Comme l’écrit J. BOISSONNEAULT 254 , parler de représentations c’est en fait parler d’images et de valeurs collectives. Les représentations vont au-delà des spécificités individuelles en faisant et se clore le discours collectif c’est-à-dire la somme de tous les discours personnels. S’intéresser aux représentations socioprofessionnelles est capital pour mieux comprendre l’évolution des individus à travers leurs périodes de formation car ce changement n’est pas un évident y compris pour l’individu lui-même.
S. CAMMAS 255 a étudié dans une contribution la dynamique de la formation professionnelle chez les éducateurs spécialisés en faisant une étude sur trois lieux de formations avec des pratiques différents. Elle note : Les élèves développent au cours de leur formation des représentations socioprofessionnelles qui va les rapprocher de leurs futurs pairs. En particulier, en plus de l’effet école » et de l’influence des pratiques antérieures, il existe manifestement une corrélation entre les stages ou expériences de terrain et l’engagement dans la professionnalisation.
B. FRAYSSE 256 écrit que : Les représentations socioprofessionnelles se constituent dans ce double engagement : tout d’abord l’ « engagement par le savoir » qui repose sur les acquisitions scolaires (la partie intellectuelle du travail ce que l’on apprend à l’école) et d’un autre côté l’ « engagement par le savoir-faire » qui repose sur les conditions réelles d’exercice du métier (c’est la partie manuelle, le tour de main, l’expérience acquise ce que l’on apprend en stage).
T. ROUX-PEREZ 257 s’intéresse à une autre de nos catégories enquêtées, les professeurs de écoles et montre, elle aussi, l’importance des acquis antérieurs dans la construction identitaire des enseignants en formation initiale. Elle montre également ce qui est intéressant dans notre analyse qu’il existe une différence entre les hommes et les femmes par rapport aux attentes. Les stagiaires masculins développent un sentiment de compétence plus affirmée qui leur fait remettre en cause fréquemment le contexte institutionnel ou humain tandis que les femmes expriment plus souvent une vocation pour le métier et reconnaissent la nécessité d’avoir à construire progressivement de nombreuses compétences. Ainsi cette différence homme/ femme se retrouve-t-elle dans des prises de risque différentes par rapport au cannabis et à l’ivresse mais également par rapport au fait de se sentir bien informé sue les drogues ce qui correspond souvent au fait d’en avoir fumé et d’en consommer encore.
Enfin il est intéressant de noter dans le questionnaire l’image majoritaire pour désigner l’enseignant idéal à savoir qu’il est une personne qui « réfléchit sur ses pratiques et analyse leurs effets » et « construit des contenus adaptés à la diversité des élèves » ce que nous retrouverons dans le chapitre suivant.
M. JOUET LE PORS 258 montre que chez les infirmières en formation, les représentations sociales changent par l’acquisition d’un langage de plus en plus professionnel. L’avancée dans les études se traduit en fin de formation par une plus grande responsabilisation permettant un accès à l’autonomie. Elle note également que s’il existe des éléments au niveau périphérique en contradiction par rapport au noyau central, Ceci apparaissant d’autant plus vrai que les éléments vécus comme périphériques auront une existence transitoire.
Dans sa conclusion, elle note qu’il « ne peut y avoir de formation sans éducation, éduquer c’est développer chez l’apprenant des facultés afin de répondre un objectif déterminé ». Enfin, elle insiste sur la nécessité de mettre en place pendant la formation des dispositifs de communication « afin que les représentations et la conception du soin chez les étudiants soit parlées, questionnées. Cette communication, ces échanges formalisés facilités, entre les étudiants, les soignants et les formateurs permettront chez le futur professionnel réflexion et évolution nécessaires à la construction de l’identité et à la mise en œuvre d’un processus de professionnalisation. »
M. BATAILLE et C. MIAS 259 s’attachent dans cette contribution à la représentation du groupe idéal qui reposerait dans son noyau central sur les notions de fraternité et d’égalité. Un autre élément de la représentation de ce groupe de l’idéal est la notion de « partager les mêmes opinions ». Cet élément est périphérique puisqu’il résiste à la mise en cause car un groupe reste idéal même si ses membres ne partagent pas les mêmes opinions. P.MOLINER 260 qui l’a montré parle plus de « groupe d’amis idéal » que de « groupe idéal ».
M. BATAILLE et C. MIAS notent que dans l’activation différentielle des éléments centraux appliqués au groupe idéal, il faut tenir compte :
De la finalité de la situation qui n’est pas la même dans la référence à un groupe amical ou à un groupe professionnel
De la perception de la réversibilité qui dépend de la pérennité du groupe (groupe amical/groupe professionnel – groupe de formation)
De la distance du groupe à l’objet suivant que cet objet est affaire de spécialistes professionnels (enjeu identitaire) ou affaire de profanes (enjeu de cohésion sociale 261 )
Du fait que l’on ne s’autorise pas à juger ses amis dans son propre groupe.
Enfin, ils affinent leurs propres définitions des deux notions que sont la distance et l’implication.
‘Ils donnent l’exemple du médecin cancérologue qui serait moins distant de l’objet « cancer » qu’un avocat.’Ils distinguent l’ « implication » de la distance. 262 En conclusion, ils énoncent que : Tous les éléments énoncés ci-dessus nous permettent de mieux comprendre nos étudiants.
BOISSONNEAULT, (J.), Représentations des T.I.C. en milieu professionnel : réflexions sur le changement, in Reflets : revue ontaroise d’intervention sociale et communautaire, Travail et mieux-être, automne 2003, volume 9.
CAMMAS, (S.), Dynamique de la formation professionnelle des éducateurs spécialisés : le processus de construction des représentations professionnelles du futur métier in atelier : comment les analyses de la pratique de la formation renouvellent-elles les questions de l’identité et de la culture ? En ligne sur www.inrp.fr/Acces/biennale/6biennale/Contrib/affich.php
FRAYSSE, (B.), Étude franco-canadienne des représentations de leur futur métier chez les élèves ingénieurs en ligne sur www.inrp.fr/Acces/Biennale/5biennale/Contrib/Long/L156.htm
ROUX-PEREZ, (T.), Construction identitaire des enseignants en formation initiale : entre représentations partagées et éléments de différenciation dans le rapport au métier, huitième biennale de l’éducation et de la formation en ligne sur www.inrp.fr
JOUET LE PORS, (M.), L’évolution des représentations sociales des étudiants infirmiers sur la profession infirmière au cours de la formation, mémoire pour le diplôme des hautes études en pratique sociale, collège coopératif en Bretagne, décembre 2004, université Rennes II, 97 p.
BATAILLE, (M.), MIAS, (C.), Représentations du groupe idéal, sixième conférence internationale sur les représentations sociales, Stirling, 2002.
MOLINER, (P.), Validation expérimentale de l’hypothèse du noyau central des représentations sociales, Bulletin de Psychologie, 1989, XLI, 387, 759-762.
MOLINER, (P.), Images et représentations sociales : de la théorie des représentations à l’étude des images sociales, 1996, Grenoble, PUG, 275 p.
MIAS, (C.), L’implication professionnelle dans le travail social, 2000, Paris, l’Harmattan, 319 p.