B.- « Profils sociologiques » d’une insurrection

Ce chapitre aborde un aspect délicat de l’étude en entrant dans le domaine des théories de la psyché ²⁰⁶⁰ , notamment celles qui concernent les « foules ». Certes, Gustave Le Bon  ²⁰⁶¹ , Gabriel Tarde  ²⁰⁶² , Scipio Sighele  ²⁰⁶³ et Sigmund Freud  ²⁰⁶⁴ ont été les précurseurs en la matière en essayant de théoriser cette « psychologie des foules » à l’aube du XXe siècle, mais l’historien qui s’aventure dans ce champ de la psychologie sociale doit être prudent car il n’est pas en situation de « dialogue exigeant et constant avec les disciplines qui prétendent rendre compte des processus de fabrication de ces cadres et contenus de pensée, la psychologie et la psychanalyse »  ²⁰⁶⁵ . Sigmund Freud rappelait aussi dans l’introduction de son ouvrage consacré à la Psychologie collective et analyse du moi :

‘« La psychologie collective, […], embrasse un nombre incalculable de problèmes et impose au chercheur des tâches innombrables, encore mal ou insuffisamment différenciées »  ²⁰⁶⁶ . ’

Ces écueils ne découragèrent pas Serge Moscovici. En 1981, il publiait un Traité historique de psychologie des masses  ²⁰⁶⁷ qui reprenait en substance une série de conférences données à l’Université de Louvain. Serge Moscovici reconnaissant qu’il y a « un mystère des masses »  ²⁰⁶⁸ que les idées de Le Bon, Tarde et Freud avaient contribué à éclaircir, il se proposait de « rechercher un lien un lien entre elles et de mettre à jour leurs fondements », autrement dit : « une reconstruction logique de chaque théorie pour montrer les progrès accomplis par son auteur en donnant une solution aux problèmes que ses devanciers avaient laissé en suspens »  ²⁰⁶⁹ . Si nous utilisons l’ouvrage de Serge Moscovici, nous nous en éloignons aussi car dans cette partie, nous mettons plutôt l’accent sur l’individu et sur la relation interindividuelle. Ici pas de « grands hommes », pas de héros ni d’hommes « providentiels », mais 771 noms répartis en sept profils définis selon leur degré d’implication dans les événements de Décembre 1851 et établis en fonction de la caractéristique majeure ou dominante caractérisant l’individu à ce moment. Seront ainsi distingués : « les « initiateurs », les « meneurs », les « suiveurs », les « suspects », les « fugitifs » et deux catégories marginales qu’il convenait de distinguer des précédentes : les « altruistes » et les « victimes ». Cette répartition s’organisant selon trois moments permet de distinguer : la période de l’avant coup d’État avec les « initiateurs », l’intervalle de l’action immédiate avec les « meneurs » et les « suiveurs », enfin le temps de l’après coup d’État avec les « suspects » et « fugitifs », les « altruistes et les victimes ».