1°) Profils de résistants au coup d’État à Saint-Lager-Bressac et Saint-Vincent-de-Barrès

Le territoire de ces deux communes voisines situées à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Privas et à une vingtaine de kilomètres de Montélimar s’étirent le long d’une plaine insérée entre deux élévations : à l’est, la colline étroite et allongée des monts du Barrès, à l’ouest, les contreforts du plateau du Coiron. Cette vallée fertile surplombant la vallée du Rhône est facilement accessible par la route. Peuplée d’environ 760 habitants en 1851, la commune de Saint-Lager-Bressac est très étendue et se compose d’une trentaine de hameaux et d’une trentaine de maisons isolées  2118 soit 60 quartiers. La commune de Saint-Vincent-de-Barrès avec plus d’un millier d’habitants est plus resserrée et ne compte qu’une dizaine de hameaux. L’habitat est plus groupé et il n’y a pas de maisons isolées comme dans la commune voisine.

Dans la journée du 4 décembre 1851, des villageois de Saint-Lager-Bressac se mobilisent sur le territoire de Saint-Lager et rejoignent, en fin d’après-midi, d’autres hommes en armes rassemblés sur la place du village voisin de Saint-Vincent-de-Barrès. Tous prennent la direction de Chomérac via le village de Saint‑Bauzile. Arrivés à Chomérac, le chef-lieu du canton, trois tambours battent le rassemblement et un ensemble composé d’environ 400 à 600 personnes se met en marche en direction de la préfecture Privas. Aux lisières de la ville, atteinte vers les 20 heures 30, des coups de feu sont échangés entre les insurgés et la gendarmerie secondée par la troupe de ligne en résidence à Privas. La détermination des combattants semble faiblir avec le temps. Dans la nuit, le groupe se désagrège et l’ordre est rétabli dès les premières heures de la matinée. Le lendemain, les premières interpellations commencent. Quarante-six personnes à Saint-Lager-Bressac et 58 à Saint-Vincent-de-Barrès sont inculpées ou convoquées devant le juge d’instruction pour déposer. Vingt-cinq sont condamnées. La commission mixte prononce deux transferts au bagne de Cayenne  2119 , 18 peines de transportation en Algérie  2120 , quatre mises sous surveillance. La condamnation restante prend la forme d’une sanction économique avec la fermeture d’un débit de boissons  2121 arrêtée par le préfet de l’Ardèche. Quatre vingt-six individus ont été incorporés dans le corpus des profils, la proportion s’équilibrant à peu près entre les deux villages avec 41 profils identifiés à Saint-Lager-Bressac et 45 à Saint-Vincent-de-Barrès.

Représentativité des profils à Saint-Lager-Bressac (SLB) et Saint-Vincent-de-Barrès (SVB)
Profils Nombre
Religion Répartition Verdict des commissions mixtes
Cath Prot SLB SVB Cayenne Algérie Surveillance Liberté
« Victimes » 2 1 1 2 - 1      
« Suspects » 8 2 3 5 3   2 A+    
« Suiveurs » 63 29 17 28 35   6 A+ 4 1
« Meneurs » 9 4 4 4 5 1 5 A+/1 A-    
« Initiateurs » 4 1 2 2 2   4 A+    
TOTAL 86 37 27 41 45 2 18 4 1
  Signent Ne signent pas Non renseignés Total
Profils SLB + SVB 44 17 25 86
Profils protestants identifiés 17 1 9 27
Profils catholiques identifiés 20 12 5 37
Profils confessionnels non renseigné 7 4 11 22
Alphabétisation des pères des profils 34 35 17 86
Alphabétisation des mères des profils 4 32 50 50
Profils mariés 25 13 5 43
Age au mariage des profils 27 ans (34 mariages identifiés)
Age au mariage des conjoints  
Pourcentage de la répartition des profils par tranches d’âge
Répartition par âge Profils SLB+SVB Signent Ne signent pas ?
14/20 ans 8 2 0 6
21/25 ans 19 12 4 3
26/30 ans 9 4 0 5
31/35 ans 16 6 6 4
36/40 ans 12 8 1 3
41/45 ans 10 5 3 2
46/50 ans 6 4 1 1
51/55 ans 4 1 2 1
56/60 ans 0 0 0 0
Plus de 60 ans 2 2 0 0
Total 86 44 17 25
Moyenne d’âge 33,5 ans
Pourcentage de la répartition des profils par tranches d’âge
  <=20 ans 21/25 ans 26/30 ans 31/35 ans 36/40 ans 41/45 ans 46/50 ans 51/55 ans > 55 ans
% participation 9,3 22,1 10,5 18,6 14,0 11,6 7,0 4,7 2,3
Signent 25,0 63,2 44,4 37,5 66,7 50,0 66,7 25,0 100,0
Ne signent pas 0,0 21,1 0,0 37,5 8,3 30,0 16,7 50,0 0,0
? 75,0 15,8 55,6 25,0 25,0 20,0 16,7 25,0  

Dans l’ensemble, les profils de Saint-Lager-Bressac et Saint-Vincent-de-Barrès présentent les mêmes caractéristiques que le modèle défini précédemment tant sur la moyenne d’âge des inculpés (33,5ans), que sur la répartition des groupes d’âge et l’alphabétisation de l’échantillon. Toutefois, on observe une moindre représentativité de la tranche d’âge des 26/30 ans. Plus de la moitié de l’effectif sait signer avec une incertitude de près de 30%, mais il ressort que le groupe protestant semblerait plus alphabétisé que les catholiques.

Notes
2118.

Jusqu’en 1825, il existait deux communes distinctes : Saint-Lager et Bressac qui ont fusionné essentiellement pour des raisons fiscales.

2119.

Au total, il y eut 169 condamnations à la transportation en Algérie et douze à Cayenne. A Saint-Lager-Bressac sont condamnés Daniel Merlin, propriétaire, né le 20 mars 1808, marié, sans enfant et Jean-Pierre Régis Puaux, né le 26 octobre 1815, marié avec 6 enfants.

2120.

17 en Algérie « avec plus », une en Algérie « avec moins ».

2121.

Jean Charles Grégoire, né le 22 juin 1812 à Rompon, hameau de Creyssac. Arrêté du préfet en date du 9 décembre 1851 fermant le café de Grégoire à Cruzançon hameau de Saint-Lager-Bressac. Arch. départ. Ardèche. 3K85, n°215.