3°) Événement, archives et « logique du probable » : Décembre 1851 en Ardèche  371 , essai de reconstitution  372

Essayons, plus de cinquante ans après Élie Reynier, d’écrire une histoire reconstituée selon « une logique du probable » car les traces utilisées pour la mise en intrigue de cette histoire ne sont que les empreintes laissées par les individus, les indices d’un passé jamais vécu, de moments jamais ressentis. Que pourra-t-on savoir du sentiment qui habitait ces hommes marchant dans les nuits froides de décembre ? De même, en changeant le lieu et l’heure, la phrase de Georges Duby du Dimanche de Bouvines pourrait être reproduite in extenso : « nul n’a jamais perçu, nul ne percevra jamais dans sa vérité totale, ce tourbillon de mille actes enchevêtrés qui, dans la plaine [du Lac]a, se mêlèrent inextricablement ce jour-là, entre [19 h et minuit]b  373 .

Il s’agit donc là d’un nouvel essai de reconstitution des événements ardéchois consécutifs au coup d’État parisien établi à partir des pièces d’archives conservées dans la série 5M des Archives départementales de l’Ardèche, la série BB30 et F15 des Archives nationales. Ce passage à l’écriture tient compte des réflexions de Jean-Claude Caron qui s’était intéressé aux émeutes anti-fiscales de « l’été rouge » 1841  374

‘« Les témoignages, les interrogatoires racontent-ils tous le même événement ou chacun est-il un événement en soi ? Autant de questions qui montrent la difficulté à saisir “l’irruption de la parole” pour reprendre la formule d’Arlette Farge, ou encore à distinguer le fait du discours sur le fait. Tout au plus ces récits permettent-ils d’appréhender la position (topographique, politique, sociale, morale) de leurs producteurs face à l’insurrection, de mettre en évidence les contradictions par rapport au compte-rendu “officiel” des faits, et de faire de ces différences entre les versions le cœur même de la construction historique de l’événement »  375 . ’

Le récit débute à Paris avant de se transposer en Ardèche pour mettre en lumière les temps forts de la prise de conscience événementielle. La mise en intrigue de ce récit nécessite parfois l’emploi d’artifices littéraires permettant soit de faire « rentrer » un personnage dans le récit selon le procédé du « parachutage » décrit précédemment ou soit de jeter un « pont » entre le « présent » de l’action « vécu » par un personnage et son passé. Ce choix assumé est dicté par la volonté de se démarquer d’une simple chronologie événementielle  376 présentant des faits bruts extraits des cartons d’archives et par la nécessité de « raconter » rapidement « l’insurrection du 2 Décembre en Ardèche ». Nous ne pouvons, bien sûr, pas nous arrêter à cette simple exposition des faits. Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, il nous faut « aller plus loin », chose que nous ferons ultérieurement avec le suivi nominatif des insurgés. Nous donnons simplement pour l’instant à lire une histoire dans la continuité de la postérité d’Élie Reynier, un essai livrant les acquis du récit événementiel qui sont plausibles.

Le 2 décembre 1851, au petit matin à Paris, Louis-Napoléon Bonaparte, anticipant l’échéance électorale présidentielle de 1852, passe à l’action et, par un coup d’État, révise à sa façon la constitution de la Seconde République. Soixante-dix-huit personnes sont arrêtées dont seize représentants de l’Assemblée nationale, « acte que la Constitution qualifiait de crime »  377 . L’armée investit la capitale et occupe les principaux points stratégiques. La population parisienne prend bientôt connaissance des affiches blanches placardées dans les rues de la capitale endormie. Il s’agit d’un message du président de la République qui justifie son coup de force contre l’Assemblée nationale devenue –selon ses termes- « un foyer de complots » menant inévitablement à « la guerre civile ». L’Assemblée nationale est donc dissoute, le suffrage universel masculin est rétabli par l’abrogation de la loi du 31 mai 1850  378 et le peuple français est appelé à se prononcer dans la deuxième quinzaine de décembre sur une ébauche de projet de constitution. Deux cent vingt députés « dont la plupart, sinon tous appartenaient à la droite »  379 , protestèrent symboliquement contre le coup d’État et sont emprisonnés sans résistance à Vincennes ou à la prison parisienne de Mazas. Louis Girard souligne que cette attitude eut de l’importance car « elle montra qu’en dehors d’une extrême-gauche aisément insurrectionnelle », la violation du droit constitutionnel pouvait être condamné sans en appeler à la révolution 380 .

Dans Paris, à l’initiative du Comité de résistance de la Montagne  381 , les premières barricades s’érigent au faubourg Saint-Antoine et font rapidement tache d’huile. Les rues de la capitale sont progressivement barrées. Le coup d’État, conduit jusqu’alors sans effusion de sang, sombre dans la violence. L’armée intervient et les premiers morts tombent fauchés par les balles à l’instar du député Baudin, abattu sur sa barricade, premier martyr de la République pour « vingt-cinq francs par jour ». Le 4, les barricades ayant pris de « graves proportions », le préfet de police, De Maupas estime qu’il est temps de faire donner « le bruit et l’effet du canon »  382 . Le mécanisme de l’engrenage de la violence est enclenché, la « guerre des villes » peut commencer. De Morny, le ministre de l’Intérieur, donne le feu vert aux 20 000 soldats pour réduire les barricades tenues par un millier de défenseurs républicains. Le canon et la mitraille en ont rapidement raison alors que les soldats stationnés sur les Grands Boulevards parisiens, soumis à la pression de la foule, ouvrent le feu sur les passants massés sur les trottoirs. On relève plusieurs dizaines de morts. Cette fusillade d’un quart d’heure « décourage définitivement les velléités de résistance d’un Paris terrorisé »  383 .

En Ardèche, le 2 décembre fut une journée ordinaire. Paulin Jacques, un jeune homme de 25 ans, voyageur représentant de commerce pour le compte de la maison veuve Coutelle de Nîmes, part en tournée dans les Cévennes. Ce même jour, Thomas Bonnaure, cultivateur de Saint-Sauveur-de-Cruzières se rend à Alès pour affaires. À Chomérac, le menuisier François Andréa a finalement retrouvé de l’embauche dans l’atelier de Toussaint Terrasse. A Saint-Lager-Bressac, il y a aussi de l’animation au château de Granoux. Monsieur le maire, comte de Jovyac, reçoit à déjeuner plusieurs personnalités dont le préfet Henri Chevreau et son frère Léon, son chef de cabinet. Dans les Souvenirs de Léon Chevreau, « la journée s’est passée gaiement »  384 et ce n’est que fort tard qu’ils sont rentrés à la préfecture. Vers 21 h, une estafette de gendarmerie pénètre dans la cour d’honneur de l’hôtel de la préfecture et monte dans les appartements du préfet pour lui remettre une dépêche télégraphique émanant du ministère de l’Intérieur. Il n’y avait plus de temps à perdre. A Paris, le prince-président avait décidé de passer à l’action et le préfet de l’Ardèche devait savoir « rester à la hauteur de son devoir »  385 . Une cellule de crise s’organise à la préfecture. Le préfet et son entourage exultent :

‘« C’était un vrai coup de foudre ! C’était le Rubicon franchi et la lutte pour la conservation sociale qui allait d’engager dans toute la France, comme nous la soutenions partiellement, depuis trois ans, dans l’Ardèche »  386 . ’

Le lendemain, 3 décembre, le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche fait état de cette fameuse dépêche télégraphique reçue la veille et datée du mardi 2 décembre, 8 h du matin :

‘« Le repos de la France était menacé par l’Assemblée, elle a été dissoute. Le président de la République fait un appel à la nation. Il maintient la république et met loyalement au pays le droit de décider de son sort. Le gouvernement vous donne tous les pouvoirs nécessaires pour assurer la tranquillité ». ’

Pour ceux qui ne peuvent pas lire le journal, la nouvelle officielle se répand assez lentement car les autorités civiles ou militaires doivent faire placarder dans les communes le décret de Louis-Napoléon Bonaparte faisant état de la dissolution de l’Assemblée et son « appel au peuple » reçus la veille et imprimés dans la nuit du 2 au 3. Si dans la Drôme cette annonce a provoqué des manifestations  387 , en Ardèche, à l’exception « des salons de la préfecture qui ne désemplissaient pas de visiteurs inquiets »  388 , la situation semble tranquille, en apparence. En fin de soirée, le préfet Henri Chevreau peut préparer son télégramme adressé au ministère de l’Intérieur : « 3/12, 22h, Privas. Les actes du gouvernement ont été bien accueillis »  389 . Illusion ou mauvaise appréciation de la situation locale ?

Dès les premières heures du matin du jeudi 4, certains villages dans les environs de Privas connaissent une sourde agitation. Ainsi à Saint-Vincent-de-Barrès, Joseph Duplan  390 , le garde champêtre, constate une certaine effervescence dans les ruelles du village. Intrigué, il entame vers les 3 h du matin une ronde de reconnaissance et son attention est attirée par la maison de l’instituteur Fialon encore éclairée à cette heure très matinale. Il s’approcha et perçut le murmure d’une conversation à plusieurs voix. Mais comme tout était calme dans le village endormi, Joseph Duplan retourna terminer sa nuit. Pas pour très longtemps d’ailleurs car, vers les cinq heurs du matin, il est réveillé par des bruits de pas et les voix de plusieurs personnes qui passent devant sa porte en discutant rapidement. Parmi les bribes de la conversation qui lui parviennent, il distingue nettement la phrase : « les nouvelles sont très bonnes ». Levé à la hâte, Joseph Duplan observe le groupe de ces promeneurs de l’aube et reconnaît l’instituteur Fialon, Claude Vezian surnommé Soulier et Alphonse Robert au moment où ils entrèrent dans la maison de Laurent Chaussedent, le cordonnier.

A Privas, jeudi est aussi le jour de marché et une fébrile agitation est perceptible. Les cabarets ne désemplissent pas, des éclats de conversations animées émergent du brouhaha ambiant et les esprits s’échauffent. Vers midi, la patrouille de la gendarmerie remarque un individu au comportement suspect. C’est vrai que Jean-Louis Marion a de quoi être nerveux. Le matin, vers les 10 h, il s’est rendu chez l’avocat Volsi Arnaud Coste pour lui signaler qu’il n’irait pas à Marsanne rencontrer Combier  391 . Cela faisait plus de 24 heures que cela le tracassait, depuis que Charles Varenne, le tailleur de pierres de Chomérac et Louis Coste, le fils aîné de l’huissier, étaient venus le trouver pour lui dire que Volsi Arnaud Coste voulait le rencontrer. Pourquoi s’était-il engagé à faire le trajet jusqu’à Marsanne ? Par crainte ou pour être tranquille ? Les paroles de Volsi Arnaud Coste tournaient dans sa tête :

‘« Il vous faut partir cette nuit pour Marsanne, vous y trouverez Combier avec Vialette, de Chomérac. Vous serez bien reçu à Marsanne, la femme de Combier est une républicaine dans la force du terme. Vous direz à Combier que sa place n’est pas dans la Drôme mais à Privas, qu’il faut qu’il vienne tout de suite »  392 . ’

Jean-Louis Marion s’interrogeait sur ce que pouvait bien faire le docteur Louis Jacques Vialette  393 avec Louis Alexandre Combier dans la Drôme ? Et puis, est-ce qu’ils étaient venus l’aider quand il était passé devant le conseil de guerre à Lyon, au mois d’août dernier ? Jean-Louis Marion se revoyait à la descente du vapeur au Pouzin en cette fin d’été 1851. Il était soulagé parce qu’il avait été acquitté de sa participation au complot de Lyon. De ses semaines de captivité, il lui restait toutefois une certaine amertume. Il observait ses compagnons d’infortune embarqués sur le même bateau : le cafetier Alcibiade Malleval, le fils Vacheresse et Jean Pierre Pinet, tous acquittés comme lui. Avec ses 56 ans, Jean Pierre Pinet commençait à accuser le poids des ans, cependant la prison n’avait pas entamé ses convictions. Pendant toute la durée de la navigation, de Lyon jusqu’à l’embarcadère du Pouzin, il était resté coiffé d’un chapeau noir mais, avant de débarquer, il avait retiré une casquette rouge de sa malle et s’en était coiffé en arrivant  394 . L’interpellation d’un gendarme  395 arracha peut-être Marion à ses pensées. Il fut conduit devant le maréchal des Logis de gendarmerie à Privas et c’est là qu’il se décida à parler. Son récit était tellement invraisemblable que les autorités doutèrent de la véracité de ses propos  396  : ainsi dans la soirée, des bandes armées composées de plusieurs centaines d’hommes en provenance de Chomérac et des environs devaient venir prendre d’assaut la préfecture, c’était tout bonnement incroyable. « Les ordres étaient arrivées et il fallait marcher ». Les ordres ? Mais quels ordres ?

Ce jeudi soir, quelques heures plus tôt, au col de l’Escrinet, une agitation inhabituelle troublait la quiétude des lieux. L’auberge relais de Victor Dusserre ne désemplissait pas. On a pu y croiser le médecin de Vals, Jean-Baptiste Vigouroux ; Jean-Baptiste Durand, serrurier au Pont-d’Aubenas qui allait acheter du fer au Pouzin en compagnie du pâtissier d’Aubenas, Benjamin Darnoux. Pour l’occasion, Jean-Baptiste Durand avait loué le matin même un cabriolet à quatre roues. Au moment de se séparer, Durand et Darnoux apprennent que le médecin Vigouroux à l’intention de descendre sur Privas. Pourquoi ne pas lui faire profiter du confort du cabriolet et poursuivre ainsi la conversation en rejoignant Privas ? Jean-Baptiste Vigouroux accepte, cela permettra aussi à son cheval de prendre un peu de repos dans la grange de l’auberge car la journée a été quelque peu éprouvante depuis son départ de Vals, très tôt dans la matinée. Il devait se rendre au chevet d’un jeune enfant malade à Saint-Andéol-de-Bourlenc dont la demeure est voisine de l’auberge de François Mazade  397 , aubergiste qu’il a croisé dans cette journée du 4. C’est entre « jour et nuit »  398 que l’équipage atteint la ville de Privas et nos trois voyageurs font une halte pour passer la nuit à l’hôtel tenu par Antoine Placide Chirouze  399 , un aubergiste connu pour ses opinions républicaines. A la nuit tombante, Jean-Baptiste Vigouroux quitte l’hôtel pour rencontrer l’avocat Volsi Arnaud Coste.

Nul ne pourra savoir qui le premier a donné l’ordre de mobilisation. Dans sa déposition, Jean-Louis Marion donne le nom de l’architecte de Privas, Jean Antoine Émile Nègre, 39 ans, originaire de Turin. Mais toujours est-il que c’est dans cette matinée du 4, dans les environs de Saint-Lager-Bressac, que des hommes se mobilisent, préviennent les voisins, parcourent les villages aux alentours et font savoir « que les ordres sont arrivés » et « qu’il faut partir ». Partir ? Pour quelles raisons ? Écoutons Daniel Merlin de Saint-Lager-Bressac :

‘« Aujourd’hui nous sommes tous frères, il faut tous partir et la préfecture doit être prise ce soir à 10 h 30. Nous allons nommer un président de la République et toutes les élections aux places seront faites par le petit peuple »  400 . ’

Jean-Pierre Bouix, cultivateur du hameau des Mottès à Saint-Lager-Bressac, a entendu dire qu’il fallait marcher « pour maintenir le bon ordre »  401 . Frédéric Argaud est allé à Privas dans l’après-midi. A son retour, il s’arrête dans le cabaret de Claude Avon à Chomérac et lui annonce « qu’il n’y avait point de gouvernement, ni maire, ni adjoint, que nous étions en révolution et que tout français devait prendre les armes pour défendre la République »  402 . Il fallait donc défendre la République contre un chef de l’État parjure à son serment prêté lors de son entrée en fonction trois ans plus tôt en décembre 1848. Le président de la République avait juré fidélité à la constitution républicaine, le peuple des campagnes devait donc « rétablir le bon ordre » comme l’autorisait le fameux article 68.

A Saint-Lager-Bressac, Léon Bérard, Jacques Fay et Jean Antoine Mouron se partagent la mission de transmettre les ordres de rassemblement  403 . Ils font le tour des habitations pour encourager les gens à se mobiliser et leur donner rendez-vous chez Bérard, au hameau de la Triolette. Une trentaine d’hommes vont écouter la réunion présidée par Louis Bérard et son fils Léon, assistés de Jean Antoine Mouron, Daniel Merlin et Jacques Puaux. Parmi l’assistance, on remarque d’anciens membres du conseil municipal. L’attente se prolonge. On tue le temps en buvant du vin et en mangeant des noix. Puis le jour déclinant, la distribution du matériel de combat commence : la poudre, les cartouches, les capsules d’amorce. A ce moment, on devine que l’affrontement avec les autorités militaires risque d’être meurtrier. Parmi tous ceux qui assistent à cette réunion, lesquels n’auront pas le privilège de rentrer vivant ? Pouvait-on lire la peur ou l’angoisse sur les visages dans ces instants de tension ? Avant de partir, Daniel Merlin éprouve le besoin de faire son testament en faveur de son épouse. De loin en loin on perçoit le son des cloches sonnant à toute volée. Le tocsin ameute les populations rassemblées sur les places des villages des communes du canton de Privas. Vers 17 h, le signal est donné. Les hommes réunis chez Bérard, au hameau de la Triolette, se mettent en route en direction du village de Saint-Vincent-de-Barrès. Au fur et à mesure de leur progression, le groupe s’étoffe et cela n’échappe pas à Louis Bernard :

‘« Nous partîmes au nombre d’environ trente-cinq. Presque tous les habitants du village du Serre se réunirent à nous pendant notre marche et nous étions près de cent quand nous arrivâmes à la place de Saint-Vincent-de-Barrès »  404 . ’

Le maire du village est éberlué, il venait à peine de placarder une affiche annonçant que le président de la République avait dissout l’Assemblée nationale et que Paris était tranquille. L’instituteur Jean-Louis Victor Fialon s’était alors approché de lui : « c’est du vieux ce que vous annoncez-là, il y a longtemps que j’ai cela dans ma tête »  405 . Il lui fallait bien se rendre à l’évidence. Si Paris était tranquille, il en serait tout autrement pour sa commune et l’instituteur, Victor Fialon, semblait être le chef d’orchestre de ce mouvement. Effectivement, sur la place, Fialon harangua la foule et prit la tête d’une colonne de 250 personnes qui se mis en marche en direction de Saint-Bauzile pour atteindre Chomérac en contournant la « montagne d’Andance » :

‘« En avant marche ! Citoyens ! La victoire est à nous, celui qui m’aime me suivra. A bas les blancs ! A bas les cambrins ! »  406 . ’

Peu de temps avant d’arriver, à la sortie de Saint-Bauzile, dans la descente du Couraillou, Victor Fialon nomme le cordonnier Auguste Vignal commandant de la colonne, choix justifié par ses fonctions de capitaine de la garde nationale.

La troupe arrive vers les 18 h 30 à Chomérac et se mélange à une foule considérable d’hommes armés de bâtons, de fourches, de faux et de fusils de chasse. Auguste Vignal remarque la présence de quelques étrangers vêtus de manteaux ou de « burnous » qui semblent exercer une certaine autorité  407 . Les hommes n’ont pas le temps de s’attarder car déjà trois tambours se mettent à battre le rappel. Une colonne de près de 500 hommes se met en ordre de marche. A sa tête  408 : Auguste Marchier, de Chomérac ; Jean-Pierre Coste, huissier et Louis Étienne Planet, un ancien garde champêtre. A cet instant, le courrier de la préfecture parti de Privas pour Montélimar est intercepté par quatre habitants de Chomérac aidés par un étranger employé depuis quelques jours dans l’atelier de Toussaint Terrasse et dont l’identité n’est pas très précise  409 . Trois sont employés comme ouvriers tailleurs de pierre dans la commune : Victor Séraphin Issartel et les deux frères, Charles et Louis Varenne, le quatrième, Aimé Gervais Escalier, exerce le métier de boisselier, le cinquième qui semblait être à l’initiative de l’attaque se fait appeler François Andréa  410 . Les sacoches de l’émissaire de la préfecture sont fouillées, vraisemblablement à la recherche d’ordres ou d’instructions émanant de l’administration.

La colonne s’ébranle pendant que les tambours, en tête du cortège, battent la générale. Le village d’Alissas est dépassé et l’on presse le pas en direction de la Plaine du Lac, située dans la périphérie de Privas. Pour entrer dans la ville, il faut franchir le Pont de l’Ouvèze  411 . Il est environ 20 h 30. Ceux qui sont munis d’armes à feu reçoivent l’ordre de se disperser en tirailleurs dans les vignes pendant que Louis Planet part en reconnaissance avec une avant-garde d’une quinzaine d’hommes.

Une patrouille de quatre gendarmes arrive sur ces entrefaites au croisement des Trois chemins  412 vers les 21 h et aperçoit le petit peloton. Les gendarmes lancent une sommation. La réponse est immédiate mais se fait sous la forme d’une grêle de plombs. Le brigadier et deux gendarmes sont légèrement blessés. La brigade bat en retraite et retourne au grand galop vers la caserne de Privas pour chercher des renforts. Les voltigeurs du 12ème régiment de ligne commandés par le général Faivre  413 sont envoyés sur les lieux de l’affrontement. Au moment de traverser le pont qui enjambe l’Ouvèze, ils essuient une première fusillade à laquelle ils répliquent immédiatement. Les coups de feu proviennent des hauteurs qui bordent la route de l’autre côté du pont. Le général Faivre donne l’ordre de riposter « sans épargner personne ». Près du pont, en face d’un café, Pierre Terrasse, maçon de Chomérac, a ouvert le feu sur la troupe. Il n’a pas le temps de recharger son arme. Un gendarme le tient en joue et lui somme de ne pas bouger. Pierre Terrasse tente de s’échapper mais il est arrêté  414 par un coup de baïonnette dans le ventre. Profitant d’une accalmie de la fusillade les forces de l’ordre investissent le café Tranchat situé à l’angle du pont, enfoncent la porte et procèdent à plusieurs arrestations. L’armée envoie des patrouilles inspecter les fossés et les champs de vignes situés dans les alentours. On assiste alors à des échanges sporadiques de coups de fusil qui se prolongent jusque vers une heure du matin. Un poste de garde est installé sur les hauteurs du pré de Lancelot. Deux heures du matin, les militaires en faction ne constatent plus aucun mouvement. Il faut se rendre à l’évidence, les insurgés ont abandonné la place et sont retournés dans leur foyer.

Cette intervention de la gendarmerie et de l’armée semble avoir désorganisée un plan d’ensemble élaboré auparavant. Ainsi, dans les jours qui précédèrent l’insurrection, Émile Nègre fut aperçu parcourant les villages au nord de Privas  415 . Dans la journée du 4 décembre, une fébrilité inhabituelle agite ces mêmes communes de Saint-Sauveur-de-Montagut à Pranles et de Saint-Julien-du-Gua à Creysseilles. A Saint-Sauveur-de-Montagut, Jean Antoine Gauthier croise, dans l’après-midi Jean-Pierre Auguste Bertrand, le maire. Ce dernier est surpris de voir le « Grand Gauthier » dans sa commune car, habituellement, ce dernier réside à Issamoulenc. Mais peut-être allait-il à la foire des Ollières qui devait se tenir le lendemain ? Visiblement, ce n’est pas pour ce genre d’affaire que Jean Antoine Gauthier visite sa commune mais il fallait se mobiliser :

‘« […] la constitution avait été violée, le Président de la République était prisonnier au château de Vincennes et on se bat à Privas, on doit se soulever dans toutes les communes et celle de Saint-Sauveur doit suivre le mouvement général et se porter sur Privas »  416 . ’

Dans la soirée, le même Gauthier est identifié, battant le rappel dans la commune de Pranles  417 . Aux dernières heures du jour du 4 décembre, la petite troupe ainsi constituée prend position aux Trois Chemins, ce carrefour au croisement des chemins Privas-Saint-Pierreville par le col du Moulin à Vent et Privas-Vernoux par le col de la Vialette. A quelques kilomètres de là, d’autres groupes commandés par Jean-Louis Chasson, le garde champêtre de Saint-Julien-du-Gua ; Jean-Pierre Feougier, du hameau de la Pervenche près de Saint-Julien-du-Gua ; Jean-Louis Bourgeas, de Pranles, et Jacques Espic du hameau du Bouchet d’Ajoux, font une halte dans le cabaret de Vincent situé à la Croix de Creysseilles. Il est une heure du matin, deux clients revenant de la foire de Saint-Julien-du-Gua sont déjà attablés et Marie Vincent sert malgré tout à boire à ces nouveaux arrivants armés de bâtons et de fusils. C’est alors qu’un incident trahissant la nervosité des hommes survient lorsque Jean-Louis Chasson lance à l’assemblée : « demain le préfet la passera belle et pour 100 000 francs je ne voudrais pas être dans sa peau »  418 . L’un des clients déjà installé lui réplique : « moi pour 10 000 francs je prendrais la place du préfet, seulement pour demain, malgré ce que vous me dîtes ». Chasson est visiblement contrarié et plus encore lorsque le compagnon de celui qui l’avait interpellé déclare en le désignant qu’il était « un blanc ». C’est alors que Chasson sort un pistolet de sa poche et tout en le menaçant lâche : « si je savais que vous fussiez un blanc, vous n'iriez pas plus loin »  419 . Chasson finit par retrouver son calme mais il ne faudrait pas s’attarder dans le cabaret car certains s’inquiètent de savoir combien de temps il leur faudra pour parvenir au carrefour des Trois Chemins  420 . Pourtant, l’attente s’éternise. Les premières lueurs de l’aube blanchissent déjà les crêtes des serres qui dominent Privas et aucun ordre d’avancer n’a été donné. Il faut se résigner et se résoudre à abandonner la place. Jean Pierre Feougier et Jacques Espic sont amers : « l’affaire est manquée. Les chefs de Privas nous ont trahis »  421 .

La prise de la préfecture aurait échoué parce que les insurgés en provenance de Chomérac n’avaient pas pu forcer le passage. Était-ce là la clé de voûte des mouvements qui conditionnait la mise en action des autres groupes ? A l’est, au Pouzin, c’est dans le cabaret de Frédéric Meunier que se sont retrouvés les hommes devant rejoindre Privas dans la nuit. Plus au sud, le maire de Saint-Martin-d’Ardèche a constaté que « dans la nuit les montagnards se sont réunis et ont délibéré pour savoir s’ils devaient se porter sur Privas mais que la répression a ralenti leurs projets ». A l’ouest de Privas, une cinquantaine d’hommes installés dans l’auberge du col de l’Escrinet attend. C’est alors contre toute attente que Jean-Baptiste Vigouroux fait son apparition en compagnie d’Émile Nègre. Il informe le groupe qu’il vient « d’arriver des accidents à Privas »  422 . Parmi l’assistance, on peut aussi reconnaître Louis Bonnaure, le maire de Saint-Michel-de-Boulogne. Il n’y a plus rien à faire pour ce soir et la foule se sépare alors qu’une brigade de gendarmerie progresse en direction du col. Cette brigade a été mise en état d’alerte quelques heures auparavant. A 20 h, le gendarme Jean-Louis Clap en résidence à Aubenas a reçu la mission de porter deux dépêches à Privas. Vers les 21 h, à la sortie de Vesseaux, au hameau de Chauliac, il remarque des groupes en armes qui prennent la direction du col de l’Escrinet :

‘« J’ai aperçu une bande composée de dix à douze hommes armés. Je mis aussitôt pied à terre. Mais ils ont disparu. A Chauliac même, j’ai vu une autre bande composée de six hommes, cinq armés de fusils, le sixième d’une fourche à deux dents. Je me suis approché d’eux. Je leur ai demandé où ils allaient et qui ils étaient. L’un d’eux m’a répondu qu’ils étaient de Privas, qu’ils y retournaient. Au lieu de répondre à la deuxième question, ils ont pris la fuite. Deux ont abandonné leur fusil. En fuyant, ils ont tiré un coup sur nous. J’ai déchargé un pistolet dans leur direction. A cent cinquante pas plus loin, nous avons vu une autre bande de douze à quinze individus armés. En nous approchant, ils se sont tous jetés dans le bois. A quelques pas plus loin […] nous avons aperçu une autre bande de cinquante à soixante individus au pont de Vesseaux presque tous armés de fusils. […]. Ne pouvant les arrêter nous avons pressé le pas de nos chevaux afin d’aller rendre compte à notre chef »  423 . ’

A une heure du matin le brigadier Martin Bresson reçoit l’ordre d’accompagner son lieutenant à l’Escrinet et cinq brigades de gendarmerie quittent Aubenas. Martin Bresson raconte :

‘« Nous avons entendu chanter dans une maison située au chef-lieu de la commune de Saint-Étienne-de-Boulogne des chansons qui nous ont paru séditieuses. Nous nous disposions à cerner la maison quand nous avons vu venir six individus chantant la Marseillaise. Nous nous sommes embusqués »  424 . ’

Les six personnes originaires de Saint-Andéol-de-Bourlenc 425 ont été arrêtées. L’une d’elle, Louis Francon, était armé d’un fusil à un coup chargé et amorcé, les autres étaient porteurs de divers instruments tranchants.

Le jour se lève en cette matinée du 5 décembre. En Ardèche, aucun événement marquant ne vient troubler cette journée. Des émissaires profitent de cette accalmie pour acheminer des messages. Ainsi Cyprien Lebrat, cultivateur de Cruas, reçoit trois francs d’une personne de Chomérac « qu’il ne connaît pas »  426 pour porter une lettre à Pierre Combier se trouvant à Montélimar. Thomas Bonnaure que l’on avait vu partir dans la journée du 2 décembre à Alès aurait été mandaté par l’avocat Eugène Ducamp  427 pour amener une dépêche à Jean-Baptiste Mahistre, chef des montagnards dans le canton de Saint-Ambroix, et mobiliser les républicains de Saint-Sauveur-de-Cruzières afin qu’ils prennent les armes et se dirigent sur Largentière  428 .

A Payzac, dans les environs des Vans, une réunion d’une quinzaine de personnes est tenue chez Pierre Chastanier, au hameau des Salles, à l’initiative de deux hommes originaires du village voisin des Assions : Victor Fabre et Marcellin Jallée  429 . Pierre Chastanier, reçoit la mission de convoyer une lettre d’une extrême importance puisqu’il a ordre de l’avaler si quelqu’un veut s’en emparer. Au cours de la réunion, Fabre mobilise les hommes :

‘« Il faut prendre les armes, prenez des fourches, des broches, des haches et trouvez-vous sur la route d’où nous nous rendrons à Largentière »  430 . ’

A cet effet, le garde champêtre de la commune, Auguste Argenson, est désigné pour se rendre chez le meunier Simon Roustan qui demeure au Moulin du Régent. Toute la poudre disponible stockée au moulin doit aussi être acheminée à Payzac. La rumeur court aussi que Louis-Victorin Mazon, en fuite depuis le mois d’août 1851, serait hébergé le même Roustan  431 . Apparemment l’annulation des ordres de marche lancée dans la Drôme par Richard de Besse  432 n’est pas parvenue en Ardèche et les insurgés ne savent certainement pas que Combier  433 a été arrêté à Montélimar à la sortie d’un restaurant dans l’après-midi du 5. Montélimar est l’un des points névralgiques de la préparation de l’insurrection. « Malgré la décapitation du groupe montilien, les républicains [de la Drôme] parviennent à envoyer des émissaires dans les communes environnantes pour y donner les consignes du soulèvement. L’ordre de se tenir prêt, puis l’ordre de marche, partis de Montélimar, sont diffusés par des ouvriers et des artisans envoyés dans les principales communes voisines »  434 . Jean-Baptiste Vigouroux est arrivé dans la soirée, ce même jour à Montélimar, au lendemain de son escapade privadoise. Il se rend chez un certain Noyer, maître mécanicien et passe la nuit chez lui  435 . Devait-il rencontrer Combier ? Officiellement, il venait régler des affaires d’intérêt  436 avec Noyer et soigner son épouse malade. Ce n’est qu’au petit matin, qu’il quitte leur domicile pour rejoindre à pied Villeneuve-de-Berg.

L’effervescence reprend donc dans la journée du samedi 6 décembre alors qu’un arrêté préfectoral est promulgué et affiché dans les principaux lieux publics : « tout individu pris les armes à la main ou construisant une barricade sera fusillé sur-le-champ ». A Vals, des rumeurs circulent. Une lettre en provenance de Paris et portant la signature de Chabert, représentant de l’Ardèche 437 , annoncerait que « Louis Napoléon était par terre, qu’un gouvernement provisoire était institué, qu’on avait cru porter un coup à la République, mais qu’elle était sortie de la crise, triomphante et qu’on croyait que Napoléon avait été tué »  438 . A Labégude, Henri Fargier est attablé au café de Jules Salavert en compagnie d’un groupe de plusieurs personnes. Cet ancien artilleur risque gros s’il est reconnu et arrêté. Depuis le 6 septembre 1851, il fait l’objet d’un mandat de dépôt suite à sa condamnation par le tribunal correctionnel à 18 mois de prison, 100 francs d’amende et 35 francs de frais de justice. Henri Fargier n’avait pas comparu à l’audience et avait été reconnu coupable des faits reprochés : menaces verbales d’assassinat sous condition proférées au mois d’août 1851. Dans cette matinée du 6 décembre, il ne semble pas y penser et au cours de la conversation aurait dit que « Combier avait apporté de Paris un ordre par lequel il fallait marcher et que le départ aurait lieu dans la nuit »  439 . Il fallait donc se procurer des fusils pour aller à la rencontre du capitaine Combier attendu au Pont-d’Aubenas  440 .

Quatre mouvements insurrectionnels peuvent être identifiés en cette journée du 6 décembre. Le premier aboutit à une prise d’armes sans conséquence. Pourtant très tôt le matin, Claude Terrasson a bien vu sur la place des Sablons au Teil « un attroupement considérable armé de fusil, de faux, de haches et de fourches »  441 , 400 à 500 personnes peut-être ? Le charpentier Victor Roury a fait partie de l’attroupement. Selon ses paroles, c’est le propriétaire d’un cabaret, Auguste Richard, qui aurait été le coordonnateur de ce mouvement. Après avoir harangué les hommes rassemblés sur la place des Sablons, il aurait ordonné que « les centurions et décurions sortent des rangs pour servir ce que l’on a à faire »  442 . On cherche à se faire remettre des armes et si l’on demande la raison, Xavier Courtiol aurait répondu : « nous en avons besoin pour défendre nos frères que l’on égorge à Privas »  443 . D’après Frédéric Ollivier, l’ancien maire du Teil  444 , le médecin Joseph-Marie Guiramand 445 a joué un rôle important. Arrivé la veille de Montélimar, il se rendit directement dans le cabaret d’Auguste Richard  446 . Les hommes semblaient déterminés :

‘« J’ai entendu dire qu'on voulait la tête du préfet qu'on voulait s’emparer du Bureau des hypothèques, faire tomber un grand nombre de têtes de personnes distinguées »  447 . ’

Mais peu de temps après avoir quitté le Teil, l’attroupement se disloquait sur la route de Rochemaure. Cette prise d’armes a-t-elle manqué de coordination ou de préparation ? A quelques kilomètres de là, à Rochemaure, le cabaretier Louis Gaspard Verron se tient prêt à mobiliser ses hommes  448 . Dans le lointain, la cloche de l’église de Saint-Martin-l’Inférieur sonne à toute volée puis s’arrête brusquement. Des hommes en armes se sont rassemblés dans l’auberge de Crouzet. Pierre Isidore Cheynet, le maire de la commune, est au milieu de cette assemblée et fait la lecture de dépêches en provenance de Paris et, loin d’inciter ses administrés à rejoindre les rebelles, il leur recommande de rester tranquilles. Les imprudents qui souhaiteraient s’adjoindre à des groupes d’insurgés risquent de le payer très cher. Le bon sens devrait dicter leur conduite :

‘« Vous avez entendu dire que de Chomérac et de Saint-Vincent on a marché sur Privas. Que pensait-on faire ? Paris, Marseille et Lyon sont tranquilles. A présent, il convient de vous retirer chez vous »  449 . ’

Le second mouvement prend naissance dans les environs de Vals. A quelques kilomètres d’Antraigues, au col d’Aizac, on signale un rassemblement d’environ 200 personnes armées sous la direction de Jean Champanhet. De Labastide  450 à Aizac, cet adjoint au maire du village avait passé une bonne partie de sa journée à visiter les hameaux des environs pour mobiliser les populations  451 . Au col d’Aizac, il galvanise les esprits en les encourageant à marcher pour la bonne cause :

‘« Louis-Napoléon Bonaparte est hors-la-loi, le préfet a foutu le camp, les gendarmes d’Antraigues ont gagné le large, tout le monde marche, il faut marcher »  452 . ’

Dans l’après-midi le tocsin résonne dans les campagnes environnantes de Genestelle à Saint-Andéol-de-Bourlenc. Dans ce dernier village, la collecte des armes est organisée par François Mazade 453 , cabaretier ; Ambroise Perruchon et le maréchal ferrant Casimir Coste. Selon des témoins, François Mazade aurait déclaré agir « au nom de la République française » et Louis-Napoléon Bonaparte étant mort,

‘« C’est nous qui gouvernons. Je vous somme de me remettre les armes ou si non… Il n’y a plus de maire, c’est nous qui sommes maires et qui gouvernons »  454 . ’

A Antraigues, Firmin Gamon, le fils du juge de paix et Ferdinand Terrasse, l’ancien maire de Genestelle, mobilisent les populations. Firmin Gamon parcourt les rues d’Antraigues en criant « du courage, il faut tous marcher »  455 . Le quartier général est installé dans l’auberge de Ferdinand Gleizal, limonadier à Antraigues. Il témoigne :

‘« Gamon et Ferdinand Terrasse, de Genestelle, ont passé une partie de l’après-midi dans mon café où ils ont bu de l’eau de vie et du vin. Gamon était armé de deux pistolets et d’une flasque suspendue à une bandoulière rouge. Terrasse était armé d’un fusil »  456 pour « défendre les armes à la main »  457 , la constitution qui avait était violée ». ’

Progressivement le café s’emplit d’hommes en armes en provenance de Genestelle. Vers 20 h, Firmin Gamon donne le signal du départ et la troupe composée d’une vingtaine d’hommes se dirige vers la maison de Jean-Louis Salomon, le maire d’Antraigues. La maison est investie et Firmin Gamon tient en substance le même discours que François Mazade à Saint-Andéol-de-Bourlenc :

‘« Il n’y a plus de maire, il n’y a plus de gouvernement, nous le sommes. Nous voulons sur-le-champ le drapeau et le tambour de la garde nationale. Nous allons faire battre la générale »  458 . ’

Resté seul, le maire fait appeler le père de Firmin. Ce dernier semble accablé et se confie :

‘« Je n’ai pas pu l’empêcher. Ils vont joindre Combier qui est dans la Drôme à la tête de quatre mille hommes »  459 . ’

La route qui devrait les conduire à Montélimar, depuis Antraigues, passe par Vals, Aubenas et Villeneuve-de-Berg. La prochaine étape sera donc Vals.

La colonne composée environ d’une centaine de personnes arrive dans les faubourgs de Vals aux alentours de 23 h 30. Ils ont la surprise d’être stoppés par un peloton d’une quinzaine d’hommes pour la plupart sapeurs pompiers de Vals et commandés par Louis Champanhet officier de marine en congé. Ils couchent en joue les insurgés d’Antraigues et Louis Champanhet les somme de ne pas avancer sinon il donnerait l’ordre d’ouvrir le feu. Firmin Gamon cherche à négocier le passage pour ses hommes. Il envoie deux parlementaires auprès du maire de Vals : Emmanuel Terrasse et Antoine Carail, le maître d’école de Genestelle. Le maire est intraitable :

‘« Allez dire à Monsieur Gamon qu'il se retire avec ses gens que je ne puis lui accorder le passage dans le bourg, qu'il gagne les champs s'il veut passer mais que je le supplie de se retirer » 460 . ’

Le face à face entre les hommes de Firmin Gamon et le premier peloton dure plus d’une heure. Entre-temps des habitants de Vals sont venus prendre position et menacent l’arrière de la troupe commandée par Gamon. Ce dernier finit par abandonner la place. Cette décision n’est pas sans conséquence car la jonction avec des hommes réunis à Labégude située à la sortie de la ville sur la route d’Aubenas ne peut plus s’effectuer. Philippe Durand, teinturier à Labégude et Jules Salavert, cafetier de cette même commune, ne voyant pas arriver la colonne qui devait venir d’Antraigues et de Jaujac chargent Philippe Auguste Fayette, le fils de l’adjoint au maire de Labégude et Pierre Henri Besse d’une mission. Il doivent se rendre auprès de Jean-Baptiste Durand, celui-là même qui s’était rendu à Privas le 4 et lui demander si, malgré l’absence des autres colonnes, ils pouvaient malgré tout faire mouvement sur Villeneuve-de-Berg  461 . Selon le fils de Jean-Baptiste Durand, il y aurait eu un contrordre et le mouvement devait être remis au lendemain à 18 h.

Faisant écho à cette deuxième prise d’armes, un troisième mouvement armé s’est déclenché dans la région des Vans et de Largentière. C’est dans la commune des Assions, dans la demeure de Joseph Béalet, que Pierre-François Froment donne lecture d’une lettre en provenance du département du Vaucluse. Le message est très clair : il faut partir le jour même 462 . Une dizaine de personnes se met en route et fait une halte à proximité du pont suspendu qui enjambe le Chassezac. Deux émissaires des Vans arrivés en cabriolet les rejoignent vers les 21 h et précisent les objectifs de la marche : il faut partir de suite pour Largentière. Le groupe se met en mouvement et fait une halte dans l’auberge de Joseph Fabre sise au hameau de la Ribeyre, sur la route de Joyeuse. Les hommes sont bientôt rejoints par un contingent en provenance des Vans. Joseph Fabre organise les colonnes et prend le commandement de la petite troupe, une cinquantaine de personnes dont la moitié à peine était armée de fusils. L’armement doit être complété à leur arrivée à Largentière. Mais avant, il faut rejoindre ceux de Lablachère, commune dans laquelle une réunion identique à celle des Assions s’est improvisée dans l’auberge Bresson tenue par le boulanger Jean Frédéric Malmazet, dit « Lafayette ». Victor Chazalette, cuisinier aux Vans, a transmis une lettre en provenance d’Alès dans le Gard. Il y est fait mention que :

‘« Le Vaucluse et l’Hérault se sont soulevés, que le Gard allait en faire autant et qu’il fallait que l’Ardèche leur emboîte le pas »  463 . ’

22 h, une foule compacte de 300 ou 400 individus se masse devant l’auberge. Des rumeurs circulent laissant entendre que Maurice Crotte, le négociant de Joyeuse avait également transmis trois lettres : l’une de Paris, la seconde de Lyon et l’autre des environs de Valence et que ces lettres disaient qu’ils fallaient marcher. Mais apparemment, le même Maurice Crotte venait juste d’envoyer un contrordre annulant l’action initialement prévue  464 . Cependant, les hommes sont résolus à ne pas abandonner la partie. Vaille que vaille, ils persistent dans leur décision de prendre la sous-préfecture de Largentière. Leur détermination est renforcée lorsque les premiers contingents en provenance des Vans font leur apparition. La troupe traverse les villages de Lablachère et de Rosières. En chemin, le groupe s’agrandit au fur et à mesure des localités traversées. Une halte est faite au bord de la nationale, près de l’embranchement du chemin de Vallon pour attendre des groupes en provenance de Vallon.

Dans les environs de Vallon, la mobilisation a commencé dans la matinée lorsque Paulin Jacques, le fils du meunier, parti depuis le 2 décembre pour voyage d’affaire, fit son retour. Paul Villard, le maire de la commune de Lagorce est étonné de voir arriver vers les 11 h du matin ce grand gaillard aux yeux gris portant une barbe noire  465 . Les paroles prononcées par Paulin Jacques dans un cabaret le stupéfièrent. Soi-disant qu’il arrivait de Privas et qu’il y avait à « Chomérac un camp de 5 000 hommes commandé par Combier. Privas serait prise le lendemain et qu’il en serait de même dans tous les départements. Tout bon français devait prendre les armes contre Louis-Napoléon Bonaparte qui venait de violer la constitution »  466 .

A Vallon, le mouvement s’organise dans l’après-midi. Le commissaire de police de la ville s’inquiète de cette soudaine agitation et court prévenir le maire. Alors qu’ils étaient en conversation, un groupe de quatre personnes fait irruption dans la demeure du maire et réclame les clés de l’hôtel de ville. Il reconnaît immédiatement; Félix Rédarès, le confiseur ; l’instituteur Cyprien Roux et le cafetier de Vallon, Hippolyte Villard qui prit la parole. Dans le feu de la discussion, le commissaire de police comprend en substance que leur intention était de :

‘« […] se rendre maître de l’hôtel de ville, d’y établir un poste et de s’emparer des armes qui s’y trouvent. Le peuple a reconquis ses droits et Combier marche sur Privas à la tête de 10 000 hommes. Aubenas est prise, Villeneuve-de-Berg est prise, Nîmes est au pouvoir du peuple et nous voulons ce soir marcher sur Largentière »  467 . ’

A 17 h, l’hôtel de Ville a déjà été investi par des individus presque tous armés de fusils et de fourches. Magloire Dalay, charron et Félix Rédarès, confiseur, distribuent des armes à tous ceux qui n’en n’ont pas  468 . Vers 21 h, la colonne s’ébranle au son du tambour battu par le menuisier Augustin Saussine et sous le commandement de Paulin Jacques, le fils du meunier ; Magloire Dalay et Jean Rochette, entrepreneur de travaux publics. Arrivés au croisement du chemin de Vallon et de Joyeuse, ils font la jonction avec le groupe arrivé en provenance des Vans et des Assions. Emile Auguste Pascal, le neveu du maire de Salavas, évalue le rassemblement à 3 000 hommes. En attendant le signal du départ, les insurgés fraternisent en buvant du vin tiré de cornues placées sur une table dressée au milieu du chemin. Certains s’inquiètent de ne plus voir Paulin Jacques. Émile Auguste Pascal apporte une explication : à une demi-heure de Vallon, il l’a croisé, blessé soi-disant au pied, et faisant demi-tour en compagnie d’un autre individu  469 . Les libations sont écourtées par l’arrivée de trois individus en provenance de Largentière. L’un d’entre eux, Jean Hippolyte Amédée Fayolle, annonce qu’il est temps de marcher. L’affaire devrait être vite conclue car il y aurait à peine une quarantaine de soldats dans la ville  470 .

L’affrontement avec la garnison et les troupes de ligne a lieu au petit matin du dimanche 7 décembre. Les premiers coups de feu sont échangés à la lisière de la ville de Largentière. Devant la résistance de la garnison, les insurgés ne peuvent pas investir la ville et doivent battre en retraite en emportant de nombreux blessés. Le sous-préfet note dans son rapport à l’attention du préfet :

‘« 3 000 insurgés au minimum étaient devant la ville à l’entrée du premier pont. Au moment où j’en fus instruit, les cris de “Aux armes !” résonnaient sur toutes les montagnes qui entourent Largentière. […] Nous eûmes avec eux quatre ou cinq engagements ; ils ont fait feu sur nous toutes les fois et à chaque engagement nous avons fait des prisonniers ; tous mes hommes saisis ont été pris les armes à la main, chargés de munitions, balles, poudre, couteaux, poignard, fusils de chasse […] Nous avons 23 prisonniers, deux sont blessés ; nous n’avons tué personne je le présume, mais nous avons trouvé au retour des piques, fourches, avec des taches de sang. De notre côté pas un homme n’a été atteint. Soldats et officiers ont été admirables de feu, de courage, de dévouement, les balles nous sifflaient aux oreilles et pas un homme n’a hésité ; ils ont tous donné comme les gendarmes de Laurac. Nous avons ainsi poursuivi les perturbateurs de l’ordre pendant dix kilomètres, toujours au pas de gymnastique, nous quarante et eux 3 000 devant nous ! »  471 . ’

Le quatrième et dernier mouvement de cette journée du 6 décembre naît dans la vallée du Rhône. Une fièvre s’empare des villages de Saint-Laurent-du-Pape, Charmes, Guilherand et Saint-Péray. A Saint-Laurent-du-Pape, en fin d’après-midi, une grande agitation règne sur la place du village alors que le tocsin et les roulements de tambour ameutent les populations. Les habitants des hameaux isolés ont été prévenus par le garde champêtre, Antoine Chazalet  472 . Sur la place du village, le jeune Xavier Blanc aperçoit des hommes en train de distribuer des balles. Pierre Salet, épicier du village, brandissait un sabre et semble donner des ordres. Devant la foule rassemblée, il fait passer un papier à François Cholvy que celui lut à haute voix. Cet « appel au peuple » est sans équivoque : il faut marcher pour la défense des droits et ceux qui ne partiraient pas seraient regardés comme ennemis et jugés comme tels  473 . Vers 22 h, la troupe s’arrête à Beauchastel devant l’auberge de Ferdinand Bonnet. Elle servira de quartier général. Certaines têtes ne sont pas inconnues à Ferdinand Bonnet  474 . Il reconnaît Pierre Salet ; Jacques Eugène Demouge, l’instituteur de Saint-Laurent-du-Pape ; Le garde champêtre Antoine Chazalet vêtu d’un uniforme de sergent de la garde nationale, Jean Antoine Vignal, cafetier de son état à Saint-Laurent-du-Pape ; François Cholvy. L’attente se prolonge. Vers 23 h, un étranger pénètre dans l’auberge. C’est un ferblantier de Tournon, Jean-Baptiste Mure. Il ne peut pas s’attarder car une autre mission l’attend. Après avoir donné quelques directives, il reprend sa route en direction de Valence. Vers 1 h du matin, des hommes postés devant l’entrée de l’auberge signalent l’arrivée d’une calèche. Elle est immédiatement interceptée. Marie Bosviel s’inquiète de la raison de cette arrestation, elle a quitté Privas vers 21 h et elle doit se rendre à Valence  475 . Après une fouille rapide, la voiture reprend sa course. Peu de temps après, un deuxième véhicule est annoncé et immobilisé. C’est le courrier en provenance de Valence et à destination de Privas. Une fièvre agite la foule lorsque Pierre Salet commence la lecture d’une dépêche de Paris, datée du 4 décembre. « Paris ne bouge plus ». Les visages se ferment. « Il faut donc rentrer chez nous » déclare Salet  476 . Il ne sert alors plus à rien de rejoindre ceux de Guilherand qui, à une dizaine de kilomètres, patientent dans l’auberge de Tournaire. Pourtant là-bas, les opérations semblaient se dérouler comme prévu. On aperçut un feu sur les hauteurs  477 . Était-ce le signal de l’insurrection ? Selon toute vraisemblance, les insurgés ardéchois devraient se joindre aux révoltés du département de la Drôme pour prendre la préfecture  478 . Louis Ambroise Bleton, contremaître aux carrières de Guilherand, est désigné comme le principal chef du mouvement  479 . Mais le pont suspendu sur le Rhône, en face de Valence, est fermement tenu par des troupes de la garnison de Valence et défendu par « quatre pièces de campagne attelées placées en batterie sur l’avenue qui y conduit »  480 . Les entrées dans la ville sont filtrées  481 et l’émissaire Jean-Baptiste Mure qui tentait de franchir le barrage est arrêté  482 à 3h30 en compagnie d’un dénommé Rouveyre  483 et de deux autres individus. Toute tentative de prendre la ville par la force serait vouée ce matin à l’échec, il faut se résigner et battre provisoirement en retraite. L’aube se lève sur Valence. Quoiqu’il en soit, la ville serait prise dans la nuit du 7 au 8 décembre...

Toute la journée du 7, les préparatifs s’organisent. Louis Ambroise Bleton est aperçu dans l’après-midi dans les rues de Valence par le commissaire de police  484 . Qu’importe, il a un alibi pour justifier sa présence : son frère, Félix, est banquier à Valence. Des émissaires drômois partent en reconnaissance pour mobiliser les dernières énergies à Romans, Tain, Chabeuil  485 . Du côté ardéchois, les premiers contingents d’insurgés quittent le hameau d’Aubert  486 sous la direction de deux cordonniers  487  : Jean-Pierre Loriol, d’Alboussière et Pierre Antoine Frédéric Dutron de Boffres. Ils doivent se réunir à des groupes qui se sont formés à Saint-Péray pour converger vers Valence et investir la ville avec le renfort des insurgés de la Drôme.

Pendant ce temps, à Bourg-lès-Valence, les discussions s’animent dans le cabaret Mallen. On vient d’apprendre qu’une série de contrordres avait annulé toutes les actions programmées  488 . C’est ainsi que les hommes de Saint-Péray réunis dans la maison du cordonnier Jean Victor Jacquet apprennent que « le coup est manqué »  489 . Il faut prévenir les groupes partis d’Alboussière, mission dont Pierre Alexis Bovet, bourrelier de Saint-Péray, accepte la charge  490 . Tout est fini. Le sous-préfet de Tournon résume une partie des événements dans son rapport : « un projet d’attaque contre Tournon a existé, des bandes venues de Saint-Péray, de Serrières, secondées par celles venant de Tain, voulaient s’emparer de la poudrière et des fusils déposés à la mairie. Ayant remarqué beaucoup d’allers et venues sur les routes et les bords du Rhône, il a pris des mesures pour protéger la ville »  491

Alors que le mouvement insurrectionnel s’éteint progressivement dans la vallée du Rhône, de nouveaux foyers se rallument dans la région de Vals. L’infatigable médecin Jean-Baptiste Vigouroux est toujours sur les routes. Après avoir quitté Montélimar aux premières lueurs du jour de ce dimanche 7 décembre, il prend la direction de Villeneuve-de-Berg qu’il atteint vers les 11 h du matin  492 . Ce même jour, il est reconnu en compagnie de deux autres individus alors qu’il traverse le plateau du Coiron. Etienne Mouton du hameau de Montbrun n’a pas pu oublier ce petit homme barbu, de forte taille, habillé en bourgeois portant redingote et chapeau qui lui braqua un pistolet sur la poitrine  493 , ni le second de grande taille, portant une calotte rouge et armé d’un fusil à baïonnette. Sous la menace de son arme, Jean-Baptiste Vigouroux a d’abord contraint le jeune Etienne Mouton à les suivre en lui tenant ce langage :

‘« Jeune homme il faut marcher avec nous, il faut marcher avec nous ou je t’étends par terre. Il faut nous défendre nous marchons pour le bon droit »  494 . ’

Ils entrèrent dans le cabaret de Louis Chaussignand et, après avoir salué la compagnie, le médecin s’approcha du cabaretier et l’embrassa. Etienne Mouton ne cache pas sa surprise. Comment cette familiarité complice pouvait-elle s’expliquer ? Au mois de juin 1849, Louis Chaussignand avait certes accueilli une réunion des principaux chefs socialistes  495 . Parmi la quinzaine de personnalités assises à la même table on pouvait reconnaître Jean-Baptiste Vigouroux, Émile Nègre, architecte à Privas et Malleval  496 , cafetier à Privas. Mais cela avait-il suffi pour créer de tels liens d’amitié ?

Après avoir discuté un long moment avec Louis Chaussignand, Jean-Baptiste Vigouroux reprend sa route mais il n’a pas l’intention de rejoindre directement son domicile de Vals. La route des crêtes qui domine au sud, la plaine d’Aubenas et au nord, la plaine de Privas, le mène directement au col de l’Escrinet, à proximité des lieux qu’il avait traversés trois jours auparavant. L’obscurité avait envahi les villages que l’on devinait en contrebas mais on pouvait entendre distinctement résonner le tocsin en provenance de Saint-Michel-de-Boulogne  497 . « L’alarme était générale on annonçait que la bande qui s’était organisée à Saint-Andéol-de-Bourlenc arrivait ». Sous ses fenêtres, Clotilde Maurin voit passer une troupe composée d’environ quatre-vingt individus. C’est alors que l’on frappe à la porte de la maison. Elle n’ose pas ouvrir, explique qu’elle est la garde-malade de son frère alité. Un homme porteur d’un fusil à un coup se présente devant la fenêtre qu’elle a entrouverte. Il décline son identité : « Jacques Boyer, de Saint-Julien-du-Serre », et demande qu’on lui remette des armes  498 . Clotilde Maurin finit par accéder à sa demande, rassurée par la présence parmi les insurgés de l’un de ses voisins. Une tension certaine est perceptible dans le rassemblement. Les discussions s’animent. Des bribes de conversation arrivent aux oreilles de Clotilde :

‘« Ces chefs ne sont jamais là quand il faut répondre, ils mériteraient qu’on leur tira un coup de fusil »  499 .’

Des noms fréquemment cités reviennent. Mais où sont donc Firmin Gamon, d’Antraigues ; Louis Bonnaure, le maire de Saint-Michel-de-Boulogne ; Dusserre, l’aubergiste du col de l’Escrinet ; François Mazade, l’aubergiste de Saint-Andéol-de-Bourlenc ? « Mais que font-ils ? ». Confiance, ils finiront bien par arriver d’autant plus que l’on aurait aperçu à quelques kilomètres à peine d’ici, au hameau d’Escharavil, Louis Bonnaure en compagnie du juge de paix d’Aubenas, Louis Briand  500 et de Jean-Baptiste Vigouroux  501 .

Au cours de cette journée, Firmin Gamon n’avait pas chômé. Dès la sortie de la messe, il avait mobilisé la population de Saint-Andéol-de-Bourlenc en faisant battre le tambour  502 . En compagnie de Jacques Boyer, ils récupèrent des armes dans les maisons et enrôlent les hommes dans le groupe. A ceux qui protestent, en demandant en vertu de quel ordre ils seraient obligés de suivre, il leur est répondu :

‘« En vertu d’un bon ordre, tous vos voisins partent, il ne faut pas se laisser mettre le pied dessus »  503 . ’

Les groupes prennent la direction de Saint-Michel-de-Boulogne qu’ils atteignent en fin de journée, rejoignant ainsi le rassemblement déjà constitué. La jonction effectuée, les hommes abandonnent le hameau de Massiol pour un autre lieu de rendez-vous situé en contrebas, dans un champ situé en face de la maison de Louis Bonnaure. Il serait question de faire mouvement en direction de Villeneuve-de-Berg  504 mais l’attente se prolonge. La motivation de certains insurgés semble décroître au fur et à mesure de l’avancée des heures dans la nuit. Qu’attend-on dans la froidure de cette nuit de décembre ? D’autres groupes armés ? Un mot d’ordre ? Si tel était le cas, il n’arriva jamais. Dans le sud du département, les tentatives de mobilisation des populations ont échoué ; démoralisées peut-être, la veille, par l’échec de la prise de Largentière.

Le 8 décembre, la tranquillité règne à nouveau alors que, selon le préfet, plus de 15 000 individus avaient pris les armes les jours précédents. A 2 h du matin, le médecin Jean-Baptiste Vigouroux est arrêté par une patrouille dans la périphérie de Vals, alors qu’il tentait de franchir la rivière sans emprunter le pont suspendu. Henri Lantouzet, le commandant de la patrouille, le somme de justifier sa présence dans ce lieu incongru à cette heure avancée de la nuit. Il répondit qu’il venait de Dieulefit, qu’il était allé en voiture jusqu’à Montélimar et que de là, il est parti à pied vers 10 h du matin pour revenir à Vals  505 . Comment expliquer alors le véritable arsenal saisi sur sa personne : un pistolet, deux pistolets de poche, trois hectogrammes de poudre, une quinzaine de balles, une poire à poudre avec 72 grammes de poudre ? Immédiatement conduit devant le maire Jules Champanhet pour y être interrogé, il déclara qu’il venait bien de Montélimar, que son intention était d’aller à Crest mais il avait rétrogradé ayant appris qu’on s’y battait à Montélimar, sur toute la ligne jusqu’à Valence. La poudre et les balles, c’était pour sa défense personnelle. Argumentation difficile à avaler pour le maire et Jean-Baptiste Vigouroux est placé en détention pour complément d’enquête. Aucun autre événement marquant ne viendra troubler ce 8 décembre, ainsi que le mentionne le préfet dans son rapport adressé le 13 décembre au ministre, si ce n’était les « les factieux du canton de Vallon » qui avaient profité de la situation pour couper un nombre considérable d’arbres  506 . Les souvenirs de Léon Chevreau, chef de cabinet de son frère, confirment cette quiétude : « dès le 10 décembre, on pouvait dire que la tranquillité était rétablie complètement dans l’Ardèche »  507 . Élie Reynier, s’appuyant sur Les crimes du 2 décembre de Victor Schœlcher, fait encore état d’une escarmouche à La Voulte, le 11 décembre, entre un groupe d’hommes en provenance de Jaujac et un corps de voltigeurs commandé par Avias. Avias, passé au fil de la baïonnette, fut laissé pour mort pendant qu’un adolescent de quinze ans aurait été tué à bout portant par un gendarme  508 .

Le temps de l’insurrection était passé, l’heure de la répression avait sonné, brutale avec ses arrestations de masse au petit jour, ses mises en scène destinées à terrifier les populations. Si l’on se fie au récit de Pélagie Laville, son mari, Désiré Bouvier, est sorti de sa demeure par les forces de l’ordre. Il est poussé contre le mur de sa maison et sous le regard horrifié de sa femme et de ses cinq enfants, le préfet Henri Chevreau donne l’ordre à un peloton de le coucher en joue. L’intervention de l’ancien maire, Charles Blanc, lui aurait évité d’être fusillé  509 . A Coux, dans la nuit du 6 au 7 décembre, les militaires commandés par le général Faivre investissent l’auberge des Trois Chemins tenu par Louis Feschet. Selon des sources bien informées, ils savent que plusieurs centaines d’hommes armés y auraient attendu le signal de l’attaque de la préfecture, dans la nuit du 3 au 4 décembre. Sur l’ordre du général, les soldats saisissent le père de famille, Louis Feschet, et le traînent en dehors de sa maison. Sans égard pour ses 80 ans, le général lui cingle la joue avec un objet métallique. Le vieil homme vacille et reçoit un coup de botte. Son fils, impuissant, assiste à la scène et bien des années après, il se souvient encore des dernières paroles du général qui, au moment de quitter les lieux, aurait dit :

‘« Vous n’emmenez que ce vieux là mais vous auriez mieux fait de le fusiller devant sa porte »  510 . ’

Au terme de la reconstitution de cette histoire, que pouvons-nous dégager ? Tout d’abord, il est légitime de se soucier de l’intérêt suscité par ce genre de reconstructions d’événements vécus il y a plus de 150 ans par les populations d’un département. Le lecteur étranger au département voit défiler des noms de lieu qui ne renvoient à aucune représentation mentale familière. Cette volonté d’exhaustivité est certes louable mais elle ne peut captiver que ceux qui ont une connaissance intime du département. Cette histoire servirait donc à des fins de simple curiosité locale. On peut éventuellement aussi éprouver de la compassion pour tel ou tel acteur en nous laissant prendre par l’affectivité de son personnage. Ainsi lorsque Paulin Jacques, le fils du meunier de Salavas, retourne dans son village embrasser ses parents, peut-être pour la dernière fois. Au moment de leur séparation, les dernières paroles qu’il prononça résonnent toujours dans la tête de son père :

‘« Il était un homme perdu. On l’avait trompé. Je vous ai trompés moi-même. Vous ne me reverrez peut-être pas»  511 . ’

Ce procédé littéraire contribuerait à rendre la « représentance » du passé plus humaine. Signifier qu’au-delà d’un nom, il y a eu une existence faite de joie ou de peine, d’espoirs ou d’espérances déçues. Cette histoire se rapprocherait du concept anglo-saxon d’histoire story. Signalons au passage que cette histoire story a une continuité avec l’histoire history. Paul Ricœur le souligne : « qu’il place son entreprise sous le signe de l’amitié ou sous celui de la curiosité, il [le bon historien] est mû par le vœu de rendre justice au passé »  512 . « Rendre justice au passé » en faisant le choix d’une mise en intrigue privilégiant le temps de l’événement, « le temps des brèves lueurs ».

La reconfiguration de ce passé par l’historien présente aussi un avantage et notre réflexion puise sa source une nouvelle fois dans le Temps et récit de Paul Ricœur.

‘« En vue de figurer, “ce qui est réellement arrivé” dans le passé, l’historien doit d’abord préfigurer l’ensemble des événements rapportés dans les documents. La fonction de cette opération poétique est de dessiner dans le “champ historique” des itinéraires possibles et ainsi de donner un premier contour à des objets possibles de connaissance »  513 . ’

Autrement dit, l’écriture des événements de Décembre 1851 doit permettre de situer l’action, de mettre en scène les acteurs pour servir de « base logistique » permettant de conduire d’autres investigations permettant de mettre au jour, par exemple, les « cadres sociaux » de l’insurrection de 1851.

Notes
371.

La rédaction de cette histoire reprend de manière plus détaillée des articles publiés antérieurement : Eric DARRIEUX, « Un certain mois de décembre 1851 » dans Il y a cent cinquante ans… Décembre 1851 en Ardèche Mémoire d’Ardèche Temps présent, n°72, novembre 2001, pp. 3-8. -, « Le 2 Décembre 1851 au village. Le cas de Saint‑Lager‑Bressac » dans Comment meurt une République. Autour du 2 Décembre, Société d’histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, Éditions Créaphis 2004, pp 299-316. -, « Décembre 1851 en Ardèche » dans 1851, une insurrection pour la République, Actes des journées d’étude de 1999 à la Tour d’Aigues et de 2001 à Sainte‑Tulle. Association 1851 pour la mémoire des Résistances républicaines, pp 19-31.

372.

Voir en annexes les cartes permettant de suivre sur le terrain les événements, pp. 119-124.

373.

Georges DUBY, Le dimanche de Bouvines, ouv. cité, p. 12. a : [de Bouvines], b :[entre midi et cinq heures].

374.

Jean-Claude CARON, L’été rouge, déjà cité.

375.

Jean-Claude CARON, idem, pp 210-211. Sur la relation entre faits et événements, François Dosse précise qu’elle « est sans cesse à reprendre ; elle est la matière même de la communauté historienne et toujours ouverte à de nouvelles conceptualisations, non pas parce que les événements du passé changent, mais parce notre manière de les conceptualiser diffère ». François DOSSE, « L’histoire intellectuelle après le linguistic turn », p. 322, dans Laurent MARTIN et Sylvain VENAYRE [dir.], L'Histoire culturelle du contemporain, Nouveau Monde éditions, 2005.

376.

Voir en annexes, pp. 60-77.

377.

Eugène TÉNOT, Paris en décembre 1851, p. 81. Les quarante commissaires de police qui s’associèrent à ces arrestations se rendaient également complices de ce crime de haute trahison selon les termes de l’article 68 de la Constitution. Parmi les représentants arrêtés se trouvent quatre généraux : Bedeau, Cavaignac, Changarnier, Lamoricière ; deux officiers supérieurs : le général Le Flô, questeur de l’Assemblée et le lieutenant-colonel Charras ; Thiers ; Baze, questeur de l’Assemblée ; Beaune ; le capitaine Cholat ; Greppo ; Lagrange ; Miot ; Nadaud ; Roger, du Nord ; le lieutenant Valentin.

378.

En mars 1848, la Seconde République établissait le suffrage universel masculin et remplaçait le suffrage censitaire en vigueur sous la Monarchie de Juillet. Le suffrage universel masculin est restreint le 31 mai 1850 par une loi électorale qui oblige les électeurs à 3 ans de résidence dans le même lieu pour avoir le droit de s’inscrire sur les listes électorales de la commune.

379.

Eugène TÉNOT, idem, p. 101.

380.

Louis GIRARD, ouv. cité, p 150.

381.

Les principaux chefs de file sont Madier-Montjau, Victor Schœlcher, Victor Hugo, Michel de Bourges, Deflotte, Carnot et Jules Favre.

382.

Eugène TÉNOT, idem, p. 161.

383.

Philippe VIGIER, La Seconde République, PUF, Que sais-je, 1996, 7ème édition, p 112.

384.

DUMONT De MONTROY, Souvenirs de Léon Chevreau 1827-1910, 1998, p. 48.

385.

DUMONT De MONTROY, idem, p. 49

386.

DUMONT De MONTROY, ibidem.

387.

A Crest et dans ses environs. Voir Robert Serre, Dix mille Drômois… ouv. cité, pp. 128-129

388.

DUMONT De MONTROY, ibidem

389.

Arch. dép. Ardèche 5M14. Extrait des dépêches télégraphiques faisant état de la situation en France.

390.

Récit reconstitué d’après la déposition de Joseph Duplan, 47 ans, garde champêtre et forestier de Saint-Vincent-de-Barrès. Arch. dép. Ardèche 5M15.

391.

Pierre Alexandre Combier né le 13 mars 1798 à Alissas. Commissaire de la République en 1848, avocat, procureur général Nîmes. Candidat de l’administration pour les élections législatives à la Constituante en avril 1848. Battu, il est élu représentant du peuple en mai 1849.

392.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Déposition de Jean-Louis Marion, 25 ans, mineur à Coux en date du 3 janvier devant Valladier, juge d’instruction.

393.

Louis Jacques Vialette né le 10 septembre 1809, médecin à Chomérac épouse le 19 septembre 1859, à Chomérac, Marie Rose Joséphine Amélie Combier née en 1833, fille de Louis Alexandre Combier (1798-1884) et d’Eléonore Suzanne Estran de Larnouse (1805-1884).

394.

Arch. dép. Ardèche. 5M9. Rapport du capitaine de gendarmerie de Privas en date du 1er septembre 1851.

395.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Déposition en date du 19 décembre 1851de Bruno Martin, 46 ans, gendarme demeurant à Baix.

396.

Arch. dép. Ardèche. 5M15 Déposition en date du 22 décembre 1851de Jean Deltour gendarme à cheval de Viviers.

397.

Déposition de Marie Vernet épouse Chastellière, 30 ans cabaretière de Saint-Andéol-de-Bourlenc. « Je connais Vigouroux médecin à Vals mais il est faux qu’il soit venu à Saint-Andéol-de-Bourlenc dans les premiers jours de décembre dernier et surtout le 4 pour y voir mon enfant malade. J’ai vu quelques fois Vigouroux à Saint-Andéol-de-Bourlenc. Il allait chez mon voisin François Mazade ».

398.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Interrogatoire de Louis Benjamin Darnoux en date du 27 janvier 1852.

399.

Il y a des contradictions dans les dépositions faites par les trois prévenus. Arch. dép. Ardèche. 5M15. Jean Baptiste Vigouroux a été arrêté dans la nuit du 7 au 8 décembre 1851, vers les deux heures du matin à Vals. Il a été emprisonné trois semaines à Aubenas avant d’être transféré le 27 décembre à Privas. Incarcéré le même jour selon le registre d’écrou Y 136 de la maison d’arrêt de Privas. Il est interrogé par un juge d’instruction le 30 décembre puis le 12 janvier 1852. Il déclare : « A l’entrée de Privas, je descendis de voiture, je quittai Durand et je ne le revis plus. Quant à moi après avoir bu un verre de cognac au café républicain chez Malleval et après avoir retenu un lit à l’hôtel républicain chez Chirouze, je me suis rendu chez Volsi Arnaud Coste, avocat, il était alors nuit tombante ». Louis Benjamin Darnoux a fait l’objet d’un mandat d’amener en date du 22 janvier 1852. Incarcéré le 26 janvier 1852 selon Arch. dép. Ardèche Y 136 registre d’écrou maison d’arrêt Privas. Dans son interrogatoire déjà cité en date du 27 janvier 1852, il déclare : « En arrivant le 4 dans la soirée, Vigouroux nous a quittés. Nous remisâmes notre voiture à l’Hôtel républicain chez Chirouze. Notre intention était de coucher à Privas ».

400.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Déposition de Victor Mondon, 52 ans, cultivateur à Saint-Lager-Bressac, hameau de Rouvèze.

401.

Arch. dép. 5M15. Déposition de Jean-Pierre Bouix, 30 ans, cultivateur, Les Mottès, hameau de Saint-Lager-Bressac.

402.

Arch. dép. Ardèche. Déposition en date du 9 décembre 1851 de Claude Augustin Avon, 54 ans, cafetier et propriétaire à Chomérac.

403.

Arch. dép. 5M15. Déposition de Jean-Pierre Bouix, 30 ans, cultivateur, Les Mottès, hameau de Saint-Lager-Bressac.

404.

Arch. dép. 5M15. Déposition de Louis Bernard, 26 ans, tambour de la Garde nationale à Richard, hameau de Saint-Lager-Bressac.

405.

Déposition de Joseph Duplan, déjà cité.

406.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Déposition de Joseph Duplan, source déjà cité.

407.

Jean-Claude CARON, dans L’été rouge, déjà cité, mentionne aussi curieusement ce fait pour les insurrections anti-fiscales de 1841 : « Tout aussi fréquente est l’évocation de mystérieux personnages, inconnus de tous, mais vu par tous, et dont la description renvoie à une singularité digne de certains procédés romanesques : taille hors norme, cheveux et système pileux très développés, chapeau de forme ou de couleur inhabituelle, long manteau d’une couleur qui tranche », p. 226.

408.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Déposition de Louis Jacques Vialette, 43 ans, docteur en médecine, ancien maire de Chomérac. Déposition de Simon Veyrand, 63 ans, tambour de ville à Chomérac.

409.

Voir précédemment ce qui a pu être mis au jour sur François Andréa.

410.

Arch. dép. Ardèche. 5M15 Déposition de Charles Blanc, 51 ans suppléant du juge de paix, Chomérac.

411.

Le pont des Chauchières, actuel pont Louis XIII, situé dans le quartier des tanneries. Les chauchières étaient des fosses servant à tanner la peau.

412.

Croisement des routes Chomérac-Privas-Coux.

413.

Général commandant l’état de siège en Ardèche depuis le 12 septembre 1851.

414.

Voir précédemment : « Pierre Terrasse est-il mort pour rien ? ».

415.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 5 janvier 1852 de Louis-Jacques Vincent, 46 ans, demeurant à Creysseilles devant Valladier, juge d’instruction.

416.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 6 janvier 1852 de Jean-Pierre Auguste Bertrand, 29 ans, ex-maire demeurant au hameau de La Croze, commune de Saint-Sauveur-de-Montagut devant le juge de paix du canton de Saint-Pierreville.

417.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 7 janvier 1852 d’Auguste Boissier, 28 ans, propriétaire demeurant à Escoulent, commune de Pranles.

418.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 5 janvier 1852 de Jean Fulgoux, 52 ans demeurant au hameau du Serre, commune de Creysseilles.

419.

Déposition de Jean Fulgoux, ibidem.

420.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 8 janvier 1852 de Marie Moulin épouse Vincent, 36 ans, cabaretière à La Croix, commune de Creysseilles.

421.

. Déposition de Jean Fulgoux, déjà cité.

422.

Arch. départ Ardèche 5M15. Déposition en date du 15 janvier 1852 de Radegonde Boiron, 45 ans, épouse Dusserre aubergiste demeurant à L’Escrinet commune de Saint-Étienne-de-Boulogne.

423.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Déposition en date du 19 janvier 1852 du gendarme Jean-Louis Clap, 37 ans, en résidence à Aubenas, devant Eugène Durand.

424.

Déposition en date du 20 janvier 1852 de Martin Bresson, 40 ans brigadier à Antraigues devant Emmanuel Gamon, juge de paix du canton d’Antraigues.

425.

Aujourd’hui Saint-Andéol-de-Vals.

426.

Arch. départ 5M17. Interrogatoire en date du 9 février 1852 de Cyprien Lebrat, 40 ans. Il pourrait s’agir de la lettre que Jean-Louis Marion n’avait pas voulu porter à Combier.

427.

Etienne Ducamp (1819-1877), ancien rédacteur du Républicain du Gard. Pour les questions concernant l’insurrection dans le Gard, lire Raymond HUARD. La préhistoire des partis…, ouv. cité.

-, Article publié dans Regards sur la France méridionale, XVIIIe - XXe siècles. Mélanges offerts à Marianne Leulliez, réunis par Roland Andréani et Henri Michel, Montpellier, Centre d'Histoire moderne et contemporaine de l'Europe méditerranéenne et de ses périphéries, 2002, pp. 73-90.

428.

Arch. dép. Ardèche. 5M55 Lettre de demande de pension d’indemnisation en date du 14 décembre 1882 de Thomas Bonnaure. Thomas Bonnaure ne cite pas les prénoms des deux personnalités mentionnées dans sa lettre.

429.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition en date du 29 janvier 1852 de Jean Chabrel, de Payzac, 48 ans, devant le procureur de la République Jean-Jacques Métivier.

430.

Arch. dép. 5M16. Déposition en date du 29 janvier 1852 de Jean Chabrel, ibidem.

431.

Arch. dép. 5M16. Déposition en date du 11 mars 1852 d’Antoine Argenson, 40 ans, garde champêtre de la commune de Payzac. Selon la déposition en date du 6 janvier 1852 de Vincent Charousset, maire de Lablachère devant le procureur de la République : « Il est établi pour moi que Mazon seul a tout organisé dans Lablachère dans la vue d’un plan d’ensemble de la démocratie de l'arrondissement soit pour l'attaquer soit pour la défendre selon les événements ».

432.

Robert SERRE, ouv. cité, p. 134.

433.

Arch. dép. Drôme. M1359 (3). Malade, Combier a quitté Paris dans les derniers jours d’octobre 1851. Il souffre de douleurs rhumatismales compliquées d’une inflammation de la vessie et toute locomotion lui est impossible. Il a demandé au président de l’Assemblée nationale un congé pour se reposer dans sa famille.

434.

Robert SERRE, Dix mille Drômois… ouv. cité p. 186.

435.

Interrogatoire Vigouroux, déjà cité.

436.

Noyer aurait prêté 100 francs à Vigouroux dans les années 1848 en échange de quelques soins.

437.

Chabert, ingénieur à Aubenas, battu aux élections législatives d’avril 1848, élu représentant du peuple en mai 1849.

438.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition en date du 19 janvier 1852 de Marie Berthon épouse Théodore Boyer, 26 ans, aubergiste à Vals, devant le juge de Paix Eugène Durand.

439.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Interrogatoire d’Henri Fargier en date du 23 janvier 1852.

440.

Interrogatoire Fargier, ibidem. Au cours de l’interrogatoire, Henri Fargier nie en bloc tous les faits reprochés.

441.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition de Claude Terrasson en date du 2 janvier 1852.

442.

Arch. dép. Ardèche 5M17.

443.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition d’Émile Lenoir devant le juge de paix du canton de Viviers en date du 22 janvier 1852.

444.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date du 2 et 12 janvier 1852de Frédéric Ollivier ancien maire, 65 ans, demeurant au Teil.

445.

Candidat malheureux aux élections d’avril 1848.

446.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date du 31 décembre 1851 de Pierre Faure, 55 ans, devant Valladier.

447.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date du 19 janvier 1852 de Victor Roury, 29 ans charpentier.

448.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date des 2 et 19 février 1852 de Régis Vieux, 22 ans, domestique, devant Henri Lantouzet juge de paix du canton de Rochemaure.

449.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date du 6 janvier 1852 de Pierre Farge, 26 ans, cultivateur, devant Henri Lantouzet, juge du canton de Rochemaure.

450.

Aujourd’hui La Bastide-sur-Bésorgues.

451.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition en date du 21 janvier 1851 de Louis Delaygue père, 56 ans cultivateur au hameau de Moucheyre, commune de Labastide.

452.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Interrogatoire de Pierre Teston en date du 23 janvier 1852.

453.

Le médecin Jean Baptiste Vigouroux a rencontré François Mazade dans la journée du 4.

454.

Arch. dép. Ardèche 5M16. Déposition de Hilarion Comte, 30 ans propriétaire à Saint-Andéol-de-Bourlenc.

455.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition de Victor Haon, 45 ans, propriétaire à Antraigues.

456.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition de Ferdinand Gleizal, 48 ans, limonadier à Antraigues.

457.

Déposition de Ferdinand Gleizal, ibidem.

458.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition de Jean-Louis Salomon, 58 ans, maire d’Antraigues.

459.

Déposition de Jean-Louis Salomon, ibidem.

460.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition d’Emmanuel Terrasse, interrogatoire en date du 31 décembre 1851.

461.

Arch. dép. Ardèche. Déposition de Louis Fayette, 47 ans, propriétaire et adjoint de Labégude.

462.

Arch. dép. 5M16. Déposition en date du 24 janvier 1851 de Victor Fabre devant le tribunal civil de Largentière.

463.

Arch. dép. Ardèche 5M16. Déposition en date du 9 mars 1852 de Vincent Charousset, maire de Lablachère, 39 ans.

464.

Arch. dép. Ardèche 5M16. Déposition en date du 13 mars 1852 de Joseph Domergue, 33 ans, cordonnier au hameau de La Jaujon, commune de Lablachère devant Théodore Plagnol, suppléant du Juge de Paix du canton de Joyeuse.

465.

Arch. dép. Ardèche Y137. Extrait du registre d'écrou maison d'arrêt Privas. Entré le 23 juin 1853. 1m70, menton à fossette, yeux gris, cheveux noirs, barbe noire. Sans profession. 27 ans. Inculpé de délits politiques.

466.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Déposition en date du 12 décembre 1851de Paul Pierre Villard, maire de la commune de Lagorce et déposition en date du 15 décembre 1851 de Jean Eldin, 57 ans, propriétaire à Lagorce, devant le juge Dupoux.

467.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Déposition en date du 10 décembre 1851 de Félix Antoine Cachon, commissaire de police de Vallon devant David Dupoux juge de paix du canton de Vallon.

468.

Arch. dép. Ardèche. 5M18. Déposition en date du 19 décembre 1851de Emile Auguste Pascal

469.

Déposition de Emile Auguste Pascal, ibidem. Confirmé par la déposition de Faulet. Arch. Nat. F15 4153 Note du sous-préfet de Largentière en date du 10 novembre 1882 : « le nommé Favoulet Jean-Louis, de Vallon a été écroué sous le nom de Faulet Louis. Le nom de Favoulet est inconnu ».

470.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Interrogatoire en date du 14 janvier 1852 de Michel Alexandre, maréchal ferrant et cultivateur à Vagnas.

471.

Arch. dép. Ardèche 5M14. Le sous-préfet Nau de Beauregard au préfet en date du 7 décembre 1851.

472.

Arch. dép. Ardèche. 5M17. Interrogatoire en date du 17 janvier 1852 d’Antoine Chazalet, 40 ans, garde champêtre à Saint-Laurent-du-Pape.

473.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Interrogatoire en date du 27 janvier 1852 de François Cholvy, 29 ans, boisselier à Saint-Laurent-du-Pape.

474.

Arch. dép. Ardèche. 5M17. Déposition en date du 8 janvier 1852 de Ferdinand Bonnet, aubergiste à Beauchastel.

475.

Arch. départ 5M17. Déposition de Marie Bourget épouse Jean-Louis Bosviel, de Privas.

476.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition de Ferdinand Bonnet, aubergiste à Beauchastel en date du 8 janvier 1852.

477.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Rapport du Procureur de la République près le Tribunal civil de 1ère instance de Tournon en date du 11 février 1852.

478.

On en trouve la confirmation dans le livre de Robert Serre, déjà cité, p. 202 : « […] le commissaire de police apprend qu’une tentative d’investissement de Valence doit venir du côté ardéchois : selon des “avis positifs” dit le général Lapène, on attend la venue de 500 hommes de Saint-Péray, Charmes, Guilherand, Toulaud, Soyons et Cornas qui doivent se réunir aux Granges et venir investir Valence, commandés par Louis Bleton, carrier et appareilleur d’un marchand de fer ».

479.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Rapport du commissaire de police en date du 15 décembre 1851.

480.

Robert SERRE, ibidem.

481.

La voiture transportant Marie Bosviel arrive à destination à 4 h du matin.

482.

Arch. départ 5M17. Déposition du commissaire de police de Valence en date du 8 janvier 1852. « Mur (sic) a été arrêté le 7 décembre à 3h30 du matin à la tête du pont du côté de Valence. Il fut amené à mon bureau. Il portait un caban. Il se sauva au moment où on allait le mettre au violon ». Arrêté en compagnie de Ray, Pascal, Rouveyre.

483.

Robert Serre précise dans son livre, déjà cité, que Louis Rouveyre a été arrêté vers cinq heures du matin, porteur de deux pistolets chargés, de la poudre et douze chevrotines, p. 203.

484.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition du commissaire de police de Valence en date du 8 janvier 1852.

485.

Robert SERRE, 1851… déjà cité, pp 201-208.

486.

Au nord/ouest d’Alboussière.

487.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Rapport du Procureur de la République près le Tribunal civil de 1ère instance de Tournon en date du 11 février 1852.

488.

Robert SERRE, déjà cité, p. 201.

489.

Arch. dép. Ardèche 5M17. Déposition en date du 26 janvier 1852 de Vincent Chape, maçon à Saint-Péray.

490.

Arch. dép. Ardèche. 5M17 rapport du Procureur de la République près le Tribunal civil de 1ère instance de Tournon en date du 11 février 1852.

491.

Arch. dép. Ardèche 5M14. Le sous-préfet au préfet en date du 21 décembre 1851.

492.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Lettre témoignage de Dupré en date du 1er janvier 1852 qui atteste sous la foi du serment qu’il a vu Vigouroux à Villeneuve-de-Berg vers les 11 heures.

493.

Déposition d’Étienne Mouton en date du 27 janvier 1852. Mouton reconnaît Vigouroux qui lui est présenté comme l’un des trois individus qui lui mit le pistolet sur la poitrine.

494.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Déposition en date du 16 janvier 1852 d’Étienne Mouton, 20 ans, cultivateur à Montbrun, commune de Saint-Gineis.

495.

Arch. dép. 5M15. Interrogatoire de Louis Chaussignand en date du 10 janvier 1852, 55 ans, cabaretier et maréchal ferrant

496.

Déjà cité, acquitté de son inculpation de complicité dans l’organisation du complot de Lyon.

497.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Déposition en date du 17 janvier 1852 devant Eugène Durand de Clotilde Maurin, 44 ans, propriétaire à Massiol, hameau de la commune de Saint-Michel-de-Boulogne.

498.

Déposition de Clotilde Maurin, ibidem et déposition de Jacques Boyer, 45 ans, au cours de son interrogatoire en date du 6 janvier 1852 devant Eugène Durand.

499.

Clotilde Maurin, ibidem.

500.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Le cabinet du juge de paix en date du 20 janvier 1852 au juge d’instruction : « Il serait essentiel d’entendre Jacques Reynier, de Gourdon. Le 6 décembre, il était domestique de M. Bouchard maire de Saint-Didier. Il eut la permission d’aller à Saint-Andéol-de-Bourlenc, il tomba sur une suite commandée par Briand ex juge de paix ».

501.

Clotilde Maurin, ibidem. Déposition du gendarme Fabregoule, 33 ans, en résidence à Aubenas.

502.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Interrogatoire en date du 3 février 1852 de Baptiste Espic, 41 ans, cultivateur au hameau du Devès, commune de Saint-Andéol-de-Bourlenc.

503.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Déposition de Louis Saussac, 32 ans, propriétaire au hameau de Salavert, commune de Saint-Julien-du-Serre.

504.

Interrogatoire Jacques Boyer, déjà cité.

505.

Arch. dép. Ardèche. 5M15. Témoignage d’Henri Lantouzet, 52 ans, propriétaire à Vals et commandant le poste établi chez Baylon près de la fabrique Gaucherand sise à proximité du pont suspendu.

506.

Arch. dép. Ardèche. 5M14. Le préfet au ministre en date du 13 décembre 1851.

507.

DUMONT De MONTROY, Souvenirs de Léon Chevreau, ouv. cité, p. 51.

508.

Il n’y aucune trace de cet événement dans le Courrier de la Drôme et de l’Ardèche ; ni dans les rapports de la gendarmerie au préfet.

509.

Arch. nat. F15 3193. Dossier de demande de pension déposé par Pélagie Laville, veuve de Désiré Bouvier. Lettre en date du 25 juillet 1881.

510.

Arch. nat. F15 3193. Dossier de demande de pension déposé par Louis Feschet fils. Lettre en date du 5 septembre 1881.

511.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Déposition de François Jacques devant Ladreyt en date du 19 décembre 1851.

512.

Paul RICŒUR, Temps et Récits. 3. Le temps raconté, p. 273.

513.

Paul RICŒUR, idem, p. 274. Citation à propos d’une analyse de la pensée d’Hayden White dans Metahistory.