Indifférent aux passants qui déambulent à ses pieds, son regard de bronze semble défier un adversaire invisible. Mâchoire crispée, poing serré, la main droite empoignant fermement la crosse d’un fusil, la détermination de l’insurgé du monument de Crest 3 érigé aux victimes du coup d’État du 2 décembre 1851 est grande : « ils » ne passeront pas et « il » résistera jusqu’au bout. Trois décembre 1851, Paris, faubourg Saint-Martin, un député ceint de l’écharpe tricolore s’effondre sur une barricade, tué pour « vingt-cinq francs par jour… » 4 . Décembre 1852, île de Jersey, un autre révolté laisse glisser sa plume sur le papier. Le verbe que l’on sent rageur refuse tout compromis, toute concession :
‘« Si l’on est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si mêmeCes trois exemples sont les symboles de la geste républicaine de trois attitudes de défense d’une constitution violée par un président de la République légitimement élu au mois de décembre 1848. Autrement dit, l’Insurgé de Crest, Victor Hugo et le député Alphonse Baudin incarneraient trois symboles de résistance et d’opposition à un coup d’État orchestré par un président parjure 6 qui, parce qu’il n’avait pas obtenu légalement la modification de la constitution, révisait à sa façon le texte fondateur de la République. La problématique de cette thèse est née de cette interrogation : pourquoi des habitants de villages éloignés de plusieurs jours de voyage de la capitale avaient-ils réagi à un coup d’État perpétré par un président de la République en exercice ? Pourquoi s’était-on révolté ici et pas ailleurs ? Comment pouvait-on être ou devenir un « résistant » de la cause républicaine ? Certes, dans la mémoire républicaine, le devoir de révolte s’était imposé aux citoyens, gardiens de la constitution, selon les modalités de l’article 68 7 . En décembre 1851, on était prêt à mourir pour l’idée de République, non pas celle mise en place par les « Burgraves » de 1849, mais celle d’une République idéalisée, susceptible d’apporter plus de bien-être et de justice sociale dans le pays. L’insurrection, en tant que réaction au coup d’État de Louis‑Napoléon Bonaparte, devenait alors le creuset de la conscience républicaine dans lequel la mobilisation villageoise, se décentrant des enjeux de la communauté ancrés dans une réalité historique et anthropologique, prenait la forme de la défense de la cause républicaine. En somme, Décembre 1851 était une insurrection pour la République s’expliquant par un réflexe républicain qui abolissait les différences d’échelles. Ainsi, du micro au macro, de la commune à la nation, les espaces de vie de la communauté villageoise se fondaient en un seul « espace vécu » 8 républicain. Cet espace symbolique transcenderait les distances entre les hommes et les lieux en les rassemblant au sein de cette nouvelle communauté tissée par la fibre républicaine. D’un site à l’autre, pour reprendre l’expression de Jacques Revel 9 , il suffirait de changer la distribution des lieux et des acteurs pour analyser et faire le récit, selon un canevas identique, des répercussions ou des conséquences du coup d’État dans un département lambda. L’équation historique s’écrirait sous la forme : « si X (violation de la Constitution) est une bonne raison pour A (individu) de faire Y (insurrection), X serait une bonne raison pour quiconque suffisamment semblable à A pour faire Y dans des circonstances suffisamment semblables ». X serait la condition suffisante de Y et toutes les fois que X se présenterait alors Y interviendrait. En conséquence, l’événement « prises d’armes » se « départementalise », puis se « communalise » dans plus d’une trentaine de départements 10 sur le thème de « la résistance au coup d’État à tel ou tel endroit », comme en Ardèche, par exemple.
« Si l’histoire est lutte pour la vérité, elle est également une lutte contre notre tendance à considérer que tout va de soi » rappelait Paul Veyne dans son essai d’historiographie 11 . De plus, un autre aspect de la question, déjà évoqué par Jean-Claude Caron dans sa Chronique de la révolte populaire en France 12 , ne pouvait pas laisser indifférent :
‘« Il convient alors de se demander au nom de quels intérêts communs des individus de milieux et de cultures différents peuvent s’agréger temporairement dans une catégorie relevant de la transgression de l’ordre légal, comme celle d’émeutiers ou d’insurgés : s’agit-il seulement du sentiment partagé de la légitimité de la révolte ? […] » 13 . ’« Décembre 1851, en Ardèche », pourquoi inscrire une problématique de recherche dans le cadre des limites administratives de ce département et quel est l’intérêt d’étudier cet événement en particulier ? Il n’y a pas d’histoire sans sujet écrivant et cela pose le statut du chercheur face à son objet, autrement dit des « liaisons dangereuses » entre un choix d’objet et une histoire de vie, selon l’expression de Valérie Amiraux et Daniel Cefaï 14 . Certes, il ne s’agit pas de « se raconter » dans son intimité ou dans son affectivité mais de préciser des orientations professionnelles et intellectuelles 15 permettant une distanciation par rapport à l’objet d’étude. Il s’agit donc d’entreprendre une « métaréflexion historique » parce que les observations et les interprétations du chercheur peuvent être affectées par son « équation sociale et personnelle » 16 et il y a un réel danger de se mettre insidieusement à penser à la place de ceux que l’on voudrait comprendre. J’adhère à ce qu’écrivait Henri‑Irénée Marrou lorsque dans son livre dédié à De la connaissance historique, il posait comme méthode de recherche les principes suivants :
‘« L’honnêteté scientifique me paraît exiger que l’historien par un effort de prise de conscience définisse l’orientation, de sa pensée, explicite ses postulats (dans la mesure où la chose est possible) ; qu’il se montre en action et nous fasse assister à la genèse de son œuvre : pourquoi et comment il a choisi et délimité son sujet ; ce qu’il y cherchait, ce qu’il y a trouvé, qu’il décrive son itinéraire intérieur, car toute recherche historique, si elle est vraiment féconde, implique un progrès dans l’âme même de son auteur : la rencontre d’autrui […] » 17 .’Le terrain d’enquête est le résultat d’une conjoncture car n’étant pas ardéchois « d’origine », il y eut le hasard d’une nomination professionnelle qui m’encouragea à présenter d’abord une maîtrise d’histoire contemporaine du XXe siècle sur le thème d’« Une génération d’instituteurs ardéchois confrontée à la crise des années trente » 18 . J’avais été surpris par les guerres scolaires existant alors entre l’École privée et l’École publique mais également par les rivalités fratricides entre instituteurs appartenant au même syndicat. Le syndicalisme était leur passion (au sens de dévouement total et de souffrance), leur raison d’être, leur raison de vivre. Ils œuvraient pour un même idéal : la défense des valeurs humaines, la défense de la paix dans une période de remise en cause de la démocratie libérale et d’installation de régimes totalitaires sur la scène internationale. Ils essayaient de diffuser ces valeurs reconfigurées par leur engagement syndical dans l’espace de la classe pour transformer leurs élèves en citoyens. L’événement « guerre » avait eu raison provisoirement de leur sacerdoce humaniste. Ceux « qui ne voulaient pas marcher », ceux qui avaient mené une propagande intense contre la guerre, les membres des Cercles d’Action contre la guerre, tous avaient rejoint le front et leur poste de combat. Cet engagement militant de ces hommes et de ces femmes m’avait attiré et je voulais approfondir mes recherches en travaillant sur un sujet qui montrerait comment l’Ardèche avait accueilli la République et ses valeurs républicaines 19 , à savoir, je voulais rechercher « l’obscure progression de l’idée républicaine » et étudier comment les idéaux républicains pouvaient évoluer en fonction des événements. Je m’engageais alors dans les chemins de l’histoire balisés par les spécialistes de l’histoire politique 20 en commençant par l’expérience républicaine qui avait donné la première le droit de s’exprimer à une majorité : la Seconde République avec son suffrage universel restreint aux hommes. « L’idée que l’instauration du suffrage universel en 1848 a constitué le premier palier de la politisation des campagnes a longtemps prévalu » fait remarquer Gilles Pécout dans ses « Réflexions sur l’histoire politique des campagnes françaises » 21 . Certes, mais tout en ayant conscience que l’historiographie de la politisation des campagnes avait commencé sous la Révolution française, je pensais trouver dans l’étude des différents scrutins sous la Seconde République des indicateurs stables de la mesure de ce processus de politisation. L’avènement de cet événement sans précédent à l’échelle des générations avait vu le nombre d’électeurs augmenter de façon considérable. L’Ardèche passait de 1 328 électeurs actifs sous la Monarchie de Juillet à plus de 100 000 pour les élections législatives à l’Assemblée constituante en avril 1848. Je commençais donc mon étude classiquement, aux Archives départementales, en dépouillant patiemment les résultats électoraux de la « série M ». Je transcrivais le produit de mes recherches électorales sur des cartes départementales. Rouge pour les partisans de la République démocratique et sociale, blanc pour les partisans de la monarchie, bleu pour les républicains conservateurs. Je suivais les traces laissées en Ardèche par André Siegfried et me plongeais dans sa géographie électorale du département sous la IIIe République 22 . Mais la « sécheresse » de ces résultats électoraux zébrant les cartes de couleurs bleues, blanches ou rouges ne me convenait pas. Je souhaitais « aller plus loin » dans le politique en dépassant la simple analyse des comportements électoraux comme l’avaient déjà expérimenté pour la période Philippe Vigier 23 , Maurice Agulhon 24 et Jean-Luc Mayaud 25 . Mais, il me fallait aussi clarifier les rapports que j’établissais entre la politique et le politique.
Distinguons, dans un premier temps, « la politique » du « politique ». Le mot « politique », dans le sens général renvoyé par l’écho de sa racine grecque, désignerait ce qui a trait au gouvernement des sociétés, soit l’exercice du pouvoir. Mais « la politique » ne représente pas tout « le politique », car le mot « politique » renvoie aussi à tout ce qui concerne les affaires de la « polis », de la ville, de la cité au sens ancien du terme, de la commune. Trivialement parlant, on pourrait dire qu’il y a deux usages du politique : « l’usage interne » et/ou « l’usage externe » 26 . Le politique à « usage interne » intéresserait toutes les affaires débattues à l’ombre du fronton de la mairie et du clocher ; la politique « à usage externe » serait argumentée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale par des représentants librement élus par les habitants de la « cité » et dont les décisions, votées à la majorité, infèrent le politique local 27 . Autrement dit, les décisions adoptées « en Haut » peuvent bouleverser « le Bas » lorsque « des logiques endogènes » (individuelles ou collectives) interfèrent avec « des facteurs exogènes attestant une porosité ou une résistance des communautés et des hommes aux enjeux du moment » 28 .
Descente de la politique vers les masses ou prise de conscience politique à l’ombre des clochers ? Le propos n’est pas non plus ici de débattre sur la problématique des étapes de la politisation des campagnes qui fit réagir Maurice Agulhon en son temps, lorsque Christine Guionnet 29 cherchait par « une tendance un peu excessive à se démarquer de ses descriptions et de ses analyses » 30 . La politisation des campagnes s’observe à deux échelles : à l’échelle nationale et à l’échelle locale et se comprend par ce social complexe qui met en jeu des interactions entre individus. Il en résulte des conséquences pointées par Natalie Petiteau : « Les modes d’expression du conflit puisent souvent dans les ressources idéologiques et symboliques de l’environnement global, mais les enjeux demeurent locaux » 31 . C’est aussi ce que faisait observer Jean-Luc Mayaud dans la conclusion de sa communication au colloque de Rome en 1997 :
‘« La politisation des campagnes apparaît alors dans sa difficulté et dans sa complexité : elle se joue à deux niveaux, le niveau local et le niveau national, et, à chaque fois, les enjeux sont de nature différente et se formalisent dans un langage différent. […]. Au village, l’apprentissage du politique passe par celui du double jeu et du double langage » 32 . ’Les esprits sont peut-être plus préoccupés par les problèmes du quotidien concernant l’amélioration des voies vicinales, les réglementations des droits de chasse et des ressources forestières instituées par le code forestier de 1827, le partage des communaux, la circulation des grains, etc., mais les idées nouvelles pénètrent aussi en Ardèche. Les courants politiques « finissent par s’infiltrer profondément dans les villages écartés et des affaires locales révèlent que cette masse rurale n’est pas étrangère aux grands intérêts qui passionnent et divisent la nation » 33 . Constat que Raphael Lutz a synthétisé dans sa contribution à l’Histoire de l’Europe rurale contemporaine :
‘« Le concept de Durchstaatlichung, ou “étatisation ” en français, désigne l’ensemble des processus qui ont fait naître, dans beaucoup d’États de l’Europe continentale comme la France, l’Allemagne et l’Italie, des sociétés nationalisés, et qui, dans le même temps, ont généré des institutions publiques “socialisées”, pénétrées et transformées par les intérêts et les habitus des groupes sociaux qui participaient à ce processus » 34 . ’Mais comment vérifier ce processus de socialisation politique en Ardèche ?
L’histoire que je voulais écrire sur la politisation du département reposait d’abord sur des paradigmes fondamentaux : l’idée du développement linéaire de cette politisation, le recours à des archives politiques de type qualitatif, mais il me fallait expérimenter de nouveaux outils d’investigation 35 pour « aller plus loin ». « Ma rencontre » avec les insurgés de Décembre 1851 fut déterminante. Après le 2 Décembre, 355 personnes avaient fait l’objet d’une décision de la commission mixte chargée d’évaluer sur dossiers la part de responsabilité prise par chacun dans l’insurrection de Décembre 1851 36 . Reprenant l’idée de Maurice Agulhon, on pouvait supposer qu’il s’agissait là d’un inventaire représentatif des cadres et militants du « parti républicain » 37 dont l’engagement fut vécu comme une insurrection pour la République. Mais l’attachement au respect du droit républicain avait-il été le seul moteur de l’action collective et justifié le fait de « mourir pour la défense de la Constitution » ?
Comme tous ceux et toutes celles qui au sein de l’équipe de recherche du LER-SEREC travaillaient sur le politique 38 , je voulais observer avec « un nouveau regard » 39 ces villageois qui, selon l’expression de Jean-Luc Mayaud, « n’avaient pas fait la révolution mais avaient vécu la République » 40 . En s’intéressant plus particulièrement aux acteurs de l’insurrection, à la « connaissance » de ces hommes et de ces femmes dont les archives ont retenu les patronymes 41 , je voulais tenter de les faire « vivre » en les montrant en action, retrouver « l’équilibre logique »des considérations qui avaient convaincu un individu qu’il devait agir comme il l’a fait. S’interroger sur les raisons pour lesquelles des populations villageoises avaient pris les armes en ces nuits glacées de décembre 1851 nécessitait de prendre en compte toutes les considérations qui avaient pu les convaincre de prendre part à ces insurrections. Cet événement « prise d’armes » n’intervenait pas comme un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage mais se rattachait certainement à un faisceau de causes mettant en interaction le politique, l’économique, le social et le culturel 42 . Jean-Luc Mayaud, mon directeur de thèse, m’engagea à identifier dans les diverses sources disponibles aux archives les personnages dont je citais les noms. Il voulait me faire rechercher les stratégies individuelles de ces acteurs confrontés à l’événement dans ces bribes d’histoire personnelle qu’il fallait décrypter dans l’étude du cadastre villageois, dans les archives de l’enregistrement, dans celles du tribunal correctionnel et de la justice de paix, dans les tables décennales de l’état civil. Je devais faire flèche de tout bois et traquer le moindre « paradigme indiciaire » permettant de retrouver la logique d’action de ces populations rurales avec comme objectif la recherche des clés permettant d’ouvrir les portes de la compréhension du pourquoi de leur participation à l’insurrection de décembre 1851. La méthode mise en œuvre verrait son aboutissement dans la reconstitution de leur « histoire de vie » à travers leur existence sociale, leurs engagements, leurs responsabilités et appartenances dans tous les domaines du politique en dépassant le seul cadre de la biographie individuelle pour atteindre les réseaux de relations dans lesquels ils avaient forgé leur représentation du monde. Cette méthodologie m’avait convaincu et pour démêler ces écheveaux de relations liant les acteurs sociaux, j’ouvrais ma propre section du chantier de la micro-histoire en suivant le fil d’Ariane permettant de donner du « sens » à cette recherche : l’individu, cet acteur de l’histoire que j’allais suivre avec une « perspective généalogique » 43 ?
Cette approche par la généalogie avait déjà été utilisée dans le passé mais avec un autre objectif. En 1973, Adeline Daumard 44 ressentait la nécessité d’apprécier l’enrichissement de la France à l’époque de l’industrialisation et dirigeait une grande enquête aboutissant à la reconstitution de « généalogies sociales ». Jacques Dupâquier et Denis Kessler rêvant d’une « nouvelle histoire sociale » se fondant sur « l’observation au microscope des individus, des familles et des comportements » 45 s’étaient aussi lancés dans le sillage laissé par Louis Henri et Michel Fleury, historiens dont les travaux avaient renouvelé la connaissance de la démographie d’Ancien régime 46 . Ces auteurs avaient ressenti l’irrésistible envie de sortir des « villages immobiles » en suivant les habitants dans leurs déplacements. La généalogie leur offrait ce visa de sortie et conduisait à la mise en place, en 1980, de la grande « enquête des 3 000 familles » qui devait éclairer les transformations accompagnant la société française depuis l’aube de la Révolution industrielle. Le travail d’exploitation comportait deux volets, un volet d’identification généalogique et un volet d’estimation du patrimoine. L’idée était originale ; il fallait « observer au microscope », de 1803 à nos jours, un échantillon de 3 000 patronymes-souches commençant par le trigramme « TRA ». La tâche était immense, voire incommensurable, puisqu’il fallait dépouiller systématiquement les tables décennales de l’état civil de toutes les communes pour la période considérée, soit près de 100 000 tables, et reconstituer 2 965 généalogies patronymiques descendantes.
Si « l’espoir de reconstituer dans leur totalité 3 000 familles sur deux siècles avait dû peu à peu être abandonné » 47 , le projet n’avait pas été enterré pour autant. Ainsi, l’équipe de recherche issue du Laboratoire d’Economie Appliquée (LEA) 48 rattachée à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) s’intéressa au volet patrimonial de l’enquête des « 3 000 familles » 49 et travailla en partenariat avec l’Institut National des Études démographiques (INED) qui, avec son unité Histoire et populations,s’était lancé dans un projet centré sur le thème « Micro‑démographie et macro‑environnement » 50 dont le sujet principal intéressait l’histoire sociale et économique des populations à l’époque contemporaine. Ces problématiques de recherche associant trajectoires géographiques familiales et parcours socio‑professionnels et/ou patrimoniaux trouvèrent aussi un écho à l’étranger et des perspectives d’étude élargies s’ouvraient avec les équipes de Cameron Campbell à l’Université de Berkeley, d’Alice Kasakoff à l’Université de Caroline du Sud, de Jan Kok à l’International Institute of Social History d’Amsterdam, de Raphael Lutz à l’Université de Trêves, de Steve King à l’Université d’Oxford. La méthodologie de l’enquête ouvrait aussi la voie à de nombreuses perspectives d’expérimentations historiques utilisant la prosopographie. Cette orientation de la recherche s’intéressant à l’étude de « l’histoire de vie » d’individus a pour ambition de dégager les profils d’un groupe constitué afin de comprendre son évolution, tout en dévoilant les logiques d’action qui ont présidé à la constitution de ces itinéraires de vie. Mais Christophe Charle n’était pas convaincu considérant que :
‘« La multiplication des travaux d’histoire contemporaine utilisant les méthodes de prosopographie pratiquées de longue date en histoire ancienne et médiévale se relie à une conjoncture intellectuelle et technique née au début des années 70 et qui, près de vingt ans après semble atteindre, du moins en histoire sociale, son point de saturation » 51 . ’Pourtant de nombreuses unités mixtes de recherche persistent dans leurs thématiques à orientation prosopographique. Ainsi l’Université Paris VIII développe un programme de recherche s’intitulant « Cultures et sociétés urbaines » sous la direction de Susanna Magri. L’une de leurs problématiques de recherche s’intéressant plus particulièrement à la « Sociologie des champs réformateurs et scientifiques, 1880-1914 » en privilégiant un usage croisé de la généalogie et de la prosopographie 52 . Depuis septembre 2000, la création de l’équipe de recherche associée du CNRS de l’Université Lumière Lyon II et de l’École normale supérieure-Lettres et Sciences Humaines constituant le Groupe de Recherche sur la Socialisation (GRS) 53 illustre aussi bien la vitalité de ces études. L’un des axes qui structure les recherches s’organise autour du thème « Cultures, dispositions, pouvoirs » sous la direction de Bernard Lahire et fonde sa problématique sur l’étude « des individus traversant des scènes, des contextes, des champs de forces différents […] » et sur leurs stratégies, leurs intérêts, les luttes qui se jouent entre eux 54 . Partant de l’observation qu’un individu est « porteur d'une pluralité de dispositions et traverse une pluralité de contextes sociaux », des recherches peuvent être conduites sur les raisons d’un engagement comme le montre l’orientation de la thèse de Fabienne Federini dirigée par Bernard Lahire sur « l’analyse sociologique d'un engagement résistant. Entre dispositions et contextes d'action : les cas de Jean Cavaillès et Jean Gosset » 55 . L’Institut d’études rurales-SEREC développait aussi de son côté un programme articulé autour de problématiques de recherche alliant micro-analyse comparative et prosopographie avec les travaux de Jean-Marc Olivier 56 , Gaëlle Charcosset. Des ateliers de réflexion méthodologique furent organisés permettant la confrontation commune des expériences de cette pratique exigeante.
Une thèse donne l’occasion d’expérimenter une nouvelle méthode historique tout en étant conscient des risques 57 . Déjà en prenant comme objet d’étude ces tranches de vie d’hommes et de femmes qui, traduites sous forme de chiffres, avaient donné naissance à une série de statistiques concernant la répression, toute la difficulté de « l’écriture de l’histoire et de la représentation du passé » 58 apparaissait. En effet, à y regarder de près, il ne s’agissait pas de l’histoire sociale de tous les insurgés de Décembre 1851, mais seulement l’histoire de ceux qui avaient été inculpés. Ainsi, ceux qui avaient laissé une trace dans les papiers d’un juge d’instruction ou les registres d’écrou d’une prison avaient « «le privilège » de sortir de l’ombre alors que la grande masse des anonymes disparaissait dans les coulisses de l’histoire. Cet effet de source, reflet de la « fausse certitude des chiffres » selon l’expression de Claude Pennetier 59 , pouvait, telle une loupe, contribuer à déformer la perception des événements.
Ensuite, si la constitution du corpus d’insurgés présentait « la partie émergée de l’iceberg », il nous fallait aussi prendre conscience du danger de « sa partie immergée ». A savoir : comment faire entendre la parole de ces centaines d’inculpés ? Jacques Rougerie avait été confronté au même cas de conscience lorsqu’il avait « donné la parole » aux accusés de la Commune 60 . Il avait pris le parti de différencier « les ténors » des « obscurs », autrement dit ceux qui représentaient « la foule des humbles, le petit gibier de Conseil de guerre » et pour lesquels il esquissa une typologie de « modèles » de militants. Chaque type était illustré d’une courte notice bibliographique extraite des dossiers d’instruction. Il distingua « les suiveurs » qui « n’étaient point là quand on a fait feu » 61 ; « les vieux de la vieille », anciens quarante‑huitards, routards du 2 Décembre ; les « familles révolutionnaires » auxquelles appartenaient ceux à qui le virus révolutionnaire s’était transmis de père en fils ; « les militants », cadres moyens de l’insurrection ou du mouvement ouvrier des dernières années de l’Empire ; « les Internationaux » à la conscience syndicale développée. La lecture de ce petit livre de la collection Archives, chez Gallimard, laissait toutefois une impression de frustration. Ne pouvait-on pas aller plus loin dans la connaissance de ces insurgés que la simple trace qu’ils avaient laissée dans les archives militaires ?
Ce qui semblait inaccessible hier à l’échelle humaine faute de moyens techniques adaptés pouvait être atteint aujourd’hui avec le développement de l’informatique et des logiciels de base de données 62 permettant la croisée et le tri des informations par critères différenciés. Mais si l’informatique apportait une aide nécessaire, sa maîtrise n’était pas suffisante car l’épineux problème du passage d’une base de données de fichiers nominatifs « saturés d’informations » à sa mise en récit persistait. Comment finalement écrire la vie d’un individu et à plus forte raison celle d’un ensemble d’individus « ordinaires » ?
Le genre littéraire biographique s’est longtemps intéressé à l’étude des vies illustres qui ont présidé aux destinées d’un pays, mais quid des « figurants », des « seconds rôles », ceux dont on cite le nom souvent mal orthographié 63 , ces hommes obscurs 64 qui ont pourtant participé chacun à leur mesure à « l’édification de Thèbes » 65 ou à la « cuisine de César » ? Que retenir de leur histoire de vie ? Comment parvenir à l’objectivation sachant qu’en multipliant les entrées dans l’histoire la perception du contexte historique ne se fait plus à travers les yeux d’un seul personnage mais à partir de la pluralité des représentations d’un ensemble d’acteurs ? N’est-il pas vain également, comme le pensent Thomas Bouchet et Jean Vigreux, « de chercher à retracer la vie d’un individu qui ne nous est souvent connue que par des fragments épars d’existence ? » 66 .Au cours d’une journée d’étude consacrée en novembre 1999 à des « réflexions sur les sources écrites de la “biographie politique” » 67 , Thomas Bouchet posait aussi la question du « tout savoir ? » 68 Il faisait part de ce sentiment d’impuissance que risque d’éprouver celui qui se lance dans la reconstitution d’une histoire de vie car « évoquer une vie, n’est-ce pas par définition l’appauvrir, l’affadir, la plaquer au sol, la simplifier en la polarisant ou en la surdéterminant ? » 69 . Jacques Dupâquier s’inquiétait aussi de la représentativité d’une histoire aboutissant à une multiplication d’études de cas :
‘« Beaucoup d’anthropologues et d’historiens, à force de se cantonner dans les études de cas, ont perdu de vue une notion essentielle : celle de la représentativité. L’addition des particularités n’a jamais automatiquement produit du général » 70 . ’Giovanni Levi, dans un article de la revue Annales ESC 71 publié en 1989, s’était déjà interrogé sur ces possibilités d’écrire la vie d’un individu. Il avait pointé la principale difficulté du genre, à savoir la reconstruction d’une « histoire de vie » selon des « modèles qui associent une chronologie ordonnée, une personnalité cohérente et stable, des actions sans inertie et des décisions sans incertitudes » 72 , autrement dit en imaginant « les acteurs historiques obéissant à un modèle de rationalité anachronique et limité » 73 . Comment, en effet, accorder le temps d’une vie dont on perçoit des bribes à travers les traces laissées dans les sources d’archives avec la mise en intrigue de cette vie pour la restituer sous forme de récit ? Pierre Bourdieu mettait aussi en garde contre le biais de la méthode :
‘« Parler d’histoire de vie, c’est présupposer au moins, et ce n’est pas rien, que la vie est une histoire et qu’une vie est inséparablement l’ensemble des événements d’une existence individuelle conçue comme une histoire et le récit de cette histoire » 74 . ’C’est ce qui peut donner l’illusion biographique d’une vie qui,
‘« […] organisée comme une histoire (au sens de récit) se déroule, selon un ordre chronologique qui est aussi un ordre logique, depuis un commencement, une origine, au double sens de point de départ, de début, mais aussi de principe, de raison d’être, de cause première, jusqu’à son terme qui est aussi un but, un accomplissement (telos) » 75 ’A cet artefact de la reconstruction historique s’ajoutait, selon Paul Ricœur, « la question la plus embarrassante de celles que pose l’historiographie à la pensée de l’histoire » 76 : « la question de la représentance du passé “réel” par la connaissance historique » 77 . Comme l’ethnologue, l’historien est confronté à l’écueil de se mettre à penser à la place de celui qu’il tente de comprendre. Il est à la recherche des raisons expliquant l’action individuelle, tout en sachant très bien qu’il n’est pas dans « l’état d’esprit » des témoins directs des événements. L’historien, en effet, connaît la fin de l’histoire par rapport à ses personnages qui, eux, étaient dans une situation d’avenir incertain. Comme le fait observer Paul Ricœur, « l’histoire survient quand la partie est terminée. […] l’historien ne cesse de remonter des pistes à reculons » 78 , et quand l’historien ordonne cette réalité qu’il n’a pas vécue pour lui donner une signification, ne prennent de sens dans le passé que les événements participant directement à cette mise en ordre historique. Parmi tous les éléments, ceux qui lui semblent insignifiants ou qui restent une énigme risquent d’être refondus ou gommés car jugés peu significatifs dans cette reconstitution du passé.
Le « risque » biographique est donc grand surtout si la conduite d’une telle démarche doit en plus éviter toutes les chausse-trappes recensées par Vincent de Gaulejac :
‘« […] les pièges de l’illusion biographique (pourquoi faudrait-il que la vie ait un sens ?), de l’illusion finaliste (la vie s’organiserait autour d’un projet, s’inscrirait dans une finalité), de l’illusion déterministe (l’homme est une larve mammifère programmée socialement), de l’illusion rétrospective (on reconstruit le passé en fonction des exigences du présent), de l’illusion narcissique (tout récit serait avant tout une question d’images) 79 . ’L’entreprise est d’autant plus risquée quand on sait que, pour Jacques Le Goff, « la biographie historique est l’une des plus difficiles façons de faire de l’histoire » 80 , ce que confirme par ailleurs Claude Pennetier dans une réflexion publiée dans un cahier de l’IHC sur la thématique : « écrire des vies » :
‘« Le genre est difficile exigeant. Il nécessite non seulement la parfaite maîtrise de périodes longues à l’échelle d’une vie, mais aussi la capacité de faire revivre tout en faisant comprendre » 81 . ’Erreur des sens, mirage et déception attendraient le chercheur voulant reconstituer l’histoire par un procédé biographique. C’est peut-être finalement cela « l’illusion biographique ». «L’illusion » au sens de tour de passe-passe d’une méthodologie qui abuserait l’esprit par le caractère séduisant du récit d’une histoire reconstruite se déroulant comme « un long fleuve tranquille » jusqu’à son terme ou « l’illusion » au sens de nourrir des espérances chimériques quant à l’aboutissement d’un travail fondé sur cette méthodologie. Serait-il donc impossible de tenter l’aventure biographique pour dégager au XIXe siècle ce concept d’« expérience sociale » d’individus confrontés à leur inscription dans une généalogie familiale, dans une communauté, dans une conjoncture économique et politique ?
La méthodologie du suivi nominatif des insurgés pouvait apporter une réponse en mettant au jour leurs réseaux d’influence et de relations qui pouvaient exister en tant que vecteurs de la communication. Les résultats de la recherche seraient ensuite traités avec une méthode prosopographique comprise dans le sens de la définition donnée par Claude Pennetier dans un article publié dans la revue de l’IHC en 1994 82 ?
‘« […] la prosopographie est comprise comme la mise en rapport de notices biographiques pour partir à la recherche de discriminants sociaux, générationnels, culturels qui éclairent la variété des engagements, leurs rythmes, leurs formes, leur nature. Elle fonde des approches typologiques et comparatives. Elle se présente comme une méthode d’histoire sociale qui s’éloignant du déterminisme, suit des pistes multiples suggérées par la confrontation informatique des données. Sa vocation est de rendre compte de la complexité des engagements et de découvrir des logiques inexplorées. La prosopographie n’est qu’une méthode de l’histoire sociale, pas une discipline ». ’Pour comprendre les logiques d’action des insurgés de 1851, il fallait « déconstruire » l’objet historique : le « démonter » d’abord en deux parties, puis le rassembler dans une troisième. Ainsi, la première partie, « Écrire l’histoire d’une insurrection de la Seconde République », distinguée en trois chapitres, met à plat l’écriture de l’histoire en exposant les récits et les sources disponibles. Cet inventaire historiographique présente d’abord un panorama des recherches antérieures sur le sujet (chapitre I) puis s’intéresse aux différentes façons dont l’histoire de l’insurrection de 1851 a été écrite en Ardèche (chapitre II). Cette écriture est marquée par son passé dont les différentes « strates archéologiques » devront être mises au jour » avant de terminer par un exposé méthodologique exposant les possibilités de pénétrer dans les rouages humains et géographiques de l’insurrection (chapitre III).
La seconde partie de cette thèse aborde les différents facteurs et variables qui auraient permis la genèse de l’insurrection « ici et pas ailleurs ». Il s’agirait donc de la recherche des « fondements » d’une insurrection en remontant « le courant vers la source » 83 . Nous avons bien conscience que cette méthode rétrospective abordant l’histoire à rebours peut paraître singulière et présenter des biais dans le domaine de la recherche, mais le sujet de la thèse implique la démarche et cette approche, somme toute classique, repose sur le postulat que la mobilisation dans l’action n’est que l’épiphénomène d’une accumulation de griefs antérieurs, rendue possible dans des lieux fortement marqués par une conscience historique 84 ou dans lesquels les sociétés secrètes étaient bien implantées. C’est dans cette partie critique qu’il faudra expliquer les concepts historiques manipulés dans cette étude en tentant de définir ce que représente la République (chapitre IV), cette « insaisissable chose publique », tout en réfléchissant au « comment peut-on mourir pour des idées ? » (Chapitre V). De cette dernière interrogation, il resta un reliquat que Pierre Rosanvallon définirait comme « l’énigme du politique » 85 et que nous avons tenté de résoudre dans la troisième partie en appréhendant la solution dans « l’examen des contingences ordinaires, toujours enveloppés dans la gangue des événements » 86 .
Cette troisième partie, clé de voûte de notre thèse, est à « l’échelle humaine » car elle met en scène des « itinéraires de vie de résistants républicains » illustrés sous la forme de biographies de personnages sélectionnés dans un corpus des « défenseurs de la République » constitué, à l’origine, de plus d’un millier de noms. C’est conscient des nombreux biais qui peuvent entraver cette entrée dans l’histoire et en sachant bien, pour reprendre les termes mêmes de Michel Dobry, que « les mobilisations ne se réalisent pas nécessairement, loin de là, autour d’enjeux, d’objectifs ou de perspectives stratégiques identiques pour tous les acteurs ou segments sociaux mobilisés » 87 , que nous avons pris le risque biographique pour dégager comment des destinées individuelles d’insurgés s’enracinent dans une « atmosphère » historique.
Pour établir ces biographies, il a fallu « opérationnaliser » le corpus initial dont la méthode de reconstitution a été expliquée au chapitre III (partie A). Il fallait affiner ce concept de « défenseurs de la République » en l’organisant sous la forme de sept catégories correspondant chacune à un « profil » d’insurgé. (Partie B I). Nous préférons employer le terme « profil » plutôt que celui de « typologie » afin de ne pas enfermer les composantes de notre corpus dans des catégorisations standardisées correspondantes à un idéal-type défini a priori par des critères structuraux : l’âge, la profession, la résidence, la fortune, la religion. Pour recourir à une image, on pourrait dire que l’établissement d’un « profil » se fait sur du « sur-mesure » alors que la typologie correspond à du « prêt-à-porter » qu’il faut souvent retoucher pour correspondre aux mensurations de la personne. Ainsi, un individu ne reste pas prisonnier d’un idéal-type et il pourra au gré de la contingence des événements et de son histoire personnelle changer de profil. Bien évidemment, pour ne pas en rester à la simple description idiographique, il était nécessaire de donner un « sens » aux informations recueillies dans les fiches nominatives. C’est pourquoi, après avoir défini les caractéristiques générales de chacun de ces sept profils au cours d’une « étude sociologique » (partie B II), la validité théorique de ces modèles est testée à l’échelle du village de Saint-Lager-Bressac afin d’en observer les variations (partie B III). La thèse se termine par une « galerie de portraits » (partie C) dans laquelle les biographies retenues « racontent » un profil observé à travers un filtre, soit une grille d’analyse commune donnant de la cohérence à l’ensemble de ces « histoires de vie ». Pour permettre cette mise en récit, les fichiers nominatifs seront filtrés par le concept de « la reconnaissance sociale » 88 . En suivant le philosophe allemand Axel Honneth, on peut admettre que « la possibilité d’une relation harmonieuse à soi-même dépend de trois formes de reconnaissance (amour, droit, estime sociale) » 89 et que « […] l’expérience de la reconnaissance est un facteur constitutif de l’être humain : pour parvenir à une relation réussie à soi, celui-ci a besoin d’une reconnaissance intersubjective de ses capacités et de ses prestations ; […] » 90 . L’observation des comportements à travers ce filtre de « la reconnaissance » permettrait donc de proposer de nouvelles analyses expliquant l’implication des insurgés de Décembre 1851.
Cette nouvelle approche avec ce « nouveau regard » donnerait-elle forme à une nouvelle « histoire politique » 91 ? Elle va jusqu’au bout de la démarche d’histoire sociale compréhensive héritée de Philippe Vigier 92 et se situe dans le prolongement des analyses culturelles et sociopsychologiques de Maurice Agulhon. Tous les « ingrédients » sont réunis : un répertoire de noms d’insurgés constitué au regard des archives de la répression mais qui doit être étoffé par une investigation dans les archives nominatives afin de « saturer » les fichiers d’informations. Le choix d’une démarche micro-historique s’imposait ici pour se dégager des représentations qui restent solidaires des modèles d’interprétation d’un phénomène historique, ces « strates archéologiques » formant structures et qui « à vivre longtemps, deviennent des éléments stables d’une infinité de générations » pour reprendre l’expression de Fernand Braudel dans la préface de la Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II. Le choix de la micro-histoire pour éviter l’écueil de la généralisation induit par l’article : « les » réifiant un groupe: « les protestants et les catholiques », « les paysans »… Non pas « les » mais des acteurs d’une histoire sociale que nous voulions dissocier d’un terme générique trop réducteur en accord avec l’analyse synthétique faite par Maurizio Gribaudi :
‘« Au-delà des oppositions d’échelle ressort donc, plutôt, le problème des différentes rhétoriques démonstratives propres à deux approches qui restent fondamentalement irréductibles l’une à l’autre. L’approche macro-sociologique est déductive, et elle spécifie ses preuves à partir d’un modèle global. De ce point de vue, la construction causale est principalement fournie par les catégories exprimées par le modèle. Les données empiriques introduites dans celui-ci ont une fonction qui est essentiellement d’illustration, à travers une série d’opérations rhétoriques et/ou statistiques de typologisation. L’approche micro-sociologique, inductive, individualise des mécanismes et les généralise à travers les sources. Ici, la construction causale n’est pas donnée par avance mais elle est reconstituée à travers les sources qui imprègnent l’objet. La rhétorique est de type génératif. Les données empiriques constituent le matériau brut qui doit permettre d’individualiser des mécanismes et des fonctionnements sociaux qui se trouvent au-delà de l’objet et des catégories historiographiques qui l’informent. […] l’approche macro-sociale reste totalement solidaire des représentations qui marquent de leur empreinte les objets soumis à l’analyse » 93 . ’Il ne s’agit pas à proprement parler d’une rupture historiographique mais cette « nouvelle histoire sociale du politique » associant archives qualitatives et archives nominatives est à la recherche d’un nouveau paradigme 94 permettant d’interpréter l’action de ces « vaincus » du coup d’État.
Monument inauguré en septembre 1910, la statue est déboulonnée en janvier 1942. Une réplique de cette première œuvre est remise en place en décembre 1991. Voir Robert SERRE, 1851. Dix mille Drômois se révoltent, Éditions Peuple Libre/Notre Temps, 2003, pp 342-354. Voir en annexes, photographie p 268.
Alain GARRIGOU, « Mourir pour des idées. Les récits de la mort d’Alphonse Baudin », dans Actes du colloque de Lyon du 30 novembre au 2 décembre 2001, Comment meurt une République ? Autour du 2 Décembre, Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, Éditions Créaphis, 2004, pp. 75-87.
Victor HUGO, Les Châtiments, VII, XVII, Ultima Verba, Flammarion, Paris, 1998, (1ère édition : 1853 à Bruxelles), p 344.
Article 48 de la constitution de 1848 : avant d’entrer en fonction le président de la République prête au sein de l’Assemblée le serment suivant : « en présence de Dieu et devant le peuple français représenté par l’Assemblée législative, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution ».
Article 68 de la constitution de 1848 : « Toute mesure par laquelle le président dissout l’Assemblée, la proroge ou met obstacle à l’exercice de son mandat est un crime de haute trahison. Par ce seul fait le président est déchu de ses fonctions, les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance, le pouvoir exécutif passe de plein droit à l’Assemblée ».
Armand FRÉMONT, La région, espace vécu, PUF, Paris, 1976.
Jacques REVEL, « Micro-analyse et construction du social » dans Jacques REVEL [dir.], Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Gallimard, Le Seuil, 1996, p 23.
Voir par exemple sur le site Internet de l’Association 1851 pour la mémoire des Résistances républicaines, http://www.1851.fr/.
Paul VEYNE, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1996, troisième édition, [1ère édition « L’Univers historique », 1971], p 295.
Jean-Claude CARON, L’été rouge. Chronique de la révolte populaire en France (1841), Aubier, 2002.
Jean-Claude CARON, idem, p. 211.
« Les risques du métier. Engagements problématiques en sciences sociales. Partie 1 », Cultures & Conflits, n°47 3/2002 pp. 15-48.
Pour lire un récit de vie très détaillé du parcours social, politique et intellectuel d’un chercheur, lire l’autobiographie présentant la trajectoire socio idéologique de Vincent de GAULEJAC : « S’autoriser à penser ». Consultable en ligne : http://www.vincentdegaulejac.com/choix.php. Voir aussi Peter McPHEE, « La seconde République et la résistance au coup d’État de 1851 dans les Pyrénées-Orientales : vues de près et de loin, et d’Elne », dans Marie GRAU et Olivier POISSON, Elne, ville et territoire. L’historien et l’archéologue dans sa cité. Hommage à Roger Grau – Elna, ciutat i territori. L’historiador i l’arqueòleg en la seua ciutat. Homenatge a Roger Grau, Actes de la deuxième Rencontre d’Histoire et d’Archéologie d’Elne, Elne, collège Paul Langevin, 30, 31 octobre et 1er novembre 1999, Société des amis d’Illibéris, Elne, 2003, pp. 459-470.
Comme le font justement remarquer Raymond Boudon et François Bourricaud dans l’article « Objectivité » du Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, Quadrige PUF, juillet 2002, (1ère édition 1982), p 428.
MARROU Henri-Irénée, De la connaissance historique, Seuil, 1954. Cité par Antoine PROST, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 1996, p. 97.
Mémoire de maîtrise sous la direction de Jean-Marie GUILLON, Université Aix-Marseille I, 1995.
En s’inscrivant dans ce qu’écrit Maurice Agulhon : « Le terme de “République” en France évoque bien davantage qu’un système juridique; il recouvre un ensemble complexe de valeurs et il constitue pour longtemps un enjeu d’interprétations opposées et de passions rivales ». Cité dans La République 1880-1932, tome 1, Hachette, 1990, p 8.
René RÉMOND [dir.], Pour une histoire politique, FNSP, 1988. Pierre ROSANVALLON, « Pour une histoire conceptuelle du politique », Revue de synthèse, n°1, 1986. Jean-François SIRINELLI, «De la demeure à l’agora. Pour une histoire culturelle du politique», dans Serge BERSTEIN et Pierre MILZA [dir.], Axes et méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998.
Gilles PÉCOUT, « la politisation des paysans au XIXe siècle. Réflexions sur l’histoire politique des campagnes françaises », Histoire et sociétés rurales, n°2, 1994, p. 97.
André SIEGFRIED, Géographie électorale de l’Ardèche sous la III e République, Paris, Armand Colin, 1949.
Philippe VIGIER, La Seconde République dans la région alpine, PUF, 2 tomes, 1963, 328 p et 534 p.
Maurice AGULHON, La République au village (les populations du Var de la Révolution à la Seconde république), Paris, Plon, 1970, 543 p.
Jean-Luc MAYAUD, Les Secondes Républiques du Doubs, Paris, les Belles‑Lettres, 1986, 475 p.
Laurent Le Gall rappelle que la politique des paysans a souvent été vue d’une manière essentialiste ou relativiste lorsque la politique est définie a maxima comme un système de valeurs, de normes et de références faisant partie intégrante du quotidien des ruraux prêts à le promouvoir ou à le défendre et a minima « comme une (ré)invention de l’utopie démocratique du XVIIIe siècle et un répertoire d’idées et d’actions à vocation plus ou moins universelle dont la Révolution française aurait constitué le premier laboratoire », Laurent LE GALL, « Des processus de politisation dans les campagnes françaises (1830-1914), dans Jean-Claude CARON et Frédéric CHAUVAUD [dir.], Les campagnes dans les sociétés européennes, France, Allemagne, Espagne, Italie (1830-1930), PUR, 2005, pp. 106-107.
Pour Raymond Huard, il n’y aurait pas une spécificité du politique, « La définition même du politique est donc à chaque moment un enjeu de la lutte politique et du combat d’idées » dans Raymond HUARD, Le mouvement républicain en Bas-Languedoc, déjà cité, p. 443. Pour Pierre Rosanvallon, « le politique correspond à la fois à un champ et à un travail. Comme champ, il désigne le lieu où se nouent les multiples fils de la vie des hommes et des femmes, celui qui donne son cadre d’ensemble à leurs discours et à leurs actions. Il renvoie au fait de l’existence d’une « société » qui apparaît aux yeux de ses membres comme formant un tout qui fait sens. En tant que travail, le politique qualifie le processus par lequel un groupement humain, qui ne compose en lui-même qu’une simple « population » prend progressivement le visage d’une vraie communauté. Il est de la sorte constitué par le processus toujours litigieux d’élaboration des règles explicites ou implicites du participable et du partageable qui donnent forment à la vie de la cité » dans Pierre ROSANVALLON, Pour une histoire conceptuelle du politique, déjà cité, p. 12.
Laurent LE GALL, ibidem. Jean-Luc Mayaud rappelle qu’il « n’y a de “haut” et de “bas” que tant que les acteurs du champ concerné valident par leurs actes cette représentation », dans Jean-Luc MAYAUD et RAPHAEL Lutz [dir.], l’Histoire de l’Europe rurale contemporaine. Du village à l’État, Armand Colin, 2006, note 10, p. 6. A titre d’exemple, on peut citer les effets du Code forestier de 1827 et de la loi sur la chasse de 1844. Voir sur ces sujets Christian ESTÈVE, « Liberté et droit de chasse : au cœur ou en marge de l’insurrection de 1851 ? », dans Comment meurt une République ? Autour du 2 Décembre, déjà cité, pp. 327-348.
Christine GUIONNET, L’apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la Monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997, 328 p. A travers l’étude du contentieux des élections municipales sous la Monarchie de Juillet, Christine Guionnet propose une autre vision du processus de politisation des campagnes. Voir le compte rendu du livre de Laurent LE GALL dans Ruralia, n°4, 1999, p. 196-199.
Maurice AGULHON, « Présentation », dans La politisation des campagnes au XIX e siècle, ouv. cité, p. 8. « Si l’on admet que la vraie politisation c’est la substitution de conceptions modernes, libérales, individualistes aux conceptions communautaristes traditionnelles, si l’on admet d’autre part que les premières étaient celles de l’État bourgeois légiférant tandis que les secondes étaient les plus répandues chez les paysans, alors l’idée selon laquelle la conception moderne du politique aurait opéré la trop fameuse “descente” n’est pas vraiment une absurdité ».
Natalie PETITEAU, « Les rapports au national dans la vie sociale et politique des campagnes durant le premier XIXe siècle », dans Jean-Claude CARON et Frédéric CHAUVAUD [dir.], Les campagnes dans les sociétés européennes, déjà cité.
Jean-Luc MAYAUD, « Pour une communalisation de l’histoire rurale », dans Actes du Colloque international de l’École française de Rome. Rome, 20-22 février 1997, La politisation des campagnes au XIXe siècle. France, Italie, Espagne, Portugal, Collection de l’École française de Rome, 2000, p. 167.
Jean RÉGNÉ, La pénétration des idées nouvelles en Ardèche au début de la monarchie de Juillet 1830-1836, , Comité des travaux historiques et scientifiques du Ministère de l’EN. Tome XXII. Hartmann Paris, 1935, 31 p. Selon Suzanne BERGER cet aspect correspondrait à l’une des trois phrases du processus de politisation des campagnes , Les paysans contre la politique, Paris, Le Seuil, 1975, 352 p (1ère édition 1972, Peasants against Politics). Voir aussi Gilles PÉCOUT, « la politisation des paysans au XIXe siècle. Réflexions sur l’histoire politique des campagnes françaises », Histoire et sociétés rurales, n°2, 1994, pp. 91-125.
Lutz RAPHAEL, « “L’État dans les villages” : administration et politique dans les sociétés rurales allemandes, françaises et italiennes de l’époque napoléonienne à la Seconde Guerre mondiale », dans MAYAUD Jean-Luc et RAPHAEL Lutz [dir.], Histoire de l'Europe rurale…, déjà cité, pp. 250-251.
Ce fut cette motivation qui me décida à intégrer l’équipe de recherche du LER-SEREC de l’Université Lyon-II, sous la direction de Jean-Luc Mayaud. L’Institut d’études rurales-SEREC créé en 2003 et dirigé par Jean-Luc Mayaud est reconnu par le ministère et rassemble des enseignants-chercheurs de l’Université Lyon-II et de l’Institut supérieur d’agriculture Rhône-Alpes (ISARA). Cette équipe pluridisciplinaire composée d’historiens, de géographes, de sociologues, d’anthropologues, d’économistes et d’agronomes travaille sur le rural contemporain, embrassé du XIXe au XXIe siècle, http://www.univ-lyon2.fr/KSLAB_SEREC/0/fiche___laboratoire/
Arch. dép. Ardèche 5M 20. « Situation exacte des individus qui ont fait l’objet des décisions de la Commission mixte du département ». En France, selon le registre des statistiques de la répression de l’insurrection de décembre 1851 conservé aux Archives nationales dans la série BB 30, 26 884 individus ont été arrêtés ou poursuivis.
Maurice AGULHON, « Appendice. Statistique de la répression de l’insurrection de décembre 1851 ». Arch. nat. BB30 424, dans 1848 ou l’apprentissage de la république, Seuil, Histoire, 1973, p 236.
Les doctorants travaillant spécifiquement sur le politique au XIXe siècle avec qui j’avais confronté mes points de vue méthodologiques. Citons par exemple Gaëlle CHARCOSSET, doctorante, Maires et conseillers municipaux dans les campagnes du Rhône, XIX e -1ère moitié du XXe siècle,Laurent LE GALL : L’Électeur en campagne. Une Seconde République dans le Finistère, thèse de doctorat en histoire contemporaine réalisée sous la direction de Jean-Luc Mayaud, Université Lumière-Lyon II, 2004.
Voir 1848, nouveaux regards‑ Revue d’Histoire du XIXe siècle, n°15, 1997/2.
Selon l’expression de Jean-Luc MAYAUD, professeur d’histoire contemporaine à l’université Lumière-Lyon II lors de la journée d’études du 3 février 1999 Paysans et pouvoir local : le temps des révolutions, direction Christine PEYRARD, Université de Provence, MMSH.
Jacques Rougerie avait déjà tenté l’expérience en 1964, en utilisant le procès des Communards. S’appuyant sur le rapport d’une autorité militaire : « le Rapport du Général Appert », il s’attachait à définir les caractéristiques sociologiques de l’insurgé de 1871 : nombre, âge, origine, profession, antécédents judiciaires. Jacques ROUGERIE, Procès des Communards, Archives Julliard, 1964, 258p, pp. 125-134. Plus récemment, Frédéric Négrel, dans un mémoire de maîtrise, tentait de mettre au jour la « personnalité de ruraux qui un jour de décembre ont pris les armes pour défendre la République ». Frédéric NÉGREL, Clandestinité et réseau républicain dans le Haut-Var. La société secrète montagnarde d'Artignosc (1849-1851), Mémoire de maîtrise sous la direction de Jean-Marie Guillon, Université d’Aix-en-Provence, 2000, édition Aix, Gemenos, 2001, 320 p. Louis HINCKER, dans sa thèse, s’intéressa à 159 insurgés parisiens sous la Seconde République : HINCKER Louis, Être insurgé et être citoyen à Paris durant la Seconde République, thèse pour obtenir le grade de docteur de l’Université de Paris I, sous la direction d’Alain CORBIN, 2003, trois tomes, 947 p.
Soit l’ensemble des représentations qui soude un groupe humain. RIOUX Jean-Pierre et SIRINELLI Jean-François [dir.], Pour une histoire culturelle, Paris, Éditions du Seuil, 1997.
Jacques DUPÂQUIER, « Pour une nouvelle histoire sociale » dans Jacques DUPÂQUIER et Denis KESSLER, [dir.], La société française au XIX e siècle. Tradition, transition, transformations, Fayard, 1992, p 11.
Adeline DAUMARD, Les fortunes françaises au XIX e siècle. Enquête sur la répartition et la composition des capitaux privés à Paris, Lyon, Lille, Bordeaux et Toulouse d’après l’enregistrement des déclarations de succession, Paris, Mouton, La Haye, 1973, 599 p.
Jacques DUPÂQUIER, Denis KESSLER, [dir.], La société française au XIX e siècle…, déjà cité, p 10.
Voir Michel FLEURY et Louis HENRY et la technique de reconstitution des familles dans Manuel de dépouillement et d’exploitation de l'état civil ancien, 1956. (2ème édition revue et complétée en 1976).
Jérôme BOURDIEU, Gilles POSTEL-VINAY, Akiko SUWA-EISENMANN, « Défense et illustration de l’enquête des 3 000 familles. L’exemple de son volet patrimonial ». www.inra.fr/Internet/Departements/ ESR/UR/lea/equipe/suwa/suwa.htm, avril 2004, INRA.
Membre de la Fédération Paris‑Jourdan qui regroupe le Centre d’Enseignement et de Recherche en Analyse Socioéconomique de l’École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC-CERAS) ; le Département Et Laboratoire d’économie Théorique et Appliquée (DELTA Direction Thierry Verdier depuis juin 2000), unité mixte de recherche placée sous la triple tutelle du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l'École normale supérieure (ENS) et de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; le Laboratoire d’Economie Appliquée (LEA, direction : Akiko Suwa‑Eisenmann), unité de recherches du Département d'économie et sociologie rurales de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) ; le Laboratoire de Sciences Sociales de l’ENS ; les deux Unités de Recherche Associées du Centre d’Etudes Prospectives et d’Économie Mathématique Appliquée à la Planification (CEPREMAP) rattachées au Commissariat Général du Plan (CGP).
Recherche lancée en 1985 sous la direction de Denis Kessler par le CNRS et l’Université Paris-X Nanterre puis reprise en 1997 par le Laboratoire d’Economie Appliquée (LEA) de l’École Normale Supérieure sous la direction de Gilles Postel-Vinay (INRA et EHESS), Akiko Suwa-Eisenmann (LEA-Delta), Jérôme Bourdieu (LEA).
Responsable : Paul-André ROSENTAL
Christophe CHARLE« Pour une prosopographie comparée » dans Mémoire Vive, n°7. http://panoramix.univ-paris1.fr/UFR09/memvive/memvive.htm. Mémoire vive est le bulletin de l'Association française pour l’histoire et l’informatique.
Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS), « Bulletin des Sociétés Savantes », n°9 mars 2004, http://www.cths.fr.
: http://socio.ens-Ish.fr/recherche_grs.php.
La formulation scientifique de la problématique sociologique se décline ainsi : « C'est l’intérêt sociologique des variations inter-individuelles et intra-individuelles qu’une partie des recherches de cet axe tente de mettre en évidence dans le cadre d’une théorie de l’action fondée sur une sociologie de la pluralité dispositionnelle (la socialisation passée est plus ou moins hétérogène et donne lieu à des dispositions hétérogènes et parfois même contradictoires) et contextuelle (les contextes d’actualisation des dispositions sont variés) ». GRS. Présentation sur le site Internet, idem.
La doctorante tente d’expliquer « pourquoi deux intellectuels, professeurs de philosophie issus de l’École normale supérieure, se sont engagés dans la résistance active dès 1940 alors que la majorité de leur génération ne le fit pas ou bien pas dans ces conditions, certains intellectuels choisissant plutôt la résistance littéraire ».
Jean-Marc OLIVIER, « Société rurale et industrialisation douce : Morez (Jura), 1780-1914 » dans Ruralia, 1998‑03. Société rurale et industrialisation douce : Morez (Jura), 1780-1914. Thèse de doctorat en histoire sous la direction de Claude-Isabelle Brelot, Université Lumière-Lyon 2, 2 volumes, 668 f°, 14 décembre 1998.
Jon Elster objecte qu’étant donné « la difficulté de sonder les cœurs d’un grand nombre d’individus, surtout quand il s’agit du passé, il vaut mieux en rester au niveau macrosociologique que s’exposer au risque de réductionnisme prématuré » dans Jon ELSTER, « « Marxisme et individualisme méthodologique » dans Pierre BIRNBAUM et Jean LECA, Sur l’individualisme, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1986, p 71.) Citons aussi par exemple les réflexions de Jean Maitron pour qui « l’essence de l’homme demeure aussi inconnaissable au scalpel de l’historien qu’à celui du chirurgien ». De plus, « Le militant est-il connaissable, j’entends en profondeur et est-il raisonnable de vouloir sonder les reins et les cœurs ? », dans Jean MAITRON, « Le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier français », Quelques textes de Jean Maitron < http://biosoc.univ-paris1.fr/maitron/Auteurs/txtmait.htm>. 2004). Il y a d’autres risques que nous évoquerons succinctement ici : la construction de la base de données nominative et l’utilisation du corpus lors du passage à l’écriture.
Paul RICŒUR, Temps et Récit, Éditions du Seuil, 3 tomes, 1983, 1984, 1985.
Claude PENNETIER, « Singulier Pluriel » dans Serge WOLIKOW [Dir.], Écrire des vies. Biographies et mouvement ouvrier. XIX e -XX e siècles, Territoires Contemporains, Cahier de l’IHC, n°1, Éditions universitaires de Dijon, 1994, p. 40.
Jacques ROUGERIE, idem, titre du chapitre 2 : « Les accusés parlent », pp. 61-134.
Interrogatoire de François Godin, marchand fruitier, cité dans Jacques ROUGERIE, idem, p 101.
Par exemple File Maker Pro 3 pour la construction d’une base de données nominative et Heredis Pro pour la gestion des fichiers généalogiques. Des exemples de réalisation de ces fiches sont donnés en annexes, p. 233.
Voir par exemple la liste des condamnés de 1851 publiée dans Guy-Jean ARCHÉ, L’espoir au cœur, l’insurrection de 1851 en Drôme‑Ardèche. Curandera, 1981. « Statistiques pour servir à l’histoire de l’insurrection de 1851 », p 139. Ainsi, Eugène Platarès devient « Plavarès », Laurent Chaussadent : « Chaunadant », Fargier : « Fargin »…
En 1982, Joël CORNETTE s’est attaché à reconstituer la vie d’un négociant bordelais, Bernard Lacombe (1759-1819), à partir de l’étude de ses registres de correspondance commerciale. Voyage au pays des intérêts privés. La correspondance de Bernard Lacombe “propriétaire et négociant” à Gaillac : 1783-1819.Essai de biographie, Ecole des hautes études en sciences sociales, 1982. Les conclusions de cette thèse sont reprises dans un livre publié en 1986 : Un révolutionnaire ordinaire. Benoît Lacombe, négociant 1759 – 1819, Champ Vallon 1986, 430 pages. Cité par Thomas Bouchet et Jean Vigreux, « La biographie en histoire : l’individu en général, le militant en particulier », art cité, p.20.
Bertolt BRECHT, Histoire d’almanach, 1953. « Qui a bâti Thèbes, la ville-aux-sept-portes ?/Dans les livres on lit les noms des rois, / Les rois ont-ils eux-mêmes charrié les pierres de taille ?/ Alexandre conquit les Indes, / Tout seul ?/ César vainquit les Gaulois, / N'avait-il pas au moins un cuisinier avec lui ? ».
Thomas BOUCHET et Jean VIGREUX, « La biographie en histoire : l’individu en général, le militant en particulier » dans Serge WOLIKOW [Dir.], Écrire des vies. Biographies et mouvement ouvrier. XIX e -XX e siècles, Territoires Contemporains, Cahier de l’IHC, n°1, Éditions universitaires de Dijon, 1994, pp. 15-31.
Journée d’étude du samedi 13 novembre 1999 organisée au centre Mahler par Louis HINCKER, précédemment cité.
Thomas BOUCHET, « Tout Savoir ? » dans Réflexions sur les sources écrites de la “biographie politique”, ouv. cité.
Thomas BOUCHET, idem, pp. 204-205.
Jacques DUPÂQUIER, ouv. cité, p 10. « On ne reconstruit pas l’histoire sociale à partir d’exemples squelettiques ; quelques dizaines d’ouvriers ne font pas le printemps d’une histoire ouvrière », idem p 49.
Giovanni LEVI, « Les usages de la biographie », Annales ESC, novembre-décembre 1989, n°6, pp. 1325-1336. (Article traduit par Olivier Christin).
Giovanni LEVI, idem, p. 1326
Giovanni LEVI, ibidem. Il s’inquiétait aussi de la représentativité du genre : « Ce type de biographie sert à illustrer des formes typiques de comportement ou de statut [et] présente bien des analogies avec la prosopographie : de fait, la biographie n’y est pas celle d’une personne singulière, mais plutôt celle d’un individu qui concentre toutes les caractéristiques d’un groupe », Giovanni LEVI, idem, p. 1330.
Pierre BOURDIEU, « Un acte désintéressé est-il possible ?», dans Raisons Pratiques. Sur la théorie de l’action, Éditions du Seuil, 1994, p 81.
Pierre BOURDIEU, ibidem.
Paul RICŒUR, Temps et Récit. 3. Le temps raconté, Éditions du Seuil, p 252.
Paul RICŒUR, ibidem.
Paul RICŒUR, Temps et Récit. 1. L’intrigue et le récit historique, Éditions du Seuil, février 1983, p. 280.
Vincent de GAULEJAC, « S’autoriser à penser », déjà cité.
Jacques Le GOFF, idem, p. 14.
Claude PENNETIER, « Singulier-pluriel : la biographie se cherche… » art. cité p. 36.
Claude PENNETIER, « Singulier-pluriel : la biographie se cherche. L’exemple de l’histoire ouvrière » dans Serge WOLIKOW [Dir.], Écrire des vies. Biographies et mouvement ouvrier. XIX e -XX e siècles, Territoires Contemporains, Cahier de l’IHC, n°1, Éditions universitaires de Dijon, 1994, p. 38.
Selon l’expression de Georges LEFEBVRE « Foules révolutionnaires » dans Annales historiques de la Révolution française, 1934. Expression reprise par Louis HINCKER dans son article « La politisation des milieux populaires en France au XIXe siècle », Revue d’Histoire du XIXe siècle, n°14, 1997, p. 91.
Selon Pierre GAUDIN et Claire REVERCHON, dans la Drôme, « la tradition de défiance, de clandestinité face au pouvoir est d’ailleurs une tradition de comportement fortement ancrée dans les populations de ce département, qui compte une forte minorité protestante persécutée avant la Révolution » dans « L’invention d’une tradition républicaine : la séquence 1848-1851 dans le département de la Drôme, Cahiers d’histoire, tome 43, n°2, p. 331. Voir aussi Pierre GAUDIN et Claire REVERCHON, « L’événement dans le légendaire historique : l’exemple de la résistance au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte dans la Drôme », dans L'événement, Actes du colloque organisé à Aix-en-Provence par le Centre méridional d'histoire sociale en septembre 1983, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1986.
Pierre ROSANVALLON, Pour une histoire conceptuelle du politique, ouv. cité, p. 20.
Pierre ROSANVALLON, ibidem.
Michel DOBRY, Sociologie des crises politiques, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1992, (1ère édition : 1986), 319 p, p. 31.
HONNETH Axel, La lutte pour la reconnaissance, Cerf, 2002 pour la traduction française, [1ère édition 1992], 232 p.
HONNETH Axel, idem, p. 8.
HONNETH Axel, idem, p. 166. Philippe Vigier l’avait exprimé d’une autre manière en notant dans l’introduction de sa thèse : « C’est presque toujours par rapport au voisin que se définit l’homme et surtout les hommes », dans Philippe VIGIER, La Seconde République dans la Région alpine, vol I, déjà cité, p 9.
« Le politique, c’est la chose la plus concrète à quoi chacun se heurte dans la vie, qui interfère avec son activité professionnelle ou s’immisce dans sa vie privée », René RÉMOND [dir.], Pour une histoire politique, déjà cité. Pierre ROSANVALLON souhaite « percer l’énigme du politique » dans Pour une histoire conceptuelle du politique, déjà cité, p. 20. Le politique c’est « une modalité d’existence de la vie commune et une forme de l’action collective », idem, p. 12-14.
Philippe VIGIER, La Seconde République dans la région alpine, déjà cité. Il définissait les grandes lignes de cette démarche dans l’introduction de sa thèse : « C’est une évolution que nous voulons décrire dans la mesure du possible. Il ne s’agit pas de faire de la géographie électorale proprement dite, et notre principal but n’est pas non plus de dégager les “structures sociales” ou les “constantes politiques” de la Région alpine. Notre démarche est même inverse : constantes politiques (dans la mesure où elles existent) et structures sociales (à supposer que cette courte période de quatre années nous permette de les dégager) ne nous intéressent que parce qu’elles nous aident à mieux comprendre la conjoncture, dont l’étude – parce qu’elle présente un particulier intérêt à cette époque et dans cette région – reste notre préoccupation fondamentale », dans Philippe VIGIER, idem, p. 12.
Maurizio GRIBAUDI, « Échelle, pertinence configuration », dans Jacques REVEL [dir.], Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Gallimard, Le Seuil, 1996, 243 p, p. 114.
Paradigme pris dans son sens philosophique : « ce que l’on montre à titre d’exemple, ce à quoi on se réfère comme à ce qui exemplifie une règle et peut donc servir de modèle ». Encyclopædia Universalis, Dictionnaire de la Philosophie, Albin Michel, 2000, p. 1347.