résoudre les problèmes sanitaires posés par l’arrivée des paysans vers la capitale.

Les hygiénistes produisirent deux réglementations : celle du travail des enfants en 1841 et celle de la lutte contre les logements insalubres en 1850.

Deux tendances opposées étaient distinguées dans ce mouvement : d’un côté, une tendance héritière de la révolution qui souhaitait que l’État légifère en vertu de sa responsabilité envers la santé des citoyens. D’un autre côté une tendance libérale qui prônait que l’amélioration des conditions de vie des ouvriers irait de pair avec le développement. Ainsi, cette tendance prônait-elle la responsabilisation individuelle plutôt que l’intervention de l’État.

L’épidémie de choléra 139 de 1832 et qui terrassa 150 000 personnes en France entraîna des mesures d’assainissement urbain qui furent suivis par de nombreuses municipalités. À Paris, par exemple, 63 km de canalisations furent construits et le nombre de fontaines fut multiplié par cinq.

La loi de 1884 étendit le pouvoir des municipalités en matière d’hygiène. Un grand nombre de médecins acquis aux théories hygiénistes avait été élu à la tête des mairies et ainsi les premiers bureaux d’hygiène municipaux virent-ils le jour. Le premier rôle de ces bureaux fut le renforcement du contrôle de la couverture vaccinale de la population.

L’absence de politique de santé publique nationale à cette époque s’explique pour des raisons culturelles. Il était considéré que la diffusion des normes d’hygiène et d’assistance était de la responsabilité du médecin. Toute intervention publique massive fut rejetée jusqu’à en 1871 au nom du libéralisme et du maintien de l’ordre social. Si les épidémies purent être jugulées au XVIIe siècle grâce à l’intervention du pouvoir central, la lutte contre l’insalubrité au XIXe siècle fut menée par les municipalités.

La première grande loi de santé publique dite loi d’hygiène publique ne fut votée qu’en 1902 après des années de débats. Elle obligeait les villes de plus de 20 000 habitants à se doter d’un bureau d’hygiène municipale, mettait en place des dispensaires, offrait la possibilité de désinfecter les logements au phénol afin de prévenir les épidémies de choléra et rendait obligatoire la vaccination contre la variole.

Les origines de la vaccination sont mal connues. Selon la légende, au IVe siècle avant notre ère, Mithridate, ingurgitait des doses croissantes de toxiques afin de se prémunir contre tout risque d’empoisonnement. Au XVIIe siècle, les Turcs avaient mis au point grâce aux observations qu’ils avaient pu faire le premier vaccin efficace contre la variole en prélevant des traces du contenu de pustules de cas modérés de variole en les inoculant à des personnes saines.

Le premier médecin à pratiquer une vaccination efficace et à grande échelle fut E. JENNER 140 en 1798. Bien que la nécessité d’une revaccination ne fut connue qu’en 1820, la couverture vaccinale fut suffisante pour qu’aucune épidémie étendue ne puisse se développer jusqu’en 1860. La France à cette époque connaissait un sérieux retard par rapport à ses voisins européens. La vaccination variolique avait été rendue obligatoire dès 1816 en Suède ; elle ne le fut qu’en 1902 en France.

Ceci eut comme on l’imagine des conséquences dramatiques. Lors de la guerre de 1870, 600 000 soldats n’étaient pas vaccinés contre la variole. 175 000 la contractèrent, 18 000 en moururent et 200 000 personnes dans tout le pays. En 1914 – 1918 en revanche sur les 8 millions de soldats vaccinés, 23 contractèrent la maladie et un seul en mourut.

La diffusion de la vaccination ne se fit pas si facilement. De nombreuses voix s’y opposèrent mettant en doute son innocuité car la pratique de la vaccination de bras à bras dans ses débuts avait été responsable de contamination par la syphilis.

En France, par exemple, les opposants la vaccination firent échouer en 1880 projets de loi tendant à rendre obligatoire la destination contre la variole.

Notes
138.

BOURDELAIS, (P.), Les épidémies terrassées, une histoire des pays riches, Ed. de La Martinière, 2003, 246 p.

139.

BOURDELAIS, (P.), RAULOT, (J.-Y.) Une peur bleue : histoire du choléra en France 1832-1854, Payot, 1997, 310 p.

140.

Edward JENNER (1749 - 1823) est un médecin britannique, célèbre pour son invention de la vaccination contre la variole.