La construction professionnelle fruit de la construction sociale de l’identité

C. DUBAR (déjà cité) présente l’identité comme étant le produit de socialisations successives, la socialisation étant un ensemble de transaction entre l’individu et les instances sociales qui l’entourent.

La socialisation primaire a lieu dans la famille. La socialisation secondaire a lieu quand l’individu participe à d’autres groupes sociaux comme l’école au premier plan mais également les copains, les groupes sportifs, le travail. Ces différents groupes peuvent avoir des règles contradictoires mais elles permettent des reconstructions successives de l’individu ce qui donne au total sa singularité dans ses dimensions mentales et affectives. La socialisation professionnelle fait partie de cette socialisation secondaire.

DUBAR postule que les processus de socialisation sont à la fois diachroniques et synchroniques. Il y aurait la « socialisation biographique » qui représente l’histoire sociale de l’individu, sa vie est l’axe diachronique. Elle représente l’ « identité pour soi », la définition de soi-même, résultat d’un compromis entre l’identité héritée et celle visée que la personne revendique comme sienne. Elle peut être aussi bien continuité que rupture entre le passé (identité héritée) et un projet (identité héritée). Il met également en exergue la « socialisation relationnelle » qui représente les interactions des acteurs est synchronique. Elle repose sur deux processus de construction identitaire : l’attribution et l’incorporation.

Toute personne qui s’engage dans une action collective se voit attribuer une identité par (et pour) autrui (« comment les autres me voient »). Dans le cadre du travail existent des pratiques communes qui renvoient à la notion d’ « être du métier ». L’intériorisation de cette nouvelle identité est progressive et fluctuante pour ceux qui « entrent dans le métier » et qui ne font pas encore partie de ceux qui « ont du métier ». Les savoir-faire de ces derniers sont un modèle pour ceux qui ne possèdent alors que des bases théoriques. L’incorporation se fait en tension entre deux tendances diamétralement opposées : d’une part, une propension à l’identification (se définir à l’image d’un autre ou d’un groupe auquel on souhaiterait appartenir) et d’autre part, une tendance à la différenciation (repérer ses différences et prendre ses distances par rapport à cet autre ou au groupe)

‘Pour C. DUBAR, l’identité pour autrui relevant du processus de socialisation relationnelle suppose une transaction entre les identités attribuées par autrui (individus et institutions) et les identités incorporées. Cette transaction renvoie à la dualité reconnaissance/non-reconnaissance. Au total, l’image que l’individu se construit est la résultante de ces deux processus de socialisation. Citant RD. LAING 228 , C. DUBAR conclut : En effet, l’incorporation « »... Sans cette légitimité subjective, on ne peut parler d’identité pour soi ». ’

La socialisation biographique offre peu de prise à la formation professionnelle sauf en des réminiscences d’expériences passées négatives. Elle jouera par contre un rôle de médiateur pour affronter les formes socialisées du métier ; ceci se manifeste surtout au moment de l’entrée dans le métier en étant sources de déséquilibre comme au moment où éventuellement le sujet est amené à changer d’emploi.

Trois mécanismes peuvent alors resurgir tels que les décrits HUGHES cité par C. DUBAR :

  • « Le passage à travers le miroir », c’est-à-dire l’immersion dans la culture professionnelle fait apparaître de nombreuses contradictions avec la culture profane. L’image du métier (normes, règles et valeurs) peut entrer en conflit avec l’image de soi dans le métier. La crise et le dilemme entre l’envie de reconnaissance et « l’identification difficile avec le rôle » ne peuvent se dissiper que par un renoncement volontaire aux stéréotypes professionnels.
  • Puis, le formé s’installe dans une forme de dualité entre le modèle idéal et le modèle pratique à propos des quatre éléments qui, selon Hughes, constituent la base de l’identité professionnelle (la nature des tâches, la conception des rôles, l’anticipation de la carrière et l’image de soi dans le métier). Au modèle idéal sont associées la dignité de la profession, l’image de marque et la valorisation symbolique. Au modèle pratique sont liés les tâches quotidiennes et les « durs travaux ».
  • Enfin, l’individu « ajuste la conception de Soi », c’est-à-dire qu’il reconstitue son identité en prenant en compte ses capacités physiques, mentales, personnelles.

La construction d’un groupe de référence (en tant qu’ « autruis significatifs »), l’institution de formation et les medias peuvent jouer des rôles dans la gestion des images positives ou négatives et des processus d’identifications.

Certains métiers, par contre, en offrant des tâches et des rôles proches du quotidien (s’occuper d’enfants par exemple) font que le modèle doit être en rupture avec le vécu quotidien d’où la nécessité pour les formateurs d’offrir d’autres images plus réalistes du métier.

Nous pouvons résumer ce qui précède dans la figure suivante.

Figure 17, La construction de l'identité professionnelle
Figure 17, La construction de l'identité professionnelle

Au sein de la construction de l’identité professionnelle apparaissent des représentations que l’on pourrait qualifier de spécifiques et que nous allons étudier maintenant.

Notes
228.

LAING, (R.D.), Le Soi et les autres, 1971, Paris, Gallimard, 272 p.