4°) « les fugitifs »

Le 14 janvier 1852, Michel Alexandre, ancien maréchal-ferrant et cultivateur à Vagnas passe aux aveux. Ce fameux samedi soir du mois de décembre 1851, comme tant d’autres, il s’était rendu à Vallon. Arrivé sur place, on ne pouvait pas manquer le lieu de rendez-vous. Une rumeur sourde montait de la place de l’hôtel de ville, un brouhaha provenant des conversations fébriles d’une foule nombreuse et compacte dont la moitié portait des armes. Tant bien que mal, une colonne parvint à prendre forme et se mit en marche sous le commandement de Saussine qui battait le tambour, d’un serrurier surnommé Dauphiné qui avait un sabre à la main et le charron Dalay qui portait un fusil de chasse  2261 .

Saussine, ce nom là n’est pas inconnu des autorités. Il figure en bonne place dans une liste transmise en date du 13 décembre 1851 par le commandant de gendarmerie de l’Ardèche  2262 et qui fait état des « chefs démagogiques, de leurs principaux affiliés, des meneurs socialistes, qui dans un moment de journées peuvent pousser à l'insurrection ou à la révolte ». Saussine est aussi particulièrement distingué par une mention marginale précisant qu’il est un « chef très dangereux ». Pourtant il ne s’est pas fait spécialement remarquer par les autorités sous la Seconde République et il n’a jamais fait l’objet d’une quelconque condamnation en correctionnelle. Ce n’est apparemment qu’au mois de novembre 1851 que le préfet croise son nom mentionné dans un rapport de l’agent secret Vigier. Ce dernier ayant infiltré les républicains de Vallon, dresse une liste des membres de la société secrète affiliée à la « Nouvelle Montagne »  2263  :

‘« Les meneurs sont : Rédarès Félix (« fugitif ») qui préside ; Villard (Jean François Hippolyte « suspect ») cafetier ; les deux frères Peschaire (Philippe « suiveur » et Abraham Scipion « suspect ») marchands de peaux de lapins ; Valladier (Auguste « suiveur ») menuisier ; Bonnaud François (non signalé en Décembre 1851) ; Souchon (Joseph François Victor « suspect ») armurier ; Dalay (René Magloire « meneur ») et Silhol (Albert « meneur ») charrons ; le médecin Hippolyte Puaux (« suspect ») ; Durand (Louis « fugitif ») tanneur ; Coulet (Fortuné Sébastien « suiveur ») ex-notaire, homme ruiné et taré et n’ayant pas toute la confiance qu’il se donne ; Saussine (François Augustin « fugitif ») menuisier ; Sabatier (Pierre Paul « suspect »), restaurateur au Lyon d’Or ; Testard ( ?) teinturier ; Reverger cordonnier (André aîné « suspect » et Louis François cadet « suiveur »)  ; Rédarès fils du précédent (Félix Oscar « meneur ») ; Claron (François Louis « suiveur ») cabaretier ; Valladier (François Joseph « suspect ») agriculteur, Eldin Frédéric (« altruiste »), et Eldin dit Toulon (non signalé en Décembre 1851) ». ’

Tous ces individus à l’exception d’un seul (Testard ?) sont identifiables et domiciliés à Vallon. Augustin Saussine a des liens plus intimes avec deux d’entre eux : le cafetier Jean François Hippolyte Villard  2264 et le tanneur Louis Durand. L’un et l’autre ont été ses témoins de mariage, Villard, en 1837, lorsque Augustin épousa Victoire Guigon et Louis Durand lorsqu’il se remaria en 1844 avec Marie Félicité Bonnaud. Le café d’Hippolyte Villard a la réputation d’être un lieu de rencontre des républicains du canton. En période électorale, la foule se presse dans son débit de boissons et commente plus ou moins fébrilement les enjeux du scrutin dans des termes peu amènes pour les candidats de l’administration  2265 . Villard passe pour avoir de l’influence dans le monde ouvrier dont il se sent peut-être proche. Son parcours de vie résumé dans un rapport du sous-préfet de Largentière en date du 26 juin 1850 a contribué à orienter sa sympathie envers ce monde ouvrier et c’est peut-être cette communauté de sentiments qui l’a rapproché d’Augustin Saussine :

‘« « Villard appartient à une famille ancienne et autrefois aisée, il a fait la presque totalité de ses études, faute de ressources suffisantes pour entrer dans une carrière libérale, il est devenu plâtrier puis cafetier et débitant de tabac »  2266 . ’

Si Villard, de par ses sympathies et l’exercice de sa profession, est dans le collimateur des autorités depuis 1849, ce n’est finalement qu’un mois avant les événements de décembre 1851 qu’Augustin Saussine devient un suspect. Réalisant que la mise au jour de ses actions antérieures constituerait des charges aggravantes, il a peut-être alors pris la décision de devenir un fugitif. Dans les années 1850, il participait en tant que membre actif à l’affiliation des nouvelles recrues des sociétés secrètes. Eugène Platarès, dit « le Bleu », l’a reconnu dans sa déposition faite devant Léon Ladreyt de la Charrière, le 21 janvier 1852. « Un jour d’octobre 1850, Chamontin, cultivateur et gendre de l’ancien maire Landreau (sic)  2267 , de Salavas », l’a conduit dans une maison et lui banda les yeux. Au premier étage, on procéda à son admission dans la société secrète. Alors qu’il sentait la pointe de la lame d’un poignard sur sa poitrine, il jura de « défendre la République et la Constitution et de ne rien faire contre la Religion et la propriété ». En conséquence, il acceptait de « marcher pour la défense de la République lorsque l’ordre serait donné » et le parjure serait puni de la peine de mort  2268 . Lorsqu’on enleva le bandeau du nouvel affilié, il reconnut Saussine parmi la quinzaine d’individus qui se trouvait réunie. Un mois avant la déposition d’Eugène Platarès, Émile Auguste Pascal avait aussi avoué avoir été « reçu montagnard »  2269 par Saussine. La note du maire de Vallon, Jules Henri Valladier, n’allége pas non plus les charges qui pèsent sur lui car il y est décrit comme « l’un des apôtres les plus exaltés du socialisme (élève de Perdiguier Agricol) »  2270 . Lorsque le 25 février 1852, la commission mixte ouvre son dossier d’instruction, il est en fuite  2271 et l’affaire sera donc vite expédiée : « chef, membre des sociétés secrètes, son intelligence le rend dangereux pour la sûreté publique ». En conséquence, la seule peine applicable est la transportation en Algérie « avec plus ». Pour y échapper, François Augustin Saussine a donc pris le chemin de l’exil genevois, comme Agricol Perdiguier.

Les deux hommes se connaissent pour avoir été en correspondance mais il est difficile d’établir quand la rencontre avec Agricol Perdiguier reçu compagnon menuisier du Devoir de Liberté en 1824 avec le surnom Avignonnais-la-Vertu s’est faite. Deux possibilités : Augustin Saussine le menuisier est un compagnon qui, à l’instar de Perdiguier, aurait pu apprendre à lire au cours de son tour de France, soit ils ont pu établir le contact au cours de l’été 1840, lorsque Perdiguier a entrepris un tour de France de promotion de son livre, Le livre du Compagnonnage, publié durant l’année 1839. Du 16 juillet au 20 septembre 1840, Aurore Dupin, dite Georges Sand, emballée par cet « ouvrage à vocation ethnographique sur les us et coutumes des Compagnons »  2272 avait financé cette « campagne de publicité bâtie sur un Tour de France effectué en diligence »  2273 . La seconde possibilité ne reposant que sur de pures spéculations, certains indices seraient plus favorables à la conservation de la première éventualité. Il y a d’abord l’exercice de la même profession, leur relation épistolaire et le jour de l’insurrection la présence aux côtés de Saussine d’un serrurier surnommé Dauphiné  2274 dont la trace n’a pas été retrouvée. Dans son livre expliquant les rites et coutumes des compagnons, Agricol Perdiguier précise que « dans un grand nombre de Sociétés, les compagnons portent des surnoms »  2275 et « Dauphiné » pourrait bien correspondre à l’un d’eux. De plus, menuisiers, serruriers et tailleurs de pierres compagnons du Devoir se réclament du même ancêtre : Maître Jacques.Il y a aussi un élément troublant difficilement vérifiable à moins qu’il ne s’agisse d’une confusion. Le commandant de gendarmerie de l’Ardèche dressant « son état des chefs démagogiques, de leurs principaux affiliés, des meneurs socialistes, qui dans un moment de journées peuvent pousser à l'insurrection »  2276 mentionne un surnom pour Saussine : « Carcassonne ». Mais quel lien peut-on établir entre ce lieu et l’histoire personnelle de Saussine ? Il existe bien un Joseph Morel, dit « Carcassonne », résidant à Vallon, mais dont ni l’âge ni la profession ne correspondent à ce profil  2277 . Une dernière hypothèse pourrait être envisagée. Si Saussine fait le choix, après le coup d’État, de s’exiler pour plusieurs années à Genève en laissant sa femme et sa fille âgée de six ans, c’est peut-être parce qu’il a acquis une « culture du voyage », culture qui lui aurait permis de franchir le pas car il n’est pas aussi facile de rompre avec son milieu familial pour s’installer dans une terre inconnue  2278 .

La sentence de transportation pèse sur la tête de François Augustin jusqu’au 10 mai 1856, date à laquelle il en est affranchi en bénéficiant d’une grâce présidentielle. Cette mesure de clémence est décrétée tout juste un mois après que Saussine se soit résigné à rédiger sa soumission à l’autorité de l’empereur Napoléon III. « Je resterai proscrit voulant rester debout »  2279 , après quatre années d’éloignement des siens, était-il fatigué de l’exil ? Même Agricol Perdiguier avait fait le choix de rentrer à Paris en décembre 1855. Mais, il y a peut-être une autre raison plus intime que seule la lecture attentive de l’état civil peut déceler. Vers le mois de janvier 1856, soit quatre mois environ avant la rédaction de cette soumission qui s’accompagne du retour d’Augustin, son épouse Marie Félicité a donné naissance à une petite Victoria. Augustin Saussine est-il rentré clandestinement en France au début du printemps de l’année 1855 ? Victoria n’existe pas aux yeux de l’état civil de Vallon, aucune trace, aucune mention. Son existence n’est attestée que par sa disparition notifiée devant le maire le 23 juillet 1857 par le beau-frère d’Augustin, le maçon Jean Baptiste Valette qui a déclaré et signé que « Victoria Saussine, fille d’Augustin Bonnaud et de Marie Félicité Bonnaud est décédée ce jour à l’âge de dix-huit mois ». La naissance de la petite Victoria est certes une « insignifiance » qui n’a bien évidemment pas changé le cours de l’histoire du Second Empire, mais elle a peut-être influé sur la décision d’un des proscrits qui était l’une des composantes de cette histoire.

Son retour en France avait aussi de quoi inquiéter les autorités au regard de ses antécédents politiques. Il n’en fut pourtant rien et toutes sont unanimes à le reconnaître, même en 1858, lorsqu’à la suite de l’attentat d’Orsini les suspects les plus en vue furent arrêtés à titre préventif. Augustin Saussine fit partie du lot, porté le 2 mars 1858 sur le « registre du contrôle annoté des ennemis du gouvernement » comme « Insurgé de 1851, socialiste dangereux par son exaltation mais peu influent »  2280 . Il est incarcéré à Largentière, le 5 mars 1858, « sous prévention de publication de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public »  2281 . Le sous-préfet n’a retenu que l’adjectif « dangereux » dans la synthèse des informations qu’il transmet au préfet le 17 mars 1858  2282 .

Cette arrestation provoque un mouvement de sympathie en sa faveur dont les principaux porte-parole sont le commissaire de police de Vallon et le capitaine de gendarmerie, qui dans leurs rapports plaident sa cause ou bien minimisent sa responsabilité. Le commissaire de police confirme que l’arrestation de Saussine :

‘« […] a produit une impression pénible dans l'esprit public car tout le monde se plait à dire que depuis que Saussine a fait sa soumission au gouvernement de l’empereur et qu’il est rentré en France, il ne s’est occupé que de son travail et qu’il a évité toute espèce de rencontres et de fréquentations avec les condamnés politiques »  2283 . ’

Il évite même de fréquenter les cafés connus pour leurs « relations suspectes » avec les républicains les plus avancés  2284 . Le rapport du capitaine de gendarmerie est plus nuancé mais dédouane aussi l’accusé de toute velléité révolutionnaire :

‘« Rien de particulier sur Saussine. Quoi que gracié d’une partie de sa peine, après avoir été déporté, il n’en a pas moins conservé ses opinions démagogiques, mais aucun acte à signaler qui puisse venir à l’appui de la dénonciation dont il a été l’objet et à la suite de laquelle il a été arrêté »  2285 . ’

Dix-sept jours plus tard, il est libéré. Apparemment, l’exil forcé d’Augustin Saussine a infléchi son activisme des années précédant le coup d’État. Si ses convictions républicaines n’ont pas changé, il n’est plus porté vers la mobilisation des personnes dont il s’était fait un cheval de bataille sous la Seconde République. « Le retour d’exil est encore un exil »  2286 souligne Sylvie Aprile, les souffrances morales que le fugitif exilé a pu endurer ont laissé des blessures à l’âme qui mettent du temps à se cicatriser et il n’est pas si facile de se réinsérer dans le quotidien d’une existence vécue avant la rupture de la fuite. Mais, sous les cendres de l’Empire, la braise républicaine couvait encore. Lorsque la République est restaurée après la capitulation de l’empereur devant Sedan, Saussine sort de sa torpeur et à 63 ans, en 1874, il est élu conseiller municipal de Vallon sur une liste de républicains « avancés » conduite par Claron.

Il est temps de rentrer dans l’intimité familiale de Saussine pour essayer d’éclairer sa personnalité en repérant les éléments qui ont pu contribuer à façonner son « expérience sociale ».

François Augustin Saussine est né le 22 mars 1811, à Vallon, d’un père, Jean Auguste, qui se déclarait habituellement cultivateur sur les registres de l’état civil, à l’exception du 27 avril 1817 lorsque enregistrant la naissance de sa fille Rosalie, l’officier de l’état civil notait la profession de tanneur. Devenu l’aîné d’une famille de trois après la mort de son frère Joseph, François Augustin a vingt ans lorsqu’il perd sa mère, Marie Valladier, décédée le 1er janvier 1831. Le 22 septembre 1837, il épouse Victoire Guigon et bien qu’issu d’un milieu familial ne maîtrisant pas la capacité à savoir signer, lui, d’une plume bien assurée, immortalise son nom au bas de l’acte. Victoire, faute d’instruction, ne pourra pas le faire et se déclara illettrée. Trois enfants naissent de leur union, mais trois enfants qui laissent trois blessures dans le cœur des époux car aucun n’a survécu. Denis Auguste meurt au bout d’une semaine et demie d’existence, Marie Louise survit un mois et demi ; la dernière née en février 1842, Louise Rosalie, disparaît sans laisser de trace dans les registres de l’état civil  2287 . Elle portait l’un des prénoms de sa sœur disparue comme s’il fallait symboliquement perpétuer le souvenir de cette dernière. Le 24 février 1844, après plus de six ans de vie commune, c’est maintenant la mort qui frappe Victoire à l’âge de 34 ans. François Augustin ne conserve de son épouse que le souvenir des moments passés ensemble. Marié sous le « régime dotal à l’exclusion de toute communauté en biens », il est tenu de restituer à sa belle-famille les objets en nature et les sommes d’argent avancées au moment de leur union  2288 . Le 9 août 1844, les héritiers de Victoire lui signent une décharge, François Augustin n’a pas failli à ses obligations et a tout remboursé « rubis sur l’ongle »  2289 . « L’Éternel a donné, l’Éternel a repris »  2290 …. Comment François Augustin a-t-il traversé ces moments de déchirement ?

Il ne reste pas veuf esseulé très longtemps. Six mois jour pour jour après la disparition de sa première épouse, il convole en seconde noce, le 24 août 1844, avec Marie Félicité Bonnaud âgée de 24 ans. Un contrat de mariage a précisé l’apport respectif de chaque époux  2291 . Dix mois plus tard, le 25 juin 1845, Rosalie Félicie, leur première née voit le jour portant l’un des prénoms de sa sœur consanguine disparue. La petite fille n’aura pas le temps de connaître son grand-père paternel qui meurt deux mois et demi après sa naissance. Le rythme des séparations brutales ne cesse pas. La mort emporte Auguste, son frère cadet, à l’âge de 33 ans le 3 novembre 1847. En moins de vingt ans, François Augustin a vu disparaître un à un tous ses proches : ses parents, sa première épouse, ses propres enfants, ses frères. Ces séparations irrémédiables laissent des cicatrices et ces blessures de l’âme ont certainement contribué à forger sa représentation du monde et lui ont peut-être permis de franchir plus facilement le pas de l’exil.

François Augustin Saussine le « fugitif » est un homme âgé lorsqu’il effectue son ultime « voyage ». Il a 84 ans, le 26 mars 1895, quand la mort vient le saisir. Félicie Rosalie, sa fille « unique », est son héritière  2292 , sa veuve ayant l’usufruit des biens transmis. Mémoire de son passé républicain, il lègue les arrérages de la pension dont « il jouissait comme victime du coup d’État du 2 décembre 1851 », une maison sise rue du Barry  2293 pour un revenu de 50 francs, une parcelle de 40 ares de bois et landes et 22 ares de landes et terres estimés à huit francs, une terre de 18 ares d’une valeur de 28 francs. Aujourd’hui, « le patronyme de Saussine est demeuré associé au nom des Bonnaud sur les inscriptions des pierres tombales du cimetière »  2294 . A-t-il « impressionné » l’inconscient familial de la famille Bonnaud ? Les spécialistes de la psychogénéalogie  2295 n’en seraient pas étonnés, eux qui repèrent l’influence des générations précédentes sur le comportement de leurs contemporains. Ainsi l’enfance de l’un de ses descendants, Pierre Paul Auguste Bonnaud  2296 né en 1904, fut « enchantée » par le souvenir de cet arrière grand-père exilé genevois mais sans se rappeler des raisons pour lesquelles il était devenu un fugitif  2297 . Jeune homme, il devint un militant du parti communiste dans les années 1920/1930. « Les discussions à la table familiale sont parfois houleuses »  2298 car son père est un militant socialiste. La suite est rapportée par Pierre Bonnaud  2299  :

‘« Pierre effectue des tournées de propagande à l’échelle de la région avec Paul Marion (qui rejoindra le PPF de Doriot plus tard) et Benoît Frachon avec lequel il se lie d’amitié. Il entre comme chauffeur dans la Maison Martin, coopérative commerciale liée au parti et basée au Teil d’Ardèche (Son fondateur, Maurice Martin, est originaire de Vallon). En 1927, Pierre Bonnaud conduit la voiture d’André Marty, dirigeant clandestin du PC, lorsque celui-ci est arrêté par la gendarmerie, entre Le Teil et Aubenas. Il participe à l’échauffourée avec les gendarmes (témoignage de l’intéressé).

Pierre Bonnaud épouse en 1928 Georgette Escoffier dont il aura deux filles. Il ouvre un garage et une quincaillerie à Vallon, place du château. Sa femme appartient aussi à une famille « rouge » du village. Vers 1935-36, dans la foulée des congés payés et des conquêtes du Front populaire, il invente un système qui associe la descente des gorges de l’Ardèche par les « estivants » dans des barques à fond plat et leur remontée par la route, les barques étant accrochées à ses véhicules. Ce système qu’il réalise avec des bateliers (« la bande à Bonnaud ») lui assure des revenus confortables et connaît le succès jusque dans les années soixante.

S’il ne milite plus activement au PC, Pierre Bonnaud continue d’en être un fidèle adhérent. Il le manifeste dans ses relations sociales. En 1935, il loue, au dessus de son garage, un petit appartement à Anna et Sully Alzas, deux « jeunes » retraités , militants actifs de l’organisation communiste puis de la Résistance locale.

Pendant la guerre, Pierre et ses frères et soeurs font l’objet de plusieurs dénonciations. Plusieurs descentes de la police puis de la Milice après 1943 visent à la fois l’appartement des Alzas et le garage. D’ailleurs, les détracteurs ne se trompent pas : en 1944, la cuisine des Alzas sert d’armurerie au maquis et les jeunes gens y apprennent le montage et le démontage de l’une des rares mitraillettes sten que possède le groupe. Quand au garage Bonnaud, il est devenu celui du maquis : ses véhicules sont mis à sa disposition, en particulier sa « Rosalie » citroën. (Témoignage Raoul et Mathé Galataud). Le mécanicien de mon oncle, le jeune Paul Ducreux, membre du PC clandestin et du maquis vallonais, commet quelques imprudences semble t-il. (Témoignage de ma mère, Armande Bonnaud)

Au moins deux incidents marquent cette période : avec sa femme et plusieurs villageois, Pierre est pris en otage lors d’une descente de la Milice sur la place du château, mais sans conséquence. Les miliciens les abandonnent et quittent les lieux. Par la suite, par précaution, Pierre dort chez son beau-père, rue du barry. Nouvelle descente de la Milice (qui effectuait ses incursions à partir de Nîmes) cette fois pour une probable arrestation : ils se rendent rue du Barry et trouvent un lit vide, « encore chaud, il n’est pas loin » dit l’un d’entre eux (témoignage de la belle-sœur de Pierre, Armande Bonnaud)
’ ‘Après la guerre, Pierre Bonnaud est resté inscrit au PCF jusqu’à sa mort. Eugène Méjean, secrétaire de la section locale du PC, le rappela sur sa tombe en 1992. En outre, il faudrait aussi dire qu’il a manifesté une solidarité familiale importante à l’égard de ses frères et sœurs lorsque ceux-ci ont traversé des périodes de difficulté ». ’
Notes
2261.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Interrogatoire en date du 14 janvier 1851de Michel Alexandre domicilié à Vagnas.

2262.

Arch. dép. Ardèche 5M19.

2263.

Arch. dép. Ardèche. 5M10. Rapport de l’agent secret Vigier en date du 11 novembre 1851 sur la situation du canton de Vallon. Le profil de chaque personnage identifié est mentionné entre parenthèses et en italique.

2264.

Voir précédemment : profil des « suspects ».

2265.

Le sous-préfet de Largentière au préfet en date du 26 juin 1850, idem.

2266.

Arch. dép. Ardèche. 5M10. Le sous-préfet de Largentière au préfet en date du 26 juin 1850

2267.

Il s’agit de Simon Landraud dont la fille Adélaïde a épousé Joseph Eugène Chamontin né le 20 septembre 1818 à Rosières. Le mariage a été célébré le 19 avril 1841.

2268.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Déposition d’Eugène Platarès, dit « le Bleu » devant Léon Ladreyt de la Charrière en date du 21 janvier 1852.

2269.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Déposition d’Émile Auguste Pascal en date du 19 décembre 1852.

2270.

Arch. dép. Ardèche 5M19. Fiche de renseignements transmise par la mairie de Vallon. La mention entre parenthèses a bien été confirmée par Pierre Bonnaud, descendant d’Augustin Saussine, qui fait état d’un échange de correspondance entre les deux hommes. «  Ils se connaissaient (Saussine et Perdiguier) probablement avant leur exil commun en suisse puisqu'il y avait des lettres avec cachets de cire et timbres à l’effigie de la Marianne de 1848, mais c’est bien tout ce qu’on peut avancer ».

2271.

Arch. dép. Ardèche 5M19. Renseignements relatifs aux inculpés politiques non arrêtés et transmis par le sous-préfet en date du 25 février 1852.

2272.

Martine WATRELOT, Le rabot et la plume, le Compagnonnage littéraire au temps du romantisme populaire, thèse de doctorat en littérature sous la direction de Michèle Hecquet, Université Lille 3, 2 volumes, 585 p°, soutenue le 5 juillet 2000. Voir article de Martine WATRELOT dans Autour de Décembre 1851-Revue d’Histoire du XIXe siècle, n°22, revue déjà citée, pp 246-252.

2273.

Martine WATRELOT, « une littérature populaire : le livre du Compagnonnage » dans 1851, une insurrection pour la République, Evénements, mémoire, littérature, décembre 2004, p. 214. « […], elle donne à l’ouvrier les moyens de distribuer dans les villes, en deux mois, quelques 500 exemplaires de son livre, voire de les jeter si nécessaire par la fenêtre du véhicule ». Au début des années 1830, Georges Sand vit une passion amoureuse avec Alfred de Musset et les deux amants entreprennent un voyage à Venise. En descendant le Rhône, ils font escale à Bourg-Saint-Andéol et séjournent à L’hôtel Digoine donnant sur les quais du Rhône.

2274.

Arch. dép. Ardèche 5M18. Interrogatoire de Michel Alexandre, ancien maréchal ferrant, cultivateur à Vagnas en date du 14 janvier 1852, déjà cité : « Nous partîmes sous le commandement de Saussine, d’un serrurier surnommé Dauphiné qui avait un sabre à la main et Dalay charron qui portait un fusil de chasse ».

2275.

Agricol PERDIGUIER, Le livre du Compagnonnage, Paris, 1840, p. 9.

2276.

Déjà cité.

2277.

L’origine de son surnom a trait à son lieu de naissance, la ville de Carcassonne dans laquelle il vit le jour vers 1818. Célibataire en 1851 et domicilié à Vallon, il y exerce la profession de plâtrier.

2278.

Paulin Jacques, un fugitif réfugié à Turin, écrit dans une lettre adressée à l’imprimeur Cheynet : « Vous savez l’exilé pense toujours à sa patrie ». Arch. dép. Ardèche. 5M11. Lettre de Jacques en résidence à Turin, à l’imprimeur Chénet (sic) à Aubenas, en date du 28 mai 1856.

2279.

Victor HUGO, Les Châtiments, VII, 14 – « Ultima verba », déjà cité.

2280.

Arch. dép. Ardèche 5M31. Registre du contrôle annoté des ennemis du gouvernement certifié par le capitaine de gendarmerie commandant l’arrondissement.

2281.

Arch. dép. Ardèche 5M31. Rapport du commissaire de police de Vallon au sous-préfet en date du 6 mars 1858.

2282.

Arch. dép. Ardèche 5M31. État des condamnés politiques de l’arrondissement de Largentière adressé par le sous-préfet au préfet en date du 17 mars 1858.

2283.

Rapport du commissaire de police, ibidem.

2284.

Arch. dép. Ardèche 5M14. Rapport du commissaire de police au sous-préfet en date du 24 mars 1858.

2285.

Arch. dép. Ardèche 5M14. Rapport de la gendarmerie de Vallon en date du 22 mars 1858.

2286.

Sylvie APRILE, « Exil et exilés de gauche au XIXe siècle »  dans Jean-Jacques BECKER et Gilles CANDAR [dir.], Histoire des gauches en France. L’héritage du XIXe siècle. Volume 1, p. 194.

2287.

On sait qu’en 1851, François Augustin Saussine a un enfant mais ce n’est pas Louise Rosalie. Perdre la trace d’un individu en matière de généalogie n’est pas un fait exceptionnel. Un autre exemple concerne par ailleurs sa descendance, archives à l’appui. Le 23 juillet 1857, il déclare la mort de sa fille Victoria âgée de 18 mois, or la naissance de Victoria est introuvable dans le registre des naissances de l’état civil de Vallon.

2288.

Arch. dép. Ardèche. Archives du notaire François Villard. 2E 11 895, n°7 622 en date du 1er septembre 1837. La future amène 200 francs en argent « gagnés par son travail et économisés sans le secours de son père », un trousseau et dorures estimés à 300 francs et une avance en hoirie du père d’un montant de 1 000 francs composée d’une terre au capital de 550 francs et de 450 francs en argent dont le paiement s’effectuera en quatre échéances annuelles

2289.

Arch. dép. Ardèche. Archives du notaire Eugène Villard, 2E 18 094. Acte de décharge n°246 en date du 14 mars 1844 passé devant Eugène Villard et Gustave Lichière, notaires. Acte de décharge n°300 en date du 9 août 1844 pour remboursement d’une somme de 446,20 francs.

2290.

Bible, « Le livre de Job », chapitre 1, verset 21.

2291.

Arch. dép. Ardèche. Archives du notaire Eugène Villard, 2E 18 094. Acte n°313 en date du 24 août 1844

2292.

Arch. dép. Ardèche. Enregistrement 3Q 5633. Déclarations des mutations par décès, n°190, en date du 29 août 1895.

2293.

Maison qu’il a reçue en héritage à la mort de son père. Arch. dép. Ardèche 3Q 1047, n°9. François Augustin a comparu au nom de son frère Auguste et de sa sœur Rosalie pour le règlement de la succession de son père. Il laissait une maison estimée à 100 francs de revenu annuel, seize ares de terres et mûriers estimés 40 francs, soit un capital donnant 2 800 francs au « denier vingt ». A cette somme s’ajoute 94 francs de valeurs mobilières. François Augustin a été avantagé par la clause du quart préciputaire accordé par les clauses d’un contrat de mariage reçu par le notaire François Villard, le 1er septembre 1837.

2294.

Lettre de Pierre Bonnaud en date du 14 février 2000.

2295.

Chantal RIALLAND, « La psychogénéalogie au secours des vivants », dans Marie Odile MERGNAC, La généalogie. Une passion française, Autrement, collection « mutations », n°224, 2003, pp. 92-100.

2296.

Né le 21 juillet 1904 à Vallon et mort le 17 décembre 1992 dans la même commune.

2297.

Lettre de Pierre Bonnaud, Ibidem.

2298.

Pierre Bonnaud.

2299.

Échange de courriers électroniques au mois d’avril 2006.