3°) Les « suspects »

Ils exercent en général une profession au contact du public, ce qui les place dans la position de suspects attendus. Ces suspects les plus « ordinaires » sont les aubergistes et les cabaretiers, à l’instar d’Hippolyte Villard dont il a déjà été question précédemment. Cafetier et débitant de tabac, Villard doit faire preuve de beaucoup de diplomatie et rester prudent car le privilège de tenir un bureau de tabac dépend du bon vouloir des autorités et son café n’est pas à l’abri d’une fermeture administrative. Le sous-préfet en déplacement à Vallon au mois d’avril 1850 ne lui avait laissé aucune illusion à ce sujet et au court d’un entretien privé lui avait signifié que :

‘« […] l’autorité avait les yeux ouverts sur lui, […] qu’il était de son devoir de faire servir cette influence au maintien de l’ordre et du respect des lois et qu’il serait impitoyablement révoqué s’il se montrait hostile au gouvernement dont il dépendait comme fonctionnaire »  2216 . ’

Il s’était donc plié aux exigences de l’administration en interdisant qu’on tienne dans son établissement des réunions électorales et qu’on s’abstienne d’entonner des chansons qui pourraient tomber dans la catégorie des délits politiques  2217 . La réaction des « républicains avancés » ne s’était pas fait attendre : Villard fut rapidement considéré comme « un traître et un apostat »  2218 et son café progressivement déserté. Apparemment, ces gages ne suffirent pas car, au cours de l’automne 1850, Villard fut révoqué de ses fonctions de buraliste. Se sentant libéré de ses « obligations » et de son devoir de réserve, il renoua avec ses anciens « clients », ce qui attira la vigilance accrue du commissaire de police qui ne manqua pas une occasion de lui dresser procès verbal et d’adresser au sous-préfet un rapport en bonne et due forme :

‘« Depuis trois semaines, il ne se passe pas de jours sans que je ne sois averti que le café Villard à Vallon est le lieu de rendez-vous de tous les rouges de la ville. Là on tient des propos coupables, on chante le “ça ira les aristocrates à la lanterne”. Villard qui agissait peu avant sa suspension mais était déjà un des chefs secrets des socialistes à Vallon, maintenant lève complètement le masque. Non seulement son langage est celui d’un rouge, mais il s’entoure d’hommes les plus dangereux, sa maison devient un club perpétuel qui entretient à Vallon cet état de surexcitation dont l’assassinat heureusement fort incomplet du commissaire de police me semble uniquement une conséquence »  2219 . ’

Intolérabilité et résistance, la mise en relation de l’une avec l’autre a déjà été abordée. Villard doit maintenant se conformer à l’image que les républicains attendent de lui. En décembre 1851, de « suspect », il devient « meneur » et harangue la foule rassemblée devant la façade de l’hôtel de ville :

‘« Notre intention est de nous rendre maître de l’hôtel de ville, d’y établir un poste et de nous emparer des armes qui s’y trouve. Le peuple a reconquis ses droits et Combier marche sur Privas à la tête de 10 000 hommes. Aubenas est prise, Villeneuve-de-Berg est prise, Nîmes est au pouvoir du peuple et nous voulons ce soir marcher sur Largentière »  2220 . ’

Les rapports du commissaire de police n’ont pas été sans conséquence pour le cafetier arrêté une semaine après les événements. Le commissaire peut enfin souffler :

‘« Je peux vous assurer que c’est un grands poids de moins dans le pays, surtout pour moi car c’était lui le principal moteur, malheureusement pour lui il se trouve doué d’une intelligence dont il n’a su se servir que pour induire les gens en erreur »  2221 . ’

La commission mixte qui étudie le dossier de l’inculpé le condamne à l’internement à plus de « dix myriamètres du département »  2222 . En conséquence, le 12 avril 1852, Villard s’apprête à prendre la direction du sud de la France, assigné à résidence en compagnie de trois autres dans la ville de Béziers  2223 lorsqu’il bénéficie d’une grâce présidentielle transformant son transfert en mise sous surveillance. En 1858, un rapport de la gendarmerie confirme que son café est toujours « fréquenté par les socialistes », mais, s’il a conservé « ses opinions démagogiques », il en fait maintenant une affaire privée et « ne fait plus aucune démonstration »  2224 de sa ferveur républicaine. Le sous-préfet en prend bonne note et résume ces annotations à son supérieur hiérarchique : « Le chef de l'insurrection de 1851. Très influent, très dangereux »  2225 , cependant, il ne fit pas l’objet d’une arrestation.

Si les débitants de boissons constituent des suspects « usuels », il y a aussi ceux qui exercent une profession « sensible » dans les moments de troubles : les armuriers. Louis Luc Casimir Allemand domicilié à Joyeuse en a fait les frais, pourtant les républicains de 1881 ne l’ont pas reconnu comme une victime du coup d’État  2226 . D’ailleurs à cette époque qui se souvenait de l’armurier Allemand ? Meynier, le maire de Largentière transmet au préfet la pétition de la veuve qui veut faire valoir ses droits. La demande est accompagnée d’une courte note d’informations :

‘« Il a quitté depuis longtemps le pays. Il a été traqué lors du coup d’État et emprisonné. Je n’ai pas appris qu’il ait été condamné. Il a été souvent tracassé et malmené »  2227 . ’

Mais finalement, pourquoi ne pas donner satisfaction à la veuve en la faisant bénéficier d’une pension au titre des victimes du 2 décembre? Si « l’arquebusier » François Casimir Allemand n’a pas été condamné par la commission mixte, c’est parce qu’il n’a pas été arrêté après les prises d’armes de décembre 1851. Pourtant son nom figure sur la liste des « suspects » qui dans « un moment de journées peuvent pousser à l’insurrection ou à la révolte »  2228 . Au mois de mars 1852, le tailleur d’habits de Joyeuse, Jean Boutière, le désigne dans sa déposition comme l’un des chefs supposés des sociétés secrètes  2229 . Alors, qui était-il au regard des sources d’archives intéressant sa personne ?

Avec 46 ans de différence d’âge avec son père et 40 ans avec sa mère, Louis Luc Casimir est le dernier né d’une lignée qui aurait comporté huit enfants si la contingence des événements de la vie n’avait pas fait disparaître la plus grande partie de la fratrie dès les premiers jours de leur existence. A l’exception de deux sœurs plus âgées, la répétition des pertes successives a fait de Louis Luc Casimir un « aîné » de la famille. Il voit le jour treize mois après le décès de son frère qui n’a vécu qu’une dizaine de jours. Il prolonge la mémoire et les espérances parentales de ce fils disparu en portant ses deux prénoms.

Le père et le fils exercent la même profession mais les relations avec son père semblent avoir été conflictuelles aux dires du maçon Antoine Codol qui connaît « Allemand depuis sa plus jeune enfance »  2230 . Issu d’un milieu familial où les deux parents sont alphabétisés, Louis Casimir s’implique dans la politique avec l’avènement de la Seconde République en rejoignant le « Cercle démocrate » présidé par le médecin Bonnaure, mais il en aurait été exclu. En mars 1850, lors des élections partielles tenues pour le remplacement du député Rouveure démissionnaire, Allemand est pris à partie dans la salle municipale par un dénommé Beaussier qui le bouscule et le frappe. Faut-il voir un rapport de cause à effet avec le passage en correctionnelle d’Allemand au mois d’août 1849, pour répondre d’une accusation de coups et blessures envers Anne Vincent, veuve de Jean Baptiste Beaussier ? Les raisons de cette violence envers cette femme âgée d’une cinquantaine d’années, veuve depuis huit ans de son mari qui exerçait la profession de chapelier restent obscures. Au mois de mai 1849, elle avait assigné en justice de paix six membres du « Cercle démocrate » pour les contraindre à lui verser 22,50 francs, somme non payée à l’échéance du « loyer verbal d’une grande salle de sa maison sise au quartier de la Recluse »  2231 . Allemand ne faisait pas partie du nombre des cités à comparaître. Faut-il aller chercher les causes de ce ressentiment dans un différent lointain qui aurait opposé le mari d’Anne Vincent avec l’une des sœurs aînées de Louis Casimir ? L’hypothèse s’échafaude sur l’activité professionnelle de chacun. Jean Baptiste Beaussier était chapelier, Marie-Louise Félicité Allemand exerçait la profession de modiste  2232 . Une rivalité commerciale aurait pu dégénérer et lorsque Marie-Louise avait suivi son mari négociant à Saint-Étienne, dans la Loire, Louis Casimir restait le dernier représentant du nom à Joyeuse  2233 . Le Juge du tribunal correctionnel devant lequel était assigné Allemand n’ayant pas été convaincu des arguments de la partie civile avait acquitté Louis Casimir Allemand  2234 . Mais sa décision n’avait certainement pas contribué à apaiser les ressentiments.

L’année 1850 est marquée par la structuration des réseaux des sociétés secrètes, une recrudescence des manifestations politiques d’opposition au gouvernement dont l’expression emprunte des formes diverses, le tout s’accompagnant d’actes d’insubordinations délibérés envers les autorités  2235 . Le dimanche 28 juillet 1850, « jour de la Sainte-Anne patronne des marchands et des artisans du bois », la fête corporative des ouvriers du bois prend une tournure inattendue. Le fabricant de chaises, Jean Reverger, faisant office de maître de cérémonie avait donné les consignes intéressant le comportement à observer lors des festivités : les chansons politiques seraient à proscrire du répertoire des acteurs  2236 . Il avait aussi accepté que Louis Casimir Allemand se joigne à la fête « quoiqu’il n’appartienne pas à notre corps d’état, mais il travaille aussi le bois pour monter les fusils »  2237 . A la fin du repas, Allemand se lève et réclame l’attention de l’assistance pour chanter une chanson. Jean Reverger est inquiet, Allemand lui avait pourtant promis de se tenir tranquille. Les premières paroles apaisent ses craintes, il s’agit d’une « chanson d’ouvrier qui ne pouvait avoir rien de blessant pour personne. Une chanson dont le refrain est “au nom du christ et de la liberté” »  2238 . Le banquet se termine dans la bonne humeur et les convives, avant de se séparer, entament en farandole un dernier tour de ville en parcourant les quartiers de Joyeuse au son du tambour. Le café Bauzely situé sur la place couverte de la Recluse leur donne l’occasion de se reposer et de se rafraîchir. Les passants déambulant dans les rues sont attirés par les chants et la mise en scène qui les accompagne. Les menuisiers sont rangés autour d’une table sur laquelle est juchée un individu et qui, à intervalles réguliers, passe le tranchant de sa main autour de sa gorge  2239 . Le perruquier Antoine Vaschalde s’approche et reconnaît le refrain d’une complainte dont les paroles ne lui sont pas inconnues. Il les a identifiées avec une précision remarquable pour les avoir lues dans un journal, précise-t-il dans sa déposition devant le juge d’instruction de Largentière  2240  :

‘« La chanson qu’il chantait me semblait être la même que celle qui se trouve dans le journal le Droit du 12 août 1849 à la quatrième colonne de la première page. Je me rappelle les mots du refrain : “Républicains, voici la guillotine”  2241 . Après chaque couplet on entendait le tambour battre un ban et en même temps le cabaretier venait verser à boire à chacun des chanteurs ». ’

Plusieurs personnes ont reconnu Allemand vêtu d’un gilet rouge et d’une cravate rouge mais il ne s’en cache pas et il n’a rien à se reprocher :

‘« Je reconnais avoir chanté Le bal et la guillotine sans faire des gestes simulant la décapitation  2242 . J’ai chanté comme beaucoup d’autres sur les places publiques des chansons dans lesquelles se trouvaient les noms de Robespierre et de Marrast (sic) mais je n’ai jamais crié en public “vive Robespierre !” »  2243 . ’

Les autorités n’ont pas l’air de se satisfaire de ces justifications. Ils ont sous les yeux le rapport d’un brigadier de gendarmerie daté du 4 août 1850 mettant en cause l’armurier Allemand qui a chanté le premier cette chanson relevant du « délit d’offense commis publiquement envers le président de la République » afin d’encourager ses camarades à le suivre  2244 .

A partir de ce mois de juillet 1850, Allemand est pris dans un mécanisme qui oriente l’analyse de tous ses faits et gestes vers l’état de « suspect » car les autorités harcelées sont à cran. Il est arrêté au début du mois de septembre 1850 et la gendarmerie l’a trouvé en possession d’un passeport à destination de Saint-Étienne avec un retour prévu par Lyon. Circonstance aggravante, il était armé d’un pistolet à piston à deux coups chargé et amorcé. Le témoignage du jeune Philippe de Montravel est accablant : Allemand dont l’activité professionnelle tourne au ralenti  2245 ferait de grosses dépenses dans les auberges, est très souvent en voyage, assiste à tous les banquets politiques dans lesquels « il se distingue par son exaltation démocratique »  2246 . La relation avec l’organisation des sociétés secrètes se mettant en place dans le cadre du complot de Lyon est d’une évidence même pour les autorités. Cette conviction est d’autant plus renforcée par la commande faite à Joseph Laurent, un serrurier de Joyeuse. Le 27 février 1850, Allemand est passé à son atelier avec une barre d’acier d’un mètre de long pesant un kilo et demi. Cette matière première devait servir à la fabrication de six poignards reproduits selon la forme d’un modèle prêté à Laurent par Allemand. Le suspect se justifie  2247 : Saint-Étienne ? Il allait rendre visite à ses deux sœurs car l’aînée a épousé Claude Balay, un commis négociant domicilié là-bas. Le pistolet chargé ? Il appartient à un menuisier de Lablachère qui voulait l’échanger contre une paire de pistolets à un coup. Ses voyages ? Ils sont l’occasion de trouver de l’ouvrage comme en cette fin du mois d’août lorsqu’il se rendit dans le Gard dans les environs de Bessèges, à l’occasion de la fête votive. Il séjourna sur place deux ou trois jours et revint avec la commande d’un fusil à un coup et de deux grands pistolets anciens à mettre à piston.

Allemand est un « républicain avancé »qui n’a jamais caché ses préférences  2248 et le sentiment de harcèlement qu’il peut ressentir en raison de son orientation politique a pu contribuer à lui faire franchir « le seuil de l’intolérabilité ». Au mois de septembre 1850, il est condamné par le tribunal correctionnel de Largentière à dix jours de prison, seize francs d’amende, confiscation de l’objet délictueux et aux frais de justice (10, 80 francs) pour le port d’une arme prohibée. Le jugement est sévère, la condamnation à des peines de prison pour ce motif reste relativement exceptionnelle. Sur 40 affaires jugées en correctionnelle, seules six peines de prison ont été prononcées  2249 . Allemand est défendu par un avocat proche des démocrates, Volsi Arnaud-Coste, qui fait appel de ce jugement. Le 11 novembre, Allemand comparaît à nouveau et bénéficie d’une réduction d’une semaine de sa peine de prison, l’amende est maintenue mais les frais de justice ont augmenté et s’élèvent maintenant à 27,86 francs. Il reste provisoirement en liberté car il est cité à comparaître devant la cour d’assises siégeant à Privas pour répondre du délit d’offense commis contre la personne du président de la République, le 29 juillet 1850. Le 21 décembre 1850, la cour prononce son verdict : Allemand est acquitté. Il sort libre mais c’est pour se présenter une semaine plus tard, le 28 décembre 1850, devant la porte de la Maison d’arrêt de Largentière afin d’y purger sa peine de trois jours  2250 d’emprisonnement. La prison n’a pas entamé sa ferveur républicaine. Au printemps 1851, il participe à la « procession » qui raccompagne l’avocat Jules Cazot  2251 jusqu’aux frontières du Gard, expédition qui provoqua des troubles lors de la traversée du village de Saint-André-de-Cruzières. Allemand est de nouveau suspecté et reçoit, le 31 mars 1851, la visite des autorités qui viennent procéder à son arrestation. Mais tout ne se passe pas comme prévu  2252 . Une soixantaine de personnes entoure les forces de l’ordre, la tension monte. Les menaces d’arrestation ne contribuent pas à faire diminuer la pression et la violence se déchaîne. La foule bouscule les gendarmes, déchire leurs uniformes et tente d’arracher le prisonnier. L’intervention du maire et la détermination des forces de l’ordre contiennent la fureur des assaillants et Allemand peut être conduit dans les locaux de la chambre de sûreté de Joyeuse. Le gardien chef l’incarcère dans une cellule mais laisse la porte ouverte. Le détenu s’esquive mais, poursuivi par la gendarmerie, il est de nouveau arrêté et transféré dans la Maison d’arrêt de Largentière. Cent cinquante à deux cents personnes assistent au départ de l’armurier, la foule est compacte mais reste étrangement silencieuse, « pas un seul cri ne fut proféré à Joyeuse » ce jour-là note le sous-préfet dans son rapport. Le responsable de la Maison d’arrêt consigne dans le registre l’entrée du prévenu le 1er avril 1851, sous l’inculpation de « cris séditieux et d’excitation à la haine entre les citoyens »  2253 . Sa détention se prolonge pendant deux semaines jusqu’au 15 avril 1851, date à laquelle il retrouve sa liberté mais de manière provisoire et sous caution. Désormais, aux yeux des autorités, Allemand apparaît comme le « Mazon de Joyeuse »  2254 qu’il faut mettre hors d’état de nuire. Au mois d’août 1851, sa demeure fait l’objet d’une visite domiciliaire et permet la découverte de quatorze fusils de guerre... Des fusils de guerre chez un armurier ! Le sous-préfet ne désespère pourtant pas de faire tomber Allemand : « cet homme nous l’espérons justifiera difficilement de la possession de ces armes »  2255 .

En décembre 1851, la participation effective d’Allemand à la prise d’armes insurrectionnelle n’est pas avérée. Aucun témoignage ne mentionne son nom au sein des colonnes d’insurgés. Une seule déposition faite au mois de mars 1852 par Jean Boutière, le tailleur d’habits de la ville, le met en cause comme « chef supposé des sociétés secrètes » de la région  2256 mais, c’est la seule charge qui pesa contre lui. Allemand, le républicain convaincu dont l’interprétation de son comportement en fit un « suspect idéal » n’était pas pour autant un insurgé. « Il a été traqué lors du coup d’Etat et emprisonné » écrivait sa veuve près de trente ans après les événements  2257 . Mais il n’y a plus aucun signalement d’Allemand dans les rapports du sous-préfet et de la gendarmerie de l’époque. La dernière trace qu’il a laissé, c’est le 19 janvier 1853, lorsqu’il signe, au bas d’un registre de l’état civil, l’acte faisant de lui l’époux de Victoire Charrière. Parmi les témoins on pouvait apercevoir François Adrien Regourd  2258 , le ferblantier de la ville qui lui, par contre, avait été arrêté au mois de mars 1852, recherché depuis le mois de décembre pour sa participation active à l’insurrection. Considéré comme un « émissaire actif du parti socialiste », inculpé d’avoir « forcé des particuliers à marcher avec les insurgés »  2259 , Regourd était passible de la transportation en Algérie. Le 23 avril 1852, une grâce de dernière minute l’avait affranchi de cette mesure mais Regourd restait placé sous la surveillance des autorités. Un suspect républicain de la Seconde République n’ayant pas participé à la résistance au coup d’Etat choisissant comme témoin un insurgé de 1851 pouvait réactiver les soupçons qui, en leur temps, avaient stigmatisé Allemand. Mais les temps ont changé, « Après le temps de l’épée succède le temps de la paix », il fallait désarmer les passions par des mesures de clémence. Allemand n’est plus persécuté par les autorités et la « conduite exemplaire » de son témoin a été signalée dans un rapport  2260 . Après cette date, seules quelques pièces éparses du puzzle de vie de Louis Luc Casimir Allemand permettent de retracer les grandes lignes de la seconde partie de son existence : la disparition de sa première épouse et son remariage avec Rosalie Lalauze qui établit la demande de reconnaissance de son mari comme victime du coup d’Etat. La dernière pièce porte le nom d’une rue de Marseille : le 73 de la rue Saint-Vincent. C’est dans ce quartier, loin de la terre qui l’a vu naître que, le 21 janvier 1881, disparaît Louis Luc Casimir Allemand, l’armurier suspect de Joyeuse.

Notes
2216.

Arch. dép. 5M10 Le sous-préfet de Largentière au préfet en date du 26 juin 1850. Renseignements sur Hyppolite VILLARD débitant de tabac, déjà cité..

2217.

Ibidem.

2218.

Ibidem.

2219.

Arch. dép. Ardèche 5M10. Le sous-préfet de Largentière au préfet en date du 29 janvier 1851 pour transmission du rapport du commissaire de police de Vallon suite à des manifestations séditieuses qui ont eu lieu le 26 janvier dernier dans le café Villard ex-buraliste à Vallon. Pour les circonstances de la tentative d’assassinat dont a fait l’objet le commissaire de police voir chapitre V, partie A, II, 2°) « Empêcher ou d’interdire toute démonstration tumultueuse » : les représentants de l’autorité face à l’escalade des refus d’obtempérer.

2220.

Arch. dép. Ardèche. 5M18. Déposition de Félix Antoine Cachon, commissaire de police de Vallon, devant David Dupoux, juge de paix du canton de Vallon, en date du 10 décembre 1851.

2221.

Arch. dép. Ardèche. 5M19 Le commissaire de Vallon au sous-préfet en date du 13 décembre 1851 pour l’informer de l’arrestation de Villard.

2222.

A plus de 100 kilomètres. Un myriamètre = 10 000 mètres.

2223.

Arch. dép. Ardèche. Y154. Registre d’écrou de la Maison d’arrêt de Largentière. Ses trois autres compagnons sont : Henri Amable Escoutay, de Salavas ; Jean-Louis Lacroze, de Vallon ; Louis Bouchet, dit « l’Ange », de Vallon.

2224.

Arch. dép. Ardèche 5M31. Renseignements sur les condamnés politiques ou ennemis du gouvernement de l’arrondissement en 1858. Registre n°2.

2225.

Arch. dép. Ardèche 5M31 Le sous-préfet au préfet sur l’état des condamnés politiques de l’arrondissement, en date du 17 mars 1858.

2226.

Arch. dép. Ardèche 5M54. Notice individuelle établie dans le but d’obtenir une pension en tant que victime du 2 décembre. « Rejetée. Préjudice insuffisant ».

2227.

Arch. dép. Ardèche 1Z234. Demande d’indemnité de la veuve Rosalie Lalauze domiciliée à Marseille avec avis du maire Meynier, de Largentière en date du 2 mars 1881.

2228.

Arch. dép. Ardèche. Le commandant de gendarmerie de l’Ardèche en date du 13 décembre 1851 pour transmettre les renseignements recueillis par les chefs de brigade sur les « états des chefs démagogiques, de leurs principaux affiliés, des meneurs socialistes, qui dans un moment de journées peuvent pousser à l’insurrection ou à la révolte.

2229.

Arch. dép. Ardèche 5M16. Déposition de Jean Boutière, 45 ans, ancien tailleur d’habits domicilié à Joyeuse, en date du 9 mars 1852.

2230.

Arch. dép. Ardèche 2U 58. Procédure correctionnelle. Déposition en date du 14 septembre 1850, d’Antoine Codol, 52 ans, maçon. « Il a eu des problèmes de discipline avec son père, il s’est fait chasser d’une société présidée par le docteur Bonnaure ».

2231.

Arch. dép. Ardèche. Justice de paix du canton de Joyeuse 4U9/35. Audience n°107 en date du 25 mai 1849 « entre dame Vincent veuve Beaussier ménagère demanderesse et André Babois limonadier, André Barthélemy boulanger, Camille Pellier agriculteur, Ferdinand Vermalle menuisier, Antoine Codol fils maçon, Auguste Roux ancien boulanger, tous solidaires ». Le montant annuel du loyer s’élève à 90 francs.

2232.

D’après la profession déclarée le jour de son mariage avec Claude Balay, le 2 octobre 1833, à Joyeuse.

2233.

D’après la déposition de Louis Casimir le 14 septembre 1850, sa deuxième sœur, Madeleine Eléonore, s’est aussi installée à Saint-Étienne. Arch. dép. Ardèche 2U58.

2234.

Arch. dép. Ardèche. 3U1 1407. Jugement du tribunal correctionnel de Largentière n°1472 en date du 18 août 1849.

2235.

Voir chapitre IV, partie C, II « 1850, l’année de tous les dangers en Ardèche ».

2236.

Arch. dép. Ardèche 2U 58. Procédure correctionnelle. Déposition en date du 13 août 1850 de Jean Reverger, 65 ans, fabricant de chaises.

2237.

Ibidem.

2238.

Idem. Déposition en date du 13 août 1850 de Simon Goubert, 44 ans, marchand de bois.

2239.

Idem, déclaration en date du 13 août 1850 de Codol Antoine, 52 ans, maçon.

2240.

Idem, déclaration en date du 27 août 1850 de Vaschalde Antoine, 37 ans, perruquier.

2241.

« Républicains, voici la guillotine, à l’Élysée on dansera ce soir », refrain de la chanson Le bal et la guillotine. Voir les paroles chapitre IV, partie B, I Marianne et ses prétendants ardéchois.

2242.

L’un des couplets de la complainte évoque l’exécution : « A l’Élysée on dansera ce soir / Quel bal éclatant, quelle lugubre scène / Contraste affreux, le rire et la douleur / Le président entre au bal, quelle aubaine / Les patients ont vu l’exécuteur / Le couteau tombe, il sépare, il écarte / Le chef du tronc, le sang jaillit tout noir / Et vient tâcher le front de Bonaparte / ».

2243.

Arch. dép. Ardèche 2U 58. Interrogatoire de Louis Casimir Allemand en date du 14 septembre 1850.

2244.

Arch. dép. Ardèche 2U 58. Selon rapport de Lèbre brigadier de gendarmerie en date du 4 août 1850.

2245.

Arch. dép. Ardèche. 2U58. Déclaration en date du 10 septembre 1850 de Laurent Joseph, 27 ans serrurier : « il a mis dix mois pour réparer un fusil à piston appartenant à Joseph Cregut de Saint-Paul-le-Jeune ».

2246.

Idem, déposition de Philippe de Montravel, 23 ans, propriétaire rentier.

2247.

Idem, interrogatoire de Louis Luc Casimir Allemand.

2248.

Idem, déposition de Simon Goubert, déjà cité : « J’ai oui dire qu’il était exalté en politique et qu’on le voyait souvent avec les principaux meneurs du parti qui se dit exclusivement républicain, il passe pour assister à toutes les réunions et banquets politiques, mais je ne sais rien personnellement à son sujet, n’ayant moi-même assisté à aucune de ces réunions ».

2249.

Deux peines d’un mois d’emprisonnement en novembre 1849, deux peines de quinze jours en janvier 1850 et novembre 1851, une peine de dix jours en septembre 1850 (Allemand), deux jours de prison en juillet 1850.

2250.

Arch. dép. Ardèche Y157. Registre d’écrou de la maison de correction de Largentière. Entré le 28 décembre 1850, sorti le 31 décembre 1850.

2251.

Voir les détails de l’affaire Jules Cazot dans chapitre VI, partie A « Retour sur la définition du corpus ».

2252.

Les événements sont reconstitués à partir de deux rapports du sous-préfet de Largentière : un en date du 31 mars 1851, l’autre en date du 2 avril. Arch. dép. Ardèche. 5M11.

2253.

Arch. dép. Ardèche Y 154. Registre d’écrou de la Maison d’arrêt de Largentière.

2254.

Arch. dép. Ardèche 5M13. Selon l’expression du sous-préfet de Largentière en date du 22 août 1851. La biographie de Louis-Victorin Mazon constitue une illustration du profil des « initiateurs ».

2255.

Arch. dép. Ardèche 5M13. Rapport du sous-préfet de Largentière, idem.

2256.

Arch. dép. Ardèche. 5M16. Déposition en date du 9 mars 1852 de Jean Boutière, 45 ans, ancien tailleur d’habit de Joyeuse.

2257.

Arch. dép. Ardèche. 1Z234. Notice individuelle déjà citée.

2258.

François Adrien Regourd, né le 5 août 1824 à Joyeuse, ferblantier, décédé le 27 janvier 1897 à Joyeuse.

2259.

Arch. dép. Ardèche. 5M18 bis.

2260.

Arch. dép. Ardèche. 5M29. Rapport mensuel sur la comparution des prisonniers politiques graciés soumis à la surveillance en date du 15 avril 1853. Regourd ne sera pas plus inquiété en 1858. Un rapport du capitaine de gendarmerie commandant l’arrondissement rappelle qu’il fut un insurgé de 1851, précise qu’il reste socialiste mais sans influence. Arch. dép. Ardèche 5M31 Registre du contrôle annoté des ennemis du gouvernement en date du 2 mars 1858 certifié par le capitaine commandant l’arrondissement. En face de son nom, le sous-préfet qui fait la synthèse des appréciations note : « Sans importance ». Arch. dép. 5M31 Etat des condamnés politiques de l’arrondissement transmis par le sous-préfet au préfet en date du 17 mars 1858.