2°) Deux profils de « meneurs » : Louis Bérard, de Saint-Lager-Bressac et Joseph Cyrille Ferdinand Terrasse, de Genestelle

Retour dans la commune de Saint-Lager-Bressac pour examiner le profil d’un « meneur » représenté par la personnalité de Louis Bérard  2319 .

Louis Bérard est né vers 1790 dans la commune. De confession réformée, il a exercé des charges municipales avant l’établissement de la Seconde République  2320 . La famille Bérard est un important propriétaire foncier de la commune et Louis Bérard a hérité à la mort de son père, Paul, de 29 hectares de terres. En 1851, il est le chef d’une famille composée de dix personnes : son épouse Christine Guilhon ; leurs sept enfants dont les limites d’âges sont comprises entre 25 ans pour l’aîné et quatre ans pour le plus jeune ; deux domestiques au service de la maison : Auguste Lafont 30 ans, catholique, et Julie Dorne 28 ans. Louis Bérard est donc une notabilité dans son village, mais il a été évincé au moment des élections de juillet 1848 et c’est là ce qui distingue Saint-Lager-Bressac des autres communes : le germe insurrectionnel de décembre 1851 prend dans une terre qui s’est choisi comme premier magistrat de la commune en 1848 le marquis Alfred de Jovyac en résidence au château de Granoux et propriétaire de plus de cent hectares sur la commune. Les élections de 1848 ont confirmé par ailleurs une tendance qui s’était amorcée en 1846 : la disparition progressive des protestants des responsabilités municipales. En effet, sous la Seconde République, le conseil municipal est composé uniquement de catholiques, grands ou très grands propriétaires pour la plupart.

Monarchie de Juillet
CM en 1834
Monarchie de Juillet.
CM en 1846
Seconde République.
CM après élections municipales
Maire : Bérard Louis
Protestant
Cens : 7ème avec 101,01 francs
Maire Sauzet de Fabrias Jean Antoine
Catholique
Maire : De Jovyac Alfred
Catholique
1 er adjoint : Théoule Charles
Protestant
Cens : 5ème avec 112,72 francs
1 er adjoint  Bérard Louis
Protestant
1 er adjoint Jean Paul Dardet
Catholique
Bruyère François
Protestant.
Cens : 13ème avec 55,43 francs
Avon Casimir
Catholique
Balme Scipion
Catholique
Champestève Adrien
Catholique
Cens : 4ème avec 172,38 francs
Balme Scipion
Catholique
Champestève Adrien
Catholique
Chapus Raymond Blachon Pierre
Catholique
Blachon Pierre
Catholique
Charbonnier André Dardet Jean-Paul
Catholique
Combe Henri
Catholique
Delhoste Jean Fay Jacques
Protestant
Chapus Charles
Catholique
Fourès Pierre
Catholique
Cens : 10ème avec 74,61 francs
De Jovyac Alfred
Catholique
Chapus Calixte
Catholique
Gua Jean
Protestant
Robert Pierre
Catholique
Montusclat Jacques
Protestant
Sauzet de Fabrias Jean Antoine
Catholique
Cens : 2ème avec 247,82 francs
Théoule Charles
Protestant
Tinland Lacombe
Catholique
  Théoule Philippe
Protestant
Sauzet de Fabrias Jean Antoine
Catholique
  Veron Jacques
Protestant
 

Finalement, l’organisation du mouvement insurrectionnel par d’anciens membres du conseil municipal n’aurait-elle pas été l’occasion de retrouver une influence perdue en se posant comme défenseur de la République « des petits », de la République démocratique et sociale face aux notables ? Ces notables, justement, qui font campagne contre le gouvernement provisoire en agitant l’épouvantail de la collectivisation. La polémique prend de l’ampleur au moment des grands rendez-vous électoraux. Le 21 avril 1848, soit deux jours avant le scrutin permettant de choisir les candidats qui siégeront à la Constituante, le maire de Saint-Vincent-de-Barrès observe un rassemblement dans son village d’autant plus inhabituel en raison de l’heure matinale. Il reconnaît les deux citoyens « étrangers » qui haranguent la foule composée des principaux propriétaires de la commune  2321 . Adrien Champestève et Henri Comte, de Saint-Lager-Bressac mènent une attaque en règle contre le gouvernement provisoire qui, selon leur propos, n’est point « digne de confiance ». A l’appui de leur argumentation, ils font valoir que « Ledru-Rollin était un avocat perdu de dettes qui mettait ordre à ses affaires et s’enrichissait aux dépens de l’État » que « quatre autres membres du gouvernement sont comme lui des communistes » mais surtout, et c’est là le point le plus sensible, que « la propriété courait le plus grave danger si les suffrages étaient accordés à des candidats autres que de riches propriétaires ». Cette propagande avait-elle des chances de rencontrer un écho dans ces terres du Barrès ? Si l’on observe la situation depuis Saint-Lager-Bressac, un élément a peut-être contribué à modifier la structure économique du village entre les années 1822 et 1851. En 1822, 151 propriétaires se partagent les 1 500 hectares des deux communes de Bressac et de Saint-Lager  2322 . En 1851, la proportion du nombre de petits propriétaires a augmenté accentuant le morcellement de la terre à Saint‑Lager‑Bressac.

Surface en ha Nbre de propriétaires 1822 Nbre de propriétaires 1851
< 1 58 73
1-5 34 100
5-10 19 30
10-20 18 15
20-30 11 7
30-40 3 3
40-50 2 1
< 50 6 5
TOTAL 151 234

Une proportion importante de petits propriétaires possède moins de cinq hectares (plus de 50%) attestant l’extrême morcellement de la propriété. Cette parcellisation s’est effectuée au détriment des propriétés de taille moyenne de 10‑30 hectares.

Sous la Seconde République, Louis Bérard est écarté des responsabilités municipales et ses interventions auprès du conseil municipal ne seront pas prises en compte. Ainsi, le 24 novembre 1850, le conseil réunit au grand complet doit débattre du bien fondé d’une requête déposée par Louis Bérard : il se pourvoit auprès de la mairie en demande de remboursement de 150 francs d’honoraires d’avocat payés à Gleizal pour « plaidoyers et mémoires qu’il a faits pour la commune dans des procès soutenus contre Champestève »  2323 . Le conseil municipal répond par une fin de non-recevoir en exprimant son « étonnement de ce que Bérard avait payé pour la commune sans l’avoir consulté sans qualité pour cela »  2324 .

Pour comprendre l’affaire en question opposant Adrien Champestève, le moulinier en soie de la commune, à Louis Bérard, il faut revenir dix ans en arrière lors d’une séance municipale tenue le 4 avril 1839. Ce jour-là :

‘« Il a été mis sur le bureau une lettre de M le préfet au maire en date du 1er février 1839 portant que par arrêt de Monseigneur l’évêque de Viviers, l’église de la commune de Saint-Lager a été interdite et que d’après les renseignements fournis à M le préfet l’église menace ruine et qu’il est urgent de faire procéder à sa démolition »  2325 . ’

Faut-il réparer la lézarde qui serpente à travers le chœur, se résigner à démolir le bâtiment ou bien examiner la solution proposée par Jean-François Régis Adrien Champestève ? Ce dernier avait hérité de biens au moment du règlement de la succession paternelle, dont un terrain en landes situé au quartier de Testoulas. Voulait-il assurer son « salut » dans l’au-delà lorsque le 27 septembre 1836, il en fit donation  2326 à la commune, avec la réserve expresse qu’il serve à l’emplacement d’une église neuve assortie d’une place publique pour accueillir les fidèles à l’entrée ou à la sortie de la messe ? Selon Bérard, si la commune accepte cette donation, elle risque de s’enliser dans les sables mouvants de procédures judiciaires dont elle risque de ne jamais pouvoir se dépêtrer. Tout d’abord cette donation ne semble pas tout à fait régulière car il manque déjà le consentement de Hyacinthe Champestève, le frère du donateur et co-propriétaire du bien de la succession paternelle dont fait partie le fonds donné. De plus, la parcelle en question est toujours grevée d’hypothèques qui n’ont pas été purgées. En conséquence, « la commune peut être dépossédée à tout moment par un simple acte du donateur, par action ou revendication de Hyacinthe Champestève et par l’action hypothécaire des créanciers ». Le financement de la construction peut aussi avoir des conséquences auxquelles la commune ne pourrait pas faire face, notamment si les souscripteurs volontaires qui ont avancé des fonds s’avisaient à en exiger le remboursement. Ce qui inquiète surtout le maire, Louis Bérard, ce n’est pas tant les sommes qu’il faudrait rembourser aux souscripteurs, car ce n’est pas du ressort de la commune, mais, c’est qu’après avoir accepté la donation, il faille couvrir le reliquat des travaux, somme qui mettrait le budget communal dans une situation périlleuse.

Louis Bérard avait vu juste. Le 16 février 1840, l’affaire de la donation Champestève est encore sur le bureau du conseil car « les entrepreneurs réclament avec instance leur dû et la commune n’a aucun moyen de faire face à une dépense aussi disproportionnée avec ses ressources »  2327 . Louis Bérard attaque Champestève en justice en se portant partie civile au nom de la commune. Quatre ans plus tard, le sujet est toujours à l’ordre du jour des délibérations et apparaît d’autant plus épineux qu’Adrien Champestève a révoqué la donation. Lors de la séance municipale du 7 janvier 1844, le maire protestant, Philippe Théoule, donne lecture d’un mémoire du moulinier en soie qui

‘« […] réclame le montant de la dépense qu’il dit avoir faite pour la construction de l’église, laquelle ne s’élèverait pas à moins de 12 000 francs et une large indemnité pour le terrain occupé par cet édifice »  2328 . ’

Consternation parmi les représentants du conseil municipal :

‘« Champestève qui avait d’abord donné cet emplacement à la commune en réclame aujourd’hui le prix qu’il fixe à un chiffre exorbitant : 32 ares de landes complètement stériles sont portés à toute leur valeur à 60 francs et Champestève exige 804, 75 francs ». ’

L’affaire ne reste pas circonscrite aux limites de la commune. Le préfet, informé par Champestève, s’en émeut et tire la conclusion qu’il « s’agit de faut fuyants pour se soustraire à l’obligation d’assurer le service du culte catholique »  2329 . Il faut arriver à un compromis acceptable par toutes les parties. Le 12 octobre 1845, lors de la réunion du conseil, l’adjoint Charles Théoule expose « les propositions d’accommodements ayant pour objet d’attribuer à la commune la propriété de la nouvelle église au Testoulas moyennant une subvention que la commune s’imposerait pour compléter les dépenses de construction de cet édifice ». La commune prendra l’engagement de payer à Champestève 5 000 francs pour le couvrir de tous ses déboursés et avances à raison de cette construction avec compris, dans ce montant, toutes les sommes qui seraient encore dues aux entrepreneurs, architectes, ouvriers, fournisseurs et autres créanciers. Le paiement serait effectif au plus tard en 1848. En contrepartie, les frais et dépenses du dernier procès seraient à la charge de Champestève qui devra renouveler la donation faite devant le notaire Bailly et la commune ne sera plus tenue d’aucun remboursement des fonds et souscriptions employés pour cette construction.

1848, changement de régime politique et Louis Bérard n’a toujours pas été indemnisé des sommes engagées au nom de la commune. Adrien Champestève non plus, mais, maintenant qu’il est membre du conseil municipal en septembre 1848, il demande de « toucher les fonds qui lui sont dus par la commune depuis la délibération municipale du 18 janvier 1846 »  2330 . Sa demande est motivée par « l’état de gène dans lequel il se trouve suite à la crise commerciale ». Cette expression est un euphémisme car Adrien Champestève est dans une situation extrêmement critique entraînant à terme la faillite de son entreprise  2331 .

Décembre 1851, Louis Bérard est inculpé, son fils aîné Léon également. Ils ont été mis en cause par plusieurs témoignages et la solidarité de confession religieuse n’a pas joué. Jacques Puaux, un protestant, ne leur fait pas de cadeau et déclare devant le juge d’instruction Napoléon Valladier le 30 décembre 1851 :

‘« Je conviens d’avoir fait partie de la bande armée qui a marché sur Privas. C'est Léon Bérard et son père qui m’ont fait faire cette grosse sottise en me disant : “aujourd’hui on ne travaille pas, le Président de la République nous demande à Privas” »  2332 . ’

Le tambour de la garde nationale, Louis Bernard, déclare que le lieu de rendez-vous des insurgés dans l’après-midi du 4 décembre était chez les Bérard, au hameau de la Triolette  2333 . Auguste Lafont, un catholique employé au service de la maison Bérard, confirme cette déposition :

‘« Le 4, il y a eu une réunion chez mon maître de 35 à 40 hommes armés. Au moment du départ, il a dit qu’il n’y avait plus de gouvernement, que le peuple était maître et que la préfecture devrait être prise à 10h30 ». ’

Louis Bérard et son fils Léon sont condamnés à la transportation en Algérie « avec plus ». Louis, pour avoir réuni des démagogues dans sa demeure et avoir distribué de la poudre et des balles, Léon, parce que « ses opinions socialistes le rendent très dangereux ». Le père est arrêté alors que son fils est toujours en fuite. Au début du mois d’août 1853, il est toujours introuvable et les autorités ne peuvent que constater, par procès verbal, les recherches infructueuses menées pour retrouves le fugitif « condamné politiques à la déportation à l’Algérie »  2334 . On le pense en exil à Genève d’où il aurait envoyé sa soumission à l’empereur Napoléon III :

‘« C’est du fond d'une retraite ignorée que je viens implorer votre auguste clémence. Entraîné par de faux partisans auxquels j’ai reconnu l’erreur, je veux être désormais un de vos plus fidèle partisans et prêt à me sacrifier pour votre sainte cause. Pour en juger du sincère repentir sire, deux soumissions faites et signées de ma main après les avoir approuvé par M le Maire et le préfet, ont dues être remises entre les mains de votre ministère, comme dans celle-ci, j’ai juré de me soumettre aux lois de l’État, d'être fidèle à votre majesté et me consacrer entièrement à son service »  2335 . ’

Léon Bérard a beau compter sur « l’auguste clémence de l’empereur pour devenir désormais un de ses plus fidèles sujets », ses suppliques restent nulles et non avenues. En marge de la demande, la mention « rien à faire » écrite en lettres rouges ne laisse aucun espoir de clémence alors que son père bénéficie d’une grâce accordée depuis le 12 février 1853. Deux semaines après la rédaction de sa requête, coup de théâtre : Léon est arrêté le 17 août au domicile de son père, blotti dans une armoire d’environ un mètre carré  2336 . Moins d’une semaine après, il est embarqué à destination de l’Algérie  2337 . Un an plus tard, le 29 juillet 1854, il bénéficie d’une autorisation provisoire du ministre de la Guerre pour séjourner pendant deux mois en France. Selon les termes de la note, il devra obligatoirement être renvoyé en Algérie à l’expiration de son congé mais en octobre 1854, alors qu’il se trouve toujours dans son domicile de Saint-Lager-Bressac, Léon Bérard apprend la nouvelle de sa grâce pour l’Algérie et la commutation de sa peine en internement dans la Drôme.

Le 18 janvier 1855, le secrétaire général de la préfecture de la Drôme transmet au préfet de l’Ardèche une demande de Bérard qui sollicite l’autorisation de pouvoir rentrer dans sa commune parce que « des affaires particulières réclament sa présence ». Le ministère de l’Intérieur n’y voit pas d’inconvénient majeur puisque « cet individu » fait « l’objet des recommandations les plus honorables et que sa conduite n’a donné lieu à aucune plainte »  2338 . Au mois d’août 1855, le fils Bérard, obtient une remise de peine pleine et entière.

Comment la sociabilité de la communauté villageoise a-t-elle absorbé les contrecoups des aveux faits par ceux qui avaient mis en cause les Bérard ? Nul ne peut y répondre. En février 1858, le capitaine de gendarmerie de l’arrondissement de Privas consigne dans son rapport adressé au préfet qu’il se « dit que le fils et le fils sont revenus à de meilleurs sentiments »  2339 , autrement dit, ils auraient mis sous le boisseau leurs convictions républicaines. Les affaires reprennent et les Bérard développent des activités séricicoles, mais l’épidémie de pébrine qui décime les élevages de vers à soie ruine bien des espérances. Les premières descriptions de la maladie apparaissent dans les archives en 1856  2340 et l’une des solutions pour enrayer la maladie fut de rechercher de la graine saine dans des régions non contaminées par la maladie. Marie-Laure Névissas qui a dépouillé les statistiques séricicoles des années 1860 écrit qu’elles sont « une véritable invitation au voyage : Portugal, Syrie, Algérie ; Andrinople, Mont Olympe ; Smyrne, Constantinople… enfin Chine et Japon »  2341 . Les Bérard sont à l’avant-garde de cette lutte contre la maladie, résistance qui fut essentiellement le fait d’une élite  2342 des propriétaires. Après son amnistie, le fils de Louis Bérard parcourt le continent asiatique pour « aller fabriquer de la graine de vers à soie »  2343 . Au mois d’août 1863, il revient de Nouka et fait une halte à Batoum en Asie mineure pour se reposer et reprendre des forces car, depuis quelques jours, il est miné par une maladie qui l’épuise. Léon Bérard, le fils de l’insurgé de Saint-Lager-Bressac ne reverra jamais les paysages de sa vallée du Barrès. La maladie a eu raison de sa résistance et il meurt à des milliers de kilomètres dans un hôpital sur les rivages de la Mer noire.

L’histoire de la vie de Ferdinand Terrasse pourrait tenir dans la courte notice synthétisant les informations transmises par le principal intéressé afin d’obtenir en 1881 une pension en tant que victime du 2 Décembre :

‘« Maire de la commune, révoqué de ses fonctions en raison de ses opinions républicaines le 26/12/50 (?). Condamné en 1851 à Algérie plus, il se réfugia en Suisse pendant six ans. A son retour en France, il fut incarcéré à la prison de Privas puis transporté en Afrique où il demeura deux ans. Il était alors père de cinq enfants et pendant son séjour en Afrique sa femme mourrait de douleur »  2344 . ’

A première vue, on serait tenté d’appliquer le canevas des motivations de l’action correspondant au profil du « meneur » précédemment étudié. Ferdinand Terrasse écarté par une décision inique des responsabilités municipales organiserait le mouvement insurrectionnel dans sa commune en tant que résistant de la cause républicaine. Vérifions la concordance de ce résumé d’histoire de vie avec les sources d’archives disponibles.

Joseph Cyrille Ferdinand Terrasse est né le 2 vendémiaire an XIII à Genestelle d’un père, ancien grognard de l’armée napoléonienne qui avait servi l’empereur, entre autres, pendant la campagne d’Espagne. Comme dans l’étude de cas du précédent profil, Ferdinand Terrasse s’est consacré à des responsabilités municipales pendant près de vingt ans en qualité de conseiller municipal ou de maire  2345 . Il a aussi pratiqué diverses professions connues par les déclarations faites au moment de l’enregistrement de la naissance de ses enfants. En 1830, sur le registre des naissances de l’état civil, il se reconnaît cordonnier ; deux ans plus tard, il se dit cabaretier ; à partir de 1838, il se déclare soit propriétaire, soit propriétaire-cabaretier.

En décembre 1851, ayant « pris une part active à l’insurrection » comme « chef des démagogues du mouvement de sa commune », considéré comme « très dangereux », il est condamné à la transportation en Algérie « avec plus ». Son frère cadet, Jean Baptiste Pierre Emmanuel, né le 23 juin 1807 à Genestelle, « démagogue ardent et dangereux » est aussi condamné à la même peine mais minorée en « Algérie moins » ; ainsi en avait décidé la commission mixte réunie à Privas en présence du préfet en ce mois de février 1852. Son frère Emmanuel a été arrêté le 27 décembre 1851  2346 et blessé par balle à la jambe alors qu’il cherchait à se soustraire à son interpellation. Le 5 mai 1852, sa condamnation devient effective avec son transfert en Algérie. Ferdinand a choisi de prendre le chemin de l’exil genevois qu’il justifie par la précarité de sa santé qui ne lui permettait pas de supporter le climat d’Afrique  2347 . En décembre 1851, comme Louis Bérard, il a été mis en cause dans de nombreuses dépositions  2348 . Déjà il a été aperçu en compagnie de Firmin Gamon, l’ancien commissaire du gouvernement provisoire, perçu par les autorités comme « essentiellement dangereux » et accusé d’avoir « perverti l’esprit de la population entière ». Agathe Baylon, aubergiste à Vals, a vu, dans l’après-midi du 4, les deux hommes sortant de la maison d’Henri Martin, un autre ancien commissaire du gouvernement provisoire. Ils se seraient séparés en se disant « confiance et espérance ». C’est du moins ce qu’a répété Agathe Baylon mais elle ne faisait que reprendre ce qui était transmis par la rumeur publique car elle affirme qu’elle n’a jamais entendu prononcer ces mots par les trois suspects  2349 . Le 6, Gamon et Terrasse passent une partie de l’après-midi à boire de l’eau-de-vie dans le café de Victor Gleizal à Antraigues. Il n’y aurait rien d’anormal à cela, si ce n’est que les deux hommes étaient armés pour aller « défendre la constitution qui avait été violée »  2350 . Pour le tenancier du débit de boissons, la relation avec les sociétés secrètes républicaines est vite faite :

‘« Je compris qu’ils devient faire partie de quelques sociétés secrètes puisque vers cinq heures du soir ils ont été rejoints par une quinzaine d’individus armés venant de Genestelle ». ’

Cet après-midi là, Terrasse, armé d’un fusil de chasse, est aussi identifié vers 16h à Saint-Andéol-de-Bourlenc faisant irruption chez Hilarion Comte en compagnie de François Mazade, cabaretier de la commune de Saint-Andéol-de-Bourlenc et Ambroise Perruchon, le fils d’un autre cabaretier. Sous la menace d’une carabine avec une baïonnette au canon, Mazade aurait forcé le propriétaire des lieux à lui remettre des armes « au nom de la République française » puisque « Louis Napoléon Bonaparte étant mort », c’est eux qui gouvernaient maintenant  2351 . Il y a une incohérence dans ces deux dernières dépositions car Ferdinand Terrasse ne peut pas être à 16h à Saint-Andéol-de-Bourlenc et vers 17h à Antraigues, une dizaine de kilomètres séparent les deux communes. Il a peut-être été confondu avec son frère. Quelques heures plus tard, vers 23h30, à l’entrée de Vals, on croit identifier Ferdinand Terrasse aux côtés de Gamon et du médecin Jean Baptiste Vigouroux, à la tête d’une « troupe armée d’environ 80 fusils de chasse, de faulx (sic), de fourches et de grosses perches ou bâtons »  2352 .

L’accusation qui met le plus gravement en cause Ferdinand Terrasse est celle faite par le fils Rochegude, adjoint au maire de Genestelle, dans une pétition  2353 adressée le 27 décembre 1851 au préfet pour obtenir la grâce des accusés politiques de la commune, et principalement « ceux qui se sont laissés induire en erreur par les chefs démagogiques ». Parmi les cinq meneurs cités figurent ceux de Ferdinand et Emmanuel Terrasse avec une circonstance aggravante pour Ferdinand qui aurait « menacé d’exécuter ceux qui ne marcheraient pas ». Les aveux de son frère, Emmanuel, le 31 décembre 1851, achèvent de convaincre les enquêteurs de la culpabilité des deux frères. En donnant au curé un permis signé de sa main ordonnant de sonner le tocsin, Emmanuel avait outrepassé ses droits de citoyen en prenant des initiatives qui dépendaient du pouvoir municipal. Il ne le nie pas mais minimise sa responsabilité :

‘« Je conviens d'avoir signé ce permis d’après l’ordre de M Gamon et de Ferdinand Terrasse mon frère. Je le signai concurremment avec Victor Michel, dit Peyras. Ensuite le permis fut remis à M le curé et le clocheron sonna le tocsin »  2354 . ’

Au cours de son interrogatoire, il reconnaissait aussi « avoir fait partie de la bande commandée par Firmin Gamon laquelle s’est présentée devant Vals »  2355 . Mais ce n’est que par un enchaînement malheureux de circonstances « qu’il s’est retrouvé à suivre le torrent mais sans armes »  2356 . Ce jour-là vers 18 heures  2357 , il s’était bien rendu à Antraigues accompagné d’Antoine Carail  2358 , l’instituteur de la commune, et a rencontré Gamon qui l’incita à rejoindre le mouvement. Prétextant qu’il ne « connaissait par le maniement des armes », Emmanuel s’esquive et se retrouve vers 18h30 à l’auberge de Jules Joanny  2359 pour partager une bouteille de vin rouge avec Carail. Pour les deux hommes, la tournée des cabarets se poursuit avec une halte vers les 20h dans l’auberge de Victor Rochegude pour siroter le quart d’une bouteille d’eau-de-vie, suivi peu de temps après d’un autre quart mais cette fois-ci consommé chez Victor Gleizal, le cabaret où dans l’après-midi Ferdinand Terrasse et Firmin Gamon avaient attendu avant de passer à l’action. Sur les conseils du cafetier, Emmanuel prend la décision de se retirer au sein de sa famille après avoir retrouvé son frère ; mais avant de se mettre en route, il faudrait se restaurer et l’auberge de Pierre Rochegude fait bien l’affaire. Le repas est agrémenté de deux bouteilles de vin partagées avec l’aubergiste et ses deux fils venus prendre des nouvelles des événements qui agitaient la contrée. Dans cet intervalle de temps, la colonne armée qui s’est mise en marche en direction de Vals a pris de l’avance. Empruntant des raccourcis et en pressant le pas, Emmanuel Terrasse et Antoine Carail rattrapent le groupe constitué d’environ 500 personnes au quartier de Gignac dans la périphérie de Vals. La situation est extrêmement critique : les insurgés sont couchés en joue par un peloton d’une quinzaine de sapeurs-pompiers de Vals commandés par Louis Champanhet, un ancien officier de marine. Inquiet, Emmanuel traverse la foule et remonte jusqu’à la hauteur de Firmin Gamon pour lui demander où se trouve son frère Ferdinand. En guise de réponse, il reçoit l’ordre d’aller négocier le passage auprès du maire de Vals :

‘« Vous Emmanuel qui est connu des gens de Vals, allez dire à ce poste qu’une troupe de gens arrive mais qu’ils n’aient aucune crainte, je ne suis pas ici pour leur faire tort, je demande seulement à passer ». ’

Emmanuel s’exécute mais le maire de Vals reste inflexible et la négociation n’aboutit pas. Les insurgés ne cherchent pas l’affrontement et font alors demi-tour en direction de Saint-Andéol-de-Bourlenc.

Quel a été le rôle joué par Ferdinand sur le théâtre des opérations de cette nuit-là ? Il y a beaucoup d’incertitudes à son sujet mais toujours est-il que la connaissance des peines encourues par les deux frères Terrasse provoqua une mobilisation sans précédent dans le canton. Des lettres de soutien ou des pétitions demandant la grâce des deux condamnés parviennent régulièrement sur le bureau du préfet. Elles donnent une interprétation de la responsabilité des deux hommes en complète incompatibilité logique avec l’intime conviction que se sont forgée les autorités au fur et à mesure des dépositions. Le 12 mars 1852, une attestation signée du curé Rochedy, du maire, de son adjoint et des « principaux habitants de la commune de Genestelle » certifie la probité et la valeur de l’ancien maire Ferdinand Terrasse et revient sur les événements de Décembre 1851 :

‘« […] de plus il est à notre parfaite connaissance que lors des affaires du six décembre dernier, le sieur Ferdinand Terrasse mit tout en œuvre d’abord pour arrêter au Pont de l’Huile les gens qui se rendaient à Vals, et puis pour les faire rétrograder le long du chemin. […]. Rentré chez lui, dans la nuit, il retint le lendemain, aidé de son frère Emmanuel tous les citoyens de la commune qui étaient incités encore à partir, ce qui contribua beaucoup à ramener l’ordre et le calme, non seulement dans la commune de Genestelle, mais encore dans tout le canton »  2360 . ’

Au milieu d’une vingtaine de signatures se détache très lisiblement la signature de l’adjoint Rochegude, principal accusateur de Terrasse.

Verso de la lettre pétition adressée au préfet en faveur de Ferdinand Terrasse, en date du 12 mars 1852.
Verso de la lettre pétition adressée au préfet en faveur de Ferdinand Terrasse, en date du 12 mars 1852.

En parallèle avec cette démarche, le 24 mars 1852, Ferdinand Terrasse rédige une première demande de grâce qu’il date et signe de Genestelle pour la transmettre au ministre de la Police en le suppliant d’intercéder auprès du « prince président de la république »  2361 afin d’obtenir l’arrêt des poursuites dont il fait l’objet depuis le mois de décembre dernier :

‘« J’ai confiance d’avoir quelque droit à sa bienveillance à raison d’un peu de bien que je puis voir fait comme maire de ma commune pendant 20 ans environ. […]. Je crois aussi avoir aidé durant les derniers événements à la pacification des esprits. Je ne sais si je puis avoir été désigné comme animé d’un sentiment d’opposition envers le gouvernement de l’élu du 20 décembre. Je serai alors victime d’une erreur car mes sentiments sont au contraire celui d’un sincère dévouement ». ’

A l’appui de son argumentation, il fait valoir :

‘« […] qu’en 48 le dix décembre, la commune de St Andéol de Bourlenc fut appelée a (sic) venir voter en section dans [sa] commune. J’étais maire alors et sur 800 électeurs qui voterent (sic) le prince an (sic) eu 780 près. L’attachement à la famille de l’Empereur est ancien dans notre maison : et plusieurs de mes parents ont servi. Sous lui-même mon père  2362 dans le régiment de carabiniers et depuis ont souffert pour lui, ma commune suivant beaucoup mon inspiration à (sic) donné le 20 décembre et aux dernières élections pour le corps législatif des votes unanimes en faveur du gouvernement ». ’

Thomas, le maire, apostille sa demande en rajoutant l’observation suivante :

‘« Les sieurs Terrasse Ferdinand et Emmanuel ont les 17, 18 et 19 décembre dernier distribué des bulletins portant le mot oui dans plusieurs communes, même hors de leur canton, en leur qualité de fuyards ». ’

Malgré les multiples tentatives de demandes de recours en grâce adressées par Ferdinand à l’empereur, la mobilisation des élites locales, les recommandations les plus proches de la sphère du pouvoir  2363 , les autorités restent inflexible, même lorsque au début de l’année 1855, sa mère à l’agonie exprime le désir de revoir une dernière fois son fils  2364 . Les synthèses faites par le ministre de l’Intérieur et transmise au ministère de la Justice, bureau des Affaires criminelles et des grâces, sont toujours très négatives et ce jusqu’en 1855 :

‘« Il résulte des renseignements que j’ai recueillis sur cet individu qu’il a pris une part très active au mouvement insurrectionnel de 1851 et que son retour dans son département ne pourrait que produire un très mauvais effet. En conséquence, je suis d’avis, Monsieur et cher Collègue, qu’il n’y a pas lieu de donner suite, en ce moment du moins, à la demande du sieur Terrasse »  2365 . ’

Pourquoi un tel acharnement ? Terrasse aurait justifié son séjour à Genève en introduisant, dans son argumentation, un facteur religieux susceptible d’être plus rassurant qu’un exil motivé par le désir d’échapper à une condamnation infligée pour participation active à une insurrection. C’est du moins ce que les autorités genevoises en ont retenu dans la courte note rédigée en 1854 dans le Registre des procès-verbaux de la Chambre des Étrangers  2366  :

‘« Terrasse Ferdinand Joseph de Grinestel (sic), Ardèche. Réfugié français venu à Genève sans papiers, il semble peu compromis sous le rapport politique mais son affaire est compliquée des haines religieuses ». ’

Il aurait donc fait les frais de rivalités religieuses ? Mais lesquelles et pourquoi, sachant que l’une de ses sœurs serait une religieuse répondant au nom de Soeur Chantal ?  2367 .

Selon d’autres sources émanant de renseignements fournis par Gleizal l’ancien représentant du peuple « et par différentes autres personnes très recommandables »  2368 , il est confirmé que Terrasse « a toujours été très dévoué à la famille Bonaparte et que la mesure dont il a été l’objet est le résultat des haines que lui portent les royalistes ». Rochedy, le curé de Genestelle qui « n’avait jamais osé se faire le protecteur d’un homme qu’il entendait dire si gravement compromis »  2369 en est arrivé à la conviction que « la malveillance et la rancune ont bien grossi les accusations » et il le croit « moins coupable qu’on ne l’a fait ».

Rancune et malveillance, pourquoi aurait intérêt à lui nuire ainsi ? Son propre gendre même, François Joseph Victor Filliat  2370 , ne le porterait pas dans son cœur et ne serait pas chagriné si l’exil de son beau-père en Algérie pouvait durer quelques années de plus  2371 . Terrasse, Rochegude, Filliat, tous ces patronymes de la région d’Antraigues sont plus ou moins impliqués dans des activités en rapport avec la filière soie dominée à Antraigues par quatre familles : les Gamon, les Gleizal, les Filliat et les Comte  2372 . Yves Morel mentionne dans sa thèse un Ferdinand Terrasse, moulinier à Genestelle qui loue par un acte en date du 2 juillet 1879 une fabrique de soie située sur la rive droite de la Volane en amont du Pont de l’Huile  2373 . Firmin, un des fils de Ferdinand Terrasse est moulinier en soie à Asperjoc et se voit confier par acte enregistré le 22 janvier 1877 la fabrique Du Rigaudel  2374 construite en 1854 sur la Volane par Ferdinand Rochegude, ancien maire de Genestelle. La gestion d’une fabrique pouvait être à l’origine de nombreux soucis et de nombreux litiges, soit de prêts d’argent, soit tout ce qui était en rapport avec la maîtrise de l’énergie alimentant les fabriques : l’eau. Les canaux d’irrigation (les béalières) qui acheminaient l’eau de la rivière au moulin engendraient parfois des conflits de propriété ou de droits d’usage de l’eau  2375 . Démêler l’écheveau de ces relations familiales et commerciales est extrêmement complexe et « vaincu par Chronos » dans le cadre imparti de cette thèse nous ne pouvons rassembler ici que quelques pièces du puzzle qu’il faudra reconstituer par la suite. D’après la mémoire transmise par la famille Vincent à ses descendants, les Terrasse auraient été propriétaires d’une ancienne maison forte sise au hameau du Conchis appelée le château de Conchis  2376 , mais avant eux, la bâtisse se trouvait dans le patrimoine de la famille du conventionnel Claude Gleizal  2377 qui y a vu le jour le 29 mai 1761.

Le château serait parvenu ou revenu dans le patrimoine de la famille Terrasse-Vincent entre 1860 et 1880, suite à une dette non remboursée par le propriétaire au fils de Ferdinand Terrasse : Firmin Terrasse moulinier en soie à Asperjoc  2378 .

Certes, il y a eu des rivalités et des conflits d’intérêts au village mais pourquoi Terrasse reste-t-il jusqu’en 1856 sous le coup d’une inculpation pour « attentat ayant pour but, soit d’exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s’armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou plusieurs communes » ? Pour trouver une explication, il faut revenir en 1850, « l’année de tous les dangers ». En novembre 1850, en pleine instruction du complot de Lyon, une lettre anonyme avertit le préfet qu’une action de grande envergure doit être déclenchée courant novembre : « le parti rouge doit mettre le feu à la préfecture, aux casernes et élargir les prisonniers »  2379 . A l’appui de ses informations, le « corbeau » donne « la liste des principaux conjurés qui mériteraient d’être mis sous la main de la justice ». Le nom des principaux inculpés de Décembre 1851 apparaît :

‘« Gamon fils, Terrasse maire de Genestelle, Gravier adjoint, Moulin et Trinc conseiller, Chanéac aubergiste, Joseph Louis Aymard propriétaire, Mazade aubergiste à Saint-Andéol, Chastellière Victor, Perruchon père et fils ». ’

Au même moment, Ferdinand Terrasse fait l’objet d’une suspension par arrêté préfectoral  2380 car dans la nuit du 27 au 28 octobre 1850 :

‘« Une réunion politique avait eu lieu et à la suite de cette réunion des chants anarchiques avaient été proférés en présence dudit maire qui ne s’est pas opposé à cette manifestation ». ’

La révocation de ses fonctions municipales est décrétée en décembre 1850. Les citoyens de Genestelle lui renouvellent leur confiance mais sa nouvelle élection est refusée par décision préfectorale  2381 . Peu de temps après sa révocation, Ferdinand doit faire face à une nouvelle affaire qui entache sa probité. Le 12 septembre 1851, il est soupçonné d’avoir commis un faux en écriture privée  2382 en contrefaisant frauduleusement au bas d’un état de fourniture joint à un mandat de paiement, les signatures des membres du bureau de bienfaisance de la commune à savoir : celle du curé Antoine Rochedy, celle de Jean-Louis Terrasse et celles de François Moulin. Muni de ce faux papier, il se serait présenté avec François Moulin, l’adjoint au maire, devant le percepteur d’Antraigues et les deux hommes auraient détourné à leur profit une somme de trois cents francs destinée à acheter du blé pour les indigents de la commune. Ferdinand Terrasse ayant pris la fuite, cette affaire le poursuivrait jusqu’au bout de sa retraite.

Une embellie dans le ciel tourmenté de l’exilé apparaît au cours de l’année 1856 avec l’obtention de sa grâce, le 11 mai 1856. Pourtant, jusqu’à cette date rien n’était acquis d’avance. En décembre 1854, il avait pourtant bénéficié d’un sauf-conduit pour se présenter devant la cour d’assises de l’Ardèche afin de répondre à l’accusation de « faux en écriture privée, d’usage de pièces fausses et d’abus de confiance »  2383 . Ferdinand Terrasse tenait à s’expliquer sur son affaire de détournement d’argent remontant au mois de septembre 1851 et, pour cela, il s’était constitué prisonnier le 11 décembre 1854 dans l’attente de son jugement. Au cours de ses débats, la cour d‘assises avait reconnu qu’il n’y avait pas eu malveillance de la part de Ferdinand qui, rattrapé par les événements de décembre 1851, avait choisi de s’exiler  2384 et n’avait pu se justifier sur les fonds détenus. En conséquence, il est acquitté le 18 décembre  2385 . Deux jours plus tard, le 20 décembre 1854, son beau-père Antoine Avit décédait mais Ferdinand ne pouvait pas s’attarder, le préfet lui avait laissé seulement quatre jours à compter de ce 20 décembre pour quitter le territoire français et « passé ce délai, s’il est encore en France, il sera arrêté et dirigé sur l’Algérie »  2386 .

Au cours de l’année 1855, les demandes de grâces s’enchaînent les unes après les autres et se soldent par des fins de non-recevoir émanant du ministre de l’Intérieur qui est souvent « d’avis qu’il n’y a pas lieu de donner suite, en ce moment du moins, à la demande du sieur Terrasse »  2387 . Et ce malgré les attestations régulières des maires et curés d’Antraigues qui certifient que la présence de Terrasse Ferdinand n’est nullement dangereuse pour son pays et que la position de sa famille nombreuse est de matière à relancer d’urgence son arrivée »  2388 . De Fabrias, membre du Conseil général, prend même la plume le 20 octobre 1855 pour apporter son aide à l’infortuné en se portant garant de sa conduite auprès du préfet et ce :

‘« […] même s’il ne portait pas un bien vif intérêt à un personnage qui avait certainement beaucoup de choses à se reprocher au point de vue politique et qui avait incontestablement exercé pendant plusieurs années une facheuse (sic) sur l’esprit des pauvres habitants de Genestelle autrefois si bons et si religieux »  2389 . ’

S’il le fait, c’est par humanité envers sa famille « que son absence plonge dans la désolation et la misère » mais aussi parce qu’il a pu constater que :

‘« […] l’opinion publique s’étonne et semble même se scandaliser d’une sévérité persistante contre Ferdinand Terrasse, chef en sous ordre au bout du compte, alors que les deux autres principaux chefs dans le pays ont été graciés. Le rapprochement sur la manière différente dont sont traités les simples habitants et ceux que dans le pays on appelle les messieurs […] produit une impression facheuse (sic) »  2390 . ’

Un mois plus tard, le 20 novembre 1855, la démarche n’aboutissant pas, Victoire Avit, son épouse éplorée, s’adresse directement aux plus hautes sphères du pouvoir en suppliant l’impératrice d’entendre la prière désespérée de « la très humble et très obéissante servante »  2391  :

‘«  Madame, au moment où toute la France est en prière pour attirer les bénédictions du ciel sur votre Majesté Impériale et sur le rejeton si désiré que vous allez donner à la nation, daignez permettre à la plus malheureuse des femmes et des mères de se jeter à vos pieds afin de demander grâce pour son mari, Terrasse Ferdinand, de la commune de Genestelle, lequel expie depuis 4 ans sur la terre étrangère son erreur politique qu’il reconnaît aujourd’hui et dont il est bien repentant. Depuis 4 ans, Madame, je suis comme veuve chargée de cinq enfants que je ne pourrai plus faire vivre si cet état de choses dure plus longtemps, car je me sens mourir moi-même de chagrin et de souffrance. Vous êtes épouse, Madame, et bientôt vous serez mères, grâces à Dieu ! Et bien, c’est au nom de ce double titre que j’implore le pardon de mon époux infortuné, et que je vous supplie à genoux de laisser la vie à mes pauvres enfants en leur rendant leur père ».’

Ferdinand Terrasse, exaspéré certainement par ces demandes qui n’aboutissent pas, a fait le choix de revenir en Ardèche. Mais, près de cinq ans après les faits, c’est toujours un homme traqué. Le 11 mai 1856, la gendarmerie « informé que le dit Terrasse parcourait depuis quelques temps les communes d’Antraigues et se réfugiait quelques fois chez sa femme à Genestelle »  2392 , cerne la maison familiale et procède à son arrestation. Le 15 mai, il est transféré à la maison d’arrêt de Privas. Deux jours plus tard, un retournement inespéré de la conjoncture change la vie du fugitif : il est libéré sur ordre du préfet.

Le bonheur d’être libre et « le plaisir qu’il goûte dans le sein de sa famille »  2393 sont de courte durée. Une nouvelle épreuve l’attend en 1858. Le 25 février de cette année, un rapport sur les condamnés politiques ou ennemis du gouvernement de l’arrondissement d’Aubenas  2394 font de lui un homme « très dangereux, très influent, qui peut faire beaucoup de mal ». Sans plus attendre, il est immédiatement arrêté  2395 , le 1er mars 1858, et transporté en Algérie le 23 mars 1858. A 54 ans, il se retrouve à nouveau exilé de l’autre côté de la Méditerranée, à Sidi-Bel-Abbès. Les autorités attendaient-elles un prétexte pour le pousser à la faute et le faire tomber ? Ou bien Ferdinand Terrasse après ses longues années d’exil avait-il décidé de poursuivre le combat et ce, en dépit de l’étroite surveillance de la gendarmerie ? Un rapport de la gendarmerie l’épingle au mois de juillet 1858 :

‘« Le sieur Terrasse a été gracié une fois et aussitôt sa rentrée, il s’est empressé de se réunir avec ses amis les démagogues, même dans les cabarets pour jurer la ruine de l’Empereur. Sa présence n’est pas nécessaire dans sa famille pour soigner sa femme ; c'est un homme de cabaret, un joueur qui chez lui ne fera que de disciper (sic) une partie de l’argent que ses enfants gagnent en travaillant dans les fabriques de soie du canton ». ’

Une nouvelle fois, il va tenter de solliciter un retour en France, mais encore moins qu’auparavant, les autorités ne semblent prêtes à l’entendre. Le 4 juillet 1858, il écrit au préfet : « Je viens d'apprendre par une lettre que mon frère m’a écrite et contenant l’avis des médecins que ma femme est sérieusement malade »  2396 . La douleur d’une nouvelle séparation a aggravé la maladie de Victoire Avit et, selon un médecin à Aubenas, il n’y aurait pas d’espoir de guérir le cancer du sein  2397 qui la ronge. Les deux sœurs de Ferdinand l’assistent dans ses derniers instants en étant « continuellement aux petits soins près d’elle »  2398 mais le « crabe » ne lui laisse lui que peu de répit et finit par l’emporter le 19 janvier 1859, à l’age de 50 ans. Selon la gendarmerie, Ferdinand Terrasse, « par son inconduite et les souffrances morales qu’il a fait souffrir à sa femme »  2399 , porte la responsabilité de la maladie qui a miné sa compagne.

Ombre et lumière caractérisent la personnalité de Ferdinand Terrasse. Il pratique une forme de « nicodémisme »  2400 politique en acceptant en apparence la soumission à un pouvoir dont il ne partage manifestement pas la philosophie mais tout en poursuivant la résistance à l’autorité jugée illégitime. « L’expérience sociale » de Ferdinand est faite de ruptures, de séparations et de deuils qui ont manifestement participé au « désenchantement de son monde ». Les êtres les plus proches et/ou les plus chers ont disparu alors qu’il subissait en exil les contrecoups d’une insurrection déclenchée en réaction au coup d’État d’un président de la République qui violait le texte d’une constitution : son frère Emmanuel disparu dans les jours qui ont suivi son retour d’Afrique en 1852, sa mère en 1854, sa femme en 1859. S’il avait la foi, il l’a perdu, car pour lui, « Dieu est mort » quelque part entre la Suisse et l’Afrique. « Le ciel étant vide », le 8 mai 1887, il choisit de se faire « accompagner civilement à sa dernière demeure par de nombreux amis et citoyens dévoués aux principes démocratiques »  2401 . L’exilé de 1852 repose désormais au cimetière de Genestelle au côté de son épouse décédée trente ans plus tôt. L’inscription marquée sur sa stèle funéraire a de quoi surprendre. Il ne se définit pas comme une victime du coup d’État de 1851 mais comme un exilé de 1852. Au sommet du monument, une urne ou un vase recouvert d’un linge remplace les symboles chrétiens. Ferdinand Terrasse était-il devenu un libre-penseur ? Il est difficile de l’affirmer car Jacqueline Lalouette, spécialiste de la libre pensée en France, verrait dans la rédaction de l’ultime adieu une référence encore chrétienne : « emportant dans la tombe les regrets éternels de sa famille éplorée ». Selon Jacqueline Lalouette, en matière d’inscriptions « le terme de « regrets » possède une importante valeur indicative. Sur les sépultures civiles et libres penseurs, il est assez souvent gravé seul, alors qu’en général, sur les tombes chrétiennes, on trouve « Regrets éternels »  2402 . Il n’y pas non plus de référence au calendrier révolutionnaire qui pourrait être un indice complémentaire. La mémoire de « l’exilé » a marqué tous ses descendants qui vont faire le choix d’être enterré civilement : son fils Firmin, sa petite-fille Lidy qui épouse Camille Vincent, de Genestelle. Leur fils Maurice Vincent  2403 , mort en 1967 était affilié à la Libre-Pensée de Tournon et à sa mort en 1967, il poursuit la tradition familiale de l’inhumation civile.

Photographie de la pierre tombale de Ferdinand et Victoire Terrasse rapportée par M. Gabriel Vincent au château de Conchis, commune de Genestelle.
Photographie de la pierre tombale de Ferdinand et Victoire Terrasse rapportée par M. Gabriel Vincent au château de Conchis, commune de Genestelle.

Archives privées M. Gabriel Vincent, 2005.

Détail d’un élément sculpté sur la pierre tombale.
Détail d’un élément sculpté sur la pierre tombale.

Notes
2319.

Pour la participation de Louis Bérard et de son fils Léon au mouvement insurrectionnel, voir chapitre II, partie C) II 3°) « Décembre 1851 en Ardèche ».

2320.

Louis Bérard maire de 1830 à 1840, 1er adjoint en 1846.

2321.

Arch. dép. Ardèche. Le maire de Saint-Vincent-de-Barrès au citoyen commissaire en date du 2 mai 1848 : rapport des faits qu se sont passés à Saint-Vincent au sujet d’une visite faite par Comte avoué et Champestève aîné moulinier en soie.

2322.

Arch. dép. Ardèche cadastre 3 P 1759-1761: matrice des propriétés bâties et non bâties. 1823-1914.

2323.

Arch. dép. Ardèche. E dépôt. Registre des délibérations municipales. Les familles Bérard Champestève n’ont pas toujours été à couteaux tirés. Un Champestève a été le témoin du mariage de Marie Rose, la tante de Louis Bérard mais cela remontait à près de cinquante ans, en 1794…

2324.

Arch. dép. Ardèche. E dépôt. Registre des délibérations municipales. Le conseil revient sur sa décision dans sa session du 10 août 1851 au cours de laquelle « le conseil et les plus forts imposés ayant délibérés, il a été décidé à l’unanimité qu’une somme de 150 francs serait portée au budget de 1852 au remboursement de Bérard des avances par lui faites ».

2325.

E dépôt. Idem.

2326.

Acte passé devant Bally, notaire à Baix.

2327.

E dépôt. Idem. Somme qui se porterait à près de 4 000 francs.

2328.

Idem.

2329.

Idem. Séance municipale en date du 11 février 1844 avec lecture de la lettre du préfet.

2330.

Idem. Séance municipale en date du 24 septembre 1848.

2331.

Adrien Champestève ne peut pas éviter la saisie de ses biens au mois de septembre 1851. Arch. dép. Ardèche 3U2 659. Procédure en expropriation forcée n°11 déposée le 6 octobre 1851. Le 18 octobre 1850, Etienne Noyer négociant de Lyon agissant en sa qualité de liquidateur du commerce Noyer frère et Jarrasson obtient du tribunal de commerce de Lyon un jugement contre Champestève qui condamnait celui-ci à lui payer la somme de 14 372 francs plus les dépenses des instances. N’ayant pu honorer sa créance, il fait l’objet d’une expropriation forcée et la totalité des immeubles saisis ayant une valeur de plus de trois cent mille francs sont partagés en 4 lots de valeur de 2 500 francs, 3 500 francs, 3 000 francs et 1 000f. Le 22 mars 1852, Étienne Noyer fait l’acquisition des biens après avoir offert aux enchères la somme de 129 600 francs (3Q 1972 fol 131). Mais la procédure fait l’objet d’une folle enchère et le 31 mai 1858, les biens sont acquis par François Vigne, négociant de Lyon, pour la somme de 90 000francs.

2332.

Arch. dép. Ardèche 5M15.

2333.

Idem.

2334.

Arch. dép. Ardèche 5M29. Procès verbal de la gendarmerie départementale en date du 14 août 1853.

2335.

Arch. dép. Ardèche 5M21. Soumission en date du 3 août 1853 de Léon Bérard à sa Majesté Napoléon III, empereur des Français.

2336.

Arch. dép. Ardèche 5M30. Le capitaine de la gendarmerie en date du 18 août 1853 pour signaler au préfet l’arrestation de Léon Bérard.

2337.

Arch. dép. Ardèche Y137. Registre d’écrou de la Maison d’arrêt de Privas. Entré le 18 août 1853. Condamné politique conduit en Algérie le 23 août 1853.

2338.

Arch. dép. Ardèche 5M21. Lettre du ministère de l’Intérieur au préfet en date du 22 janvier 1855.

2339.

Arch. dép. Ardèche 5M31. Renseignements sur les condamnés politiques ou ennemis du gouvernement de l’arrondissement de Privas en date du 22 février 1858.

2340.

Marie-Laure NÉVISSAS, Une région à l’épreuve, mémoire de maîtrise déjà cité, p. 110.

2341.

Idem, p. 134. Elle ajoute qu’un document récapitulatif des origines des graines mises à éclore en Ardèche fait état de près de 60 destinations différentes. Document coté 12M81 aux Archives départementales de l’Ardèche.

2342.

Idem, p. 128. Chapitre I. La résistance des particuliers. A- Une résistance essentiellement le fait d’une élite, pp. 128-132.

2343.

Arch. dép. Ardèche. État civil des décès de Saint-Lager-Bressac en date du 1er  novembre 1863.

2344.

Arch. dép. Ardèche 5M54. Notice individuelle établie dans le but d’obtenir une pension en tant que victime du 2 décembre transmise en date du 19 juillet 1881.

2345.

Arch. dép. Ardèche 5M54 Lettre de Terrasse en date du 17 juin 1881 pour adresser des pièces dans le but d’obtenir une pension en tant que victime du 2 décembre : «1°)  huit ans de mairie comme conseiller, 2°) 20 ans de mairie comme maire et secrétaire désintéressé, au total 28 ans de service administratif communal peu ou point rémunéré ».

2346.

Arch. dép. Ardèche Y 136. Registre d’écrou de la Maison d’arrêt de Privas. Entré le 27 décembre 1851, inculpé d’incitation à la haine des citoyens les uns envers les autres. Conduit en Algérie le 5 mai 1852.

2347.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Son frère Emmanuel meurt le 3 octobre 1852 d’une fièvre contractée sur son lieu de détention. Bénéficiant d’une grâce, Il avait été rapatrié une semaine auparavant.

2348.

Pour la participation de Ferdinand Terrasse à l’insurrection, voir chapitre II, partie C) II 3°) « Décembre 1851 en Ardèche ».

2349.

Arch. dép. Ardèche. Déposition en date du 30 janvier 1852 d’Agathe Gontier femme Baylon, 38 ans, aubergiste à Vals.

2350.

Arch. dép. Ardèche. Déposition en date du 19 décembre 1851 de Ferdinand Gleizal, 48 ans, limonadier à Antraigues.

2351.

Arch. dép. Ardèche. Déposition en date du 19 décembre 1851 d’Hilarion Comte, 30 ans, propriétaire à Saint-Andéol-de-Bourlenc.

2352.

Arch. dép. Ardèche. Déposition en date du 19 décembre de Jean-Louis Théron, 55 ans, avocat à Vals. « On crut connaître qu’ils étaient commandés par Gamon, Court porte-drapeau, Vigouroux, Gleizal l’Africain et Ferdinand Terrasse. On avait arrêté deux éclaireurs puis un nommé Cornu ».

2353.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Rochegude fils, adjoint au maire de Genestelle, au préfet, en date du 27 décembre 1851.

2354.

Ibidem. C’est la déposition en date du 13 janvier 1852 de Jacques Rochedy, curé de Genestelle, qui a mis en cause Emmanuel Terrasse : « Le 6 décembre vers trois heures de l’après-midi, la mère de Pierre Étienne clocheron de ma paroisse vint me trouver à l’église. A côté de cette femme se trouvaient un enfant et le nommé Joanny cabaretier au col de Genestelle. Joanny me dit que le Président de la république étant mort, il fallait faire sonner le tocsin pour partir. Je lui fis observer que je ne pouvais pas faire sonner le tocsin et que si le maire voulait le faire sonner il n’avait qu’à donner l’ordre. Une heure après, Emmanuel Terrasse accompagné du domestique de Ferdinand Terrasse, son frère se présenta devant moi et le domestique me remis le permis de sonner ».

2355.

Arch. dép. Ardèche 5M15. Interrogatoire en date du 31 décembre 1851.

2356.

Arch. Dép. Ardèche 5M23. Emmanuel Terrasse au préfet en date du 5 avril 1852 pour solliciter une demande de grâce.

2357.

Tous les faits suivants sont reconstitués à partir des dépositions archivées en série 5M15 et à partir des déclarations faites par Emmanuel Terrasse au juge d’instruction en date du 21 janvier 1852.

2358.

Né le 3 avril 1823 à Névaches (dép. 05). Arch. dép. Ardèche Y 136. Registre d’écrou de la Maison d’arrêt de Privas. Entré 8 janvier 1852, inculpé de délits politiques. Conduit le 5 mai 1852 en Algérie. Incarcéré au camp de l’Oued-el-Hammam.

2359.

Un autre Joanny est cabaretier au col de Genestelle. Dans l’après-midi du 6, d’après la déposition en date du 13 janvier 1852 de Jacques Rochedy, curé de Genestelle, il se serait rendu à l’église pour lui demander de faire sonner le tocsin parce que « le président de la République était mort ». Vers 20 h, le même Joanny est reconnu par le maire d’Antraigues au milieu de la bande d’une vingtaine d’hommes en armes qui forcèrent la porte de sa maison pour s’emparer du drapeau et du tambour de la garde nationale. (Déposition de Jean-Louis Salomon, 58 ans, maire d’Antraigues en date du 19 décembre 1851).

2360.

Arch. Nat. BB22 179. Dossier Ferdinand Terrasse.

2361.

Arch. Nat. BB22 179. Idem.

2362.

Son père Pierre François a été maire de Genestelle pendant la période des Cent jours.

2363.

Arch. Nat. BB22 179 en date du 15 juin 1854. Dans la rubrique « recommandations » de la chemise de son dossier archivée au Ministère de la justice Affaires criminelles et des grâces apparaissent les noms de Pierre Napoléon Bonaparte sur le témoignage de Gleizal ancien représentant du peuple et M Chevreau secrétaire général de l’Intérieur, ancien préfet de l’Ardèche.

2364.

Arch. Nat. BB22 179. Attestation de Rochegude, maire de Genestelle en date du 5 avril 1855  qui certifie que « Marianne Mounier se trouve actuellement dangereusement malade et qu’elle témoigne les désirs le plus sincères de voir son fils Terrasse Ferdinand qui a été obligé de quitter la France par suite des événements du deux décembre 1851 ».

2365.

Arch. Nat. BB22 179. Ministère de l’Intérieur à Monsieur le Gardes des Sceaux, ministère de la justice en date du 29 mai 1855.

2366.

Archive d’État de Genève. Étrangers C35, folio 249. Registre des procès-verbaux de la Chambre des Étrangers de 1854.

2367.

Arch. dép. Ardèche 5M22. D’après la signature sur une lettre de demande de grâce adressée au préfet en date du 30 janvier 1856. Elle aurait pu être une institutrice membre d’une congrégation religieuse. Une vérification dans les registres des délibérations communales n’a pas permis de trouver un quelconque procès verbal d’installation à son nom. Arch. dép. Ardèche. E dépôt 65 D1 et D2, Accons.

2368.

Arch. Nat. BB22 179. Rapport du ministère de l’Intérieur en date du 15 juin 1854.

2369.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Rochedy, curé de Genestelle, au préfet en date du 27 août 1852.

2370.

Né en 1828 à Genestelle. Il a épousé Marianne Victoire Terrasse le 15 janvier 1851.

2371.

Arch. dép. Ardèche 5M21. Extrait d’un rapport de la gendarmerie impériale en date du 15 juillet 1858 : « Son gendre qui jouit d'une bonne réputation a dit au maire de Genestelle qu’il serait à désirer qu’on le retienne encore en Algérie ».

2372.

Yves MOREL, Les Maîtres du fil, ouv. cité, tome III, p. 230. Avec une dizaine de fabriques, « la commune d’Antraigues figure en bonne place au palmarès des pôles manufacturiers de la région ».

2373.

Yves MOREL, idem, p. 232.

2374.

Yves MOREL, idem, p. 242. La transaction est à l’initiative des héritiers Rochegude.

2375.

Voir Yves MOREL, idem¸tome II, p. 409.

2376.

Archives privées. Lettre de M. Gabriel Vincent en date du 18 octobre 2005.

2377.

Avocat, notaire royal, juge de paix à Antraigues, membre de la Convention, décédé à Paris le 10 septembre 1833. Selon M. Gabriel Vincent, un Terrasse a épousé la fille du notaire Gleizal qui aurait acheté le château en 1735.

2378.

Lettre de M. Gabriel Vincent en date du 18 octobre 2005.

2379.

Arch. dép. Ardèche 5M10. Lettre anonyme d’Antraigues datée de novembre 1850.

2380.

Arch. dép. Ardèche 3K 84. Recueil des actes administratifs, n° 191, en date du 11 novembre 1850.

2381.

Arch. dép. Ardèche 2MP43. État des mutations survenues au cours du 1er et 2ème trimestre 1851. « Ferdinand Terrasse maire révoqué en décembre 1850, son élection nouvelle a été refusée ».

2382.

Arch. dép. Ardèche. 2U69. Acte d’accusation de la Cour Impériale de Nîmes en date du 5 décembre 1853.

2383.

Les pièces de procédure de l’instruction du procès sont archivées dans le carton de la série 2U 69.

2384.

C’est ce que reconnaît Rochedy, le curé de Genestelle. Dans sa déposition en date du 17 août 1852 devant Emmanuel Gamon, juge de paix, il avait déclaré : « cette somme de trois cents francs était de notoriété publique entre les mains de Moulin et Ferdinand Terrasse, mais il avait la certitude qu’ils n’ont pas voulu frauduleusement se l’approprier et que si elle n’a pas été distribuée plus tôt, ce n’est que par négligence de leur part, ou peut être que l’ayant employée en partie à d’autre destination, ils ne l’on (sic) plus eue à leur pouvoir ». Arch. départ. Ardèche 2U 69.

2385.

Il n’y a aucune trace de ce jugement dans le registre des arrêts de la cour d’assises aux Archives départementales en série 2U. Le percepteur d’Antraigues a déclaré que la somme de 300 francs prétendument détournée avait été remise dans la caisse municipale le 13 août 1852 avec un intérêt de dix francs. Victoire Avit a reconnu avoir tardé à rendre la somme confiée à elle par son mari avant sa fuite car « ayant eu de pressants besoins en l’absence de mon mari, je me suis servie de partie de cette somme de cent cinquante francs croyant avoir le temps de la rendre un peu plus tard ». Déposition de Victoire Avit en date du 17 août 1852.

2386.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Laissez-passer en date du 19 décembre 1854 délivré par Léon Chevreau, préfet de l’Ardèche.

2387.

Arch. Nat. BB22 179. Ministère de l’Intérieur au Garde des Sceaux. Recours en grâce de Terrasse Ferdinand en date du 29 mai 1855.

2388.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Attestation en date du 29 août 1855.

2389.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Lettre en date du 28 octobre 1855 rédigée depuis le château de Caux, commune de Genestelle.

2390.

Ibidem.

2391.

Archives privées de M. Gabriel Vincent. Victoire Avit s’est fait assister pour rédiger et écrire sa supplique auprès de l’impératrice. Elle a signé sa demande alors qu’en 1829, lors de son mariage avec Ferdinand, elle n’avait pas su le faire et avait été portée « illettrée ».

2392.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Arrestation en date du 11 mai 1856. Procès verbal de la gendarmerie impériale constatant l’arrestation de Ferdinand Terrasse. Dans les souvenirs d’enfance de M Gabriel Vincent reconstruits d’après la mémoire familiale transmise par son père, Ferdinand se serait caché chez Gleizal au château de Conchis, mais il situe ce moment vers 1852.

2393.

Arch. dép. Ardèche 5M22. Lettre de remerciement de Ferdinand Terrasse au préfet en date du 24 mai 1856.

2394.

Arch. dép. Ardèche 5M31.

2395.

Arch. dép. Ardèche Y129. Maison d’arrêt de Privas et arch. dép. Ardèche 5M31 : transport en Algérie par décision du ministère de l’Intérieur en date du 16 mars 1858.

2396.

Arch. dép. Ardèche 5M22.

2397.

Arch. dép. Ardèche 5M21. Rapport de la gendarmerie impériale en date du 15 juillet 1858 et du 13 décembre 1858.

2398.

Ibidem.

2399.

Ibidem.

2400.

Nicodème : voir évangile de Jean III, 1, XII, 42-43, XIX, 39.

2401.

Pierre tombale située au Château de Conchis. Archives privées de M. Gabriel Vincent.

2402.

Jacqueline LALOUETTE, La libre pensée en France 1848-1940, Albin Michel, 2001, 636 p, p. 313.

2403.

Maurice Vincent est le père de Gabriel Vincent rencontré aux Archives départementales de l’Ardèche.