3/ Le corpus de la tradition :

La tradition se donne sous différentes échelles. Il y a d’abord la tradition athonite, puis la tradition grecque (certains acteurs parleront de tradition byzantine), ensuite la tradition orthodoxe ou orientale et pour finir la tradition chrétienne. Ces traditions se donnent comme autant de déclinaisons plus ou moins locales de « la » Tradition, qui serait la Tradition chrétienne. A ce moment là, la tradition grecque constituerait une tradition parmi d’autres, plus précisément la version grecque de la Tradition. Tout se passe comme s’il était question de particularismes locaux dans la mise en œuvre d’une seule et même Tradition. De ce fait, nous aurions en quelque sorte une grande Tradition qui se déclinerait en plusieurs « petites » traditions liées à une localité, comme la tradition grecque, la tradition russe, ou encore la tradition roumaine, etc. Cet usage suppose une identification entre culture et tradition. Les singularités de ces traditions procéderaient en quelque sorte d’une saisie culturelle de la Tradition.

Les relations étroites entre culture et tradition découlent de l’inscription de l’Eglise dans un territoire, à même de former une « Eglise locale » 267 . Mais devant une « globalisation » du religieux, l’Eglise locale ne se circonscrit plus au territoire national. L’exemple de l’Eglise russe est révélateur à ce sujet. Bien que l’Eglise orthodoxe russe reste fortement liée à un territoire garant d’une préservation de sa tradition religieuse 268 , il n’en reste pas moins que son influence dépasse de loin les frontières de l’Etat russe. L’Eglise locale doit maintenant compter avec une dispersion religieuse 269 et tend à valoriser d’autres formes de citoyenneté. Ainsi l’Eglise russe se trouve en mesure d’accorder une « citoyenneté spirituelle » aux Russes situés hors des frontières de la Russie 270 . Cette identification nationale des églises orthodoxes de la diaspora conduit parfois à quelques paradoxes canoniques. Le régime communiste en Russie et la guerre civile en Grèce provoquèrent une importante immigration des pays d’appartenance religieuse orthodoxe en France. Ces émigrés souhaitant garder un lien ecclésiastique avec leur pays d’origine, les différents patriarcats pourvurent leurs diasporas de prêtres et d’évêques orthodoxes. C’est ainsi qu’ils ont encouragé la multiplication d’Eglises locales identifiées en fonction de leur pays d’origine sur un même territoire, violant le principe canonique d’unité d’évêque. Sur le territoire français, l’Eglise orthodoxe se décline en Eglise grecque, Eglise russe, Eglise roumaine, etc. En Russie ou en dehors, l’appartenance religieuse reste donc fortement liée à l’appartenance nationale 271 . L’Eglise grecque n’est pas en reste. Nikos Kokosalakis fait remarquer dans un article que l’orthodoxie est devenue inextricable de « l’identité ethnique grecque » suite à la période de domination ottomane et du nationalisme du XIXesiècle 272 . Par ailleurs, l’Eglise grecque joue un rôle important dans la politique de l’Etat-nation et il n’est pas rare que les institutions politiques puisent dans les représentations religieuses locales pour écrire quelques pages de l’histoire nationale 273 .

L’appartenance à une tradition religieuse est donc bien souvent associée à une appartenance culturelle. Ce qui ne va pas sans quelques frictions pour nos moines orthodoxes français de tradition grecque. En effet, nombre de Grecs rencontré sur le terrain ne pouvait concevoir que des moines français se disent appartenir à la tradition orthodoxe grecque n’acceptant de tradition grecque qu’en Grèce, ou pour les plus radicaux la seule possibilité d’une orthodoxie grecque. Ainsi « la tradition » se trouve en tension entre un fort ancrage local et la vocation universelle du christianisme, tension que nous retrouvons dans la distinction entre les traditions et la Tradition. Parfois fortement associée à une culture particulière, la Tradition demeure néanmoins, comme le montrent nos entretiens, une notion transversale. Elle sert aussi bien à exprimer les singularités locales qu’une référence commune, car dans ces distinctions, les acteurs parlent toujours de la même chose. Cette tension entre inscription locale d’une tradition et vocation globale de la Tradition nécessite de distinguer deux niveaux d’interprétation : d’une part celui des situations vécues par les acteurs, et d’autre part les images et symboles auxquels ils se rapportent et qui sont nécessairement l’objet d’une appropriation locale.

Prenons comme exemple le rituel. Force est de constater que le rituel recompose nécessairement sa mise en scène en fonction de contraintes locales, par exemple un nombre limité de moines. Bien plus, le rituel introduira des images, des gestes, des discours caractéristiques de situations différentes empruntes d’un contexte particulier. Certains saints ne seront vénérés que localement, d’autant plus lorsqu’ils sont issus de la diaspora 274 et pourront être totalement inconnus dans d’autres contextes se référant pourtant à la même Tradition. Autre exemple, la gestuelle sera différente selon que nous nous trouvons en France ou en Grèce : de manière générale la prière grecque est plus « exubérante » avec ses grandes métanies, ses pénitences, ses effondrements en pleurs. Aussi les discours avec des préoccupations théologiques plus prononcées en France où il est davantage question de comprendre le sens de ce qui est fait. Malgré cette diversité des applications, tous se réfèrent à une même tradition liturgique définie notamment par saint Jean Chrysostome. La grande Tradition constitue le « principe supérieur commun » pour reprendre l’expression de Luc Boltanski et Laurent Thévenot 275 susceptible de justifier et par là-même d’uniformiser une diversité de pratiques. Ce principe permet de dépasser les singularités locales pour les insérer dans un même « ordre de grandeur ».

Nous avons donc des traditions en face de la Tradition. Mais les traditions locales ne se valent pas toutes. Certaines sont reconnues comme « faisant » la Tradition. C’est le cas de la tradition athonite. Le Mont Athos est envisagé comme « le gardien de la grande Tradition monastique et spirituelle de l’orthodoxie ». Le Mont Athos serait le « gardien » de la grande Tradition dans la mesure où il aurait réussi à la conserver intacte au cours des siècles, à l’abri de la clôture monastique. Autrement dit, sa Tradition serait « grande » parce qu’elle serait « ancienne » et pourtant intacte puisqu’elle n’aurait pas subit les mutations du « monde » - d’où le rapport privilégié introduit en France avec l’implantation des metochia de Simonos Petra, comme le reconnaît ce moine : « Bon déjà notre implantation a eu certains avantages comme par exemple de faire connaître la tradition orthodoxe en France, qui n’était pas très connue avant, […] c’est vrai qu’en France il n’y en avait pas, il y avait le monastère de Bussy qui est de tradition russe, bon il y avait aussi un monastère de tradition grecque, mais il n’y a pas ce lien avec la Tradition que l’on a ».L’apport de la tradition cette fois-ci orthodoxe est reconnu comme plus important que celui des paroisses et même des monastères de tradition russe ou grecque, parce que le lien avec la tradition locale de l’Athos est en même temps un lien « direct » avec la grande Tradition. L’expression « grande Tradition » est d’ailleurs utilisée aussi bien pour désigner la tradition orthodoxe que la tradition athonite. Mais ces utilisations soulignent un paradoxe : qu’est-ce que la tradition athonite a de spécifiquement athonite si elle est envisagée comme la grande Tradition de l’Eglise orthodoxe ? La tradition se trouve ici encore prise dans une tension entre particularisme et universalisme. Cette « grandeur » à même de justifier toutes les pratiques locales (la grande Tradition) ne se donne paradoxalement à voir que dans des pratiques locales.

Nous n’avons vu de « tradition » que dans des interactions, nulle part ailleurs, et pourtant force est de constater que nous nous trouvons en présence d’un processus d’essentialisation de la tradition où celle-ci, indépendamment des acteurs qui la font, façonnerait les actes. Les pratiques s’inscrivent dans un rapport transcendantal à la tradition. C’est pourquoi nombre de nos entretiens l’envisagent dans une perspective divine : la grande Tradition est suscitée par l’Esprit Saint. Elle est en quelque sorte le chemin divin tracé dans l’esprit de certains hommes (les Pères de l’Eglise et tous les « faiseurs » de tradition) d’un retour à Dieu. Faisons ici un rapprochement entre la notion de tradition et celle de culture. Annamaria Rivera a consacré un article stimulant à la notion de culture dans L’imbroglio ethnique 276 duquel nous nous inspirons pour cette réflexion. Dans son article, elle montre que la notion de culture devient une entité abstraite transcendant les acteurs et les rapports sociaux, échappant au temps et à l’histoire. La tradition semble fonctionner en tous points de la même façon.

La tradition devient une chose en soi que nous ne voyons nulle part mais qui est pourtant partout présente. Nos entretiens n’affirmaient jamais la tradition, mais la supposaient partout : « la tradition c’est peut-être ça, mais pas seulement, la tradition est aussi là, c’est encore ça, mais ça n’est pas que ça, etc. ». Bref la tradition serait une sorte d’entité en déplacement, sans cesse en recomposition locale. Totalité absorbante, elle pénétrerait toutes les dimensions de la vie monastique. Elle serait une propriété de certains objets, de certains actes, de certaines paroles, mais qui ne se circonscrirait pas à ces objets, actes ou paroles. Elle serait évanescente et se transporterait d’un acte à l’autre, sans s’y arrêter. Elle ne se limiterait à aucun espace et échapperait au temps qui pourrait au mieux lui donner sa patine donc sa légitimité. En définitive elle serait là encore « esprit » mais cette fois-ci dans le sens spectral du terme. Mais loin de constituer une entité objective, la tradition semble davantage être le produit d’une représentation du groupe qui parle de lui-même. En ce sens, la tradition est avant tout un discours sur les pratiques. C’est bien le discours de la tradition qui sort le moine du désordre de ce monde pour en faire un citoyen du Royaume à venir. C’est encore par cette tradition que le moine justifie ses actes. Par le recours à cette « grandeur », le moine détermine ce par quoi il se dit déterminé. Dès lors, il ne s’envisagera plus que comme un produit de la tradition 277 . Reste à savoir laquelle ? Toute la difficulté est là, aussi bien pour le moine que pour l’ethnologue. Si les traditions ne sont pas irrémédiablement différentes, elles ne sont pas non plus sensiblement les mêmes. Finalement faut-il parler des traditions de l’orthodoxie ou de la tradition orthodoxe 278 ? Tout le monde s’accordera à dire que les moines grecques vivent la même chose que les moines russes mais de manière différente. Là commence l’imbroglio traditionnel.

L’identification à une tradition est fonction, comme le montre nos extraits d’entretien, d’un jeu d’échelle. Autrement dit, la tradition à laquelle le moine se réfère est variable et dépendra du point de vue adopté. Cette variabilité nous amène à considérer les passages d’une échelle à une autre. Qu’est-ce qui fait qu’un moine s’identifiera plus à la tradition grecque qu’à la tradition orthodoxe dans certaines situations et vice-versa ? Dans la mesure où les acteurs identifient une tradition grecque, ils l’appréhendent comme une entité homogène susceptible d’être comparée par exemple à la tradition russe. Dans cette situation, l’accent sera mis sur les spécificités de chacune. Si les acteurs parlent de tradition orthodoxe, la distinction entre la tradition russe et la tradition grecque ne sera plus pertinente. Ces deux traditions se retrouveront à l’intérieur d’un même ensemble traditionnel orthodoxe pour se distinguer par exemple de la tradition catholique. L’identification d’une tradition est donc relative et varie en fonction de ce dont les acteurs souhaitent la distinguer. De la même façon l’appartenance traditionnelle d’un moine évolue en fonction des acteurs en présence. Devant les visiteurs français, les moines se réclameront de la tradition orthodoxe. Si des visiteurs russes viennent à fréquenter le monastère Saint-Antoine-le-Grand, les moines se revendiqueront de la tradition grecque. Des visiteurs grecs débarquant, les moines s’inscriront dans la tradition athonite. Bien entendu, ils ne sont pas dans une tradition plus que dans une autre mais dans toutes ces traditions avant tout parce qu’ils sont dans la grande Tradition de l’Eglise dont toutes se réclament. Ce que Annamaria Rivera observe pour la notion de culture est transposable à la notion de tradition : « Les individus et les groupes s’identifient davantage en fonction des cultures avec lesquelles ils sont en relation, voire en opposition, qu’en fonction du caractère positif de leur propre culture de départ » 279 . Une tradition religieuse se dit, se joue, se voit avant tout dans un contexte relationnel. Elle se construit dans une frontière mouvante, susceptible de clôture autant que de franchissement 280 . Autrement dit, il n’y a de tradition que dans des manières d’articuler des relations sociales.

Illustration 32 : Balcons « athonites » (Monastère Saint-Antoine-le-Grand)
Illustration 32 : Balcons « athonites » (Monastère Saint-Antoine-le-Grand)
Illustration 33 : Balcons du monastère de
Illustration 33 : Balcons du monastère de Simonos Petra (Mont Athos)

Si il y a différentes échelles de la tradition, nous pouvons aussi remarquer une pluralité de déclinaisons de la tradition, fonction de ses champs d’application. Considérons maintenant ce deuxième volet. Les extraits d’entretiens mentionnent une tradition biblique, une tradition monastique, une tradition liturgique, une tradition architecturale. Ici nous ne sommes pas en présence d’une différence d’échelles mais bien d’une diversité d’applications. Tout se passe comme si la grande Tradition s’exprimait dans plusieurs domaines : la vie monastique, le rite liturgique, mais encore l’architecture, l’iconographie, etc. Toutefois ces domaines d’application demeurent là encore liés à une localité. Ainsi les acteurs reconnaîtront un « style byzantin » en architecture, une tradition iconographique grecque, etc. L’iconographie grecque est par exemple identifiée comme l’expression de la tradition grecque dans le domaine de l’iconographie.

Illustration 34 : Architecture de tradition dite « byzantine » (Eglise des saints apôtres, Thessalonique)
Illustration 34 : Architecture de tradition dite « byzantine » (Eglise des saints apôtres, Thessalonique)
Illustration 35 : Architecture de tradition dite « russe » (Monastère de
Illustration 35 : Architecture de tradition dite « russe » (Monastère de Saint Panteleimon, Mont Athos)

Cette idée sous-entend qu’il y aurait une singularité de la tradition grecque identifiable dans la manière de faire des icônes comme dans l’architecture 281 , en quelque sorte un « style » 282 propre à une tradition localisée. Par exemple le « style » iconographique grec est décrit par les acteurs comme plus « solennel », plus « cérémoniel » que le « style » russe davantage éthéré. Ainsi les représentations grecques mettent en scène la Vierge dans une posture hiératique désignant de la main son fils présent à ses côtés alors que le style russe privilégiera les « Vierges de tendresse » dans lesquelles l’iconographe accentue les relations affectueuses entre la Vierge et le Christ. Autre différence « de style », le modelé des chairs est davantage vigoureux dans l’iconographie grecque, alors que les icônes russes représentent des corps longilignes, filiformes. La plupart du temps les sujets de l’iconographie grecque sont peints sur fond d’or contrairement aux icônes russes privilégiant un fond de couleur. Ce « style » propre à une tradition russe ou grecque est renforcé par un ensemble de techniques iconographiques spécifiques.

Illustration 36 : Icône de la Vierge de tradition dite « byzantine », iconostase de l’église Saint Silouane (monastère Saint-Antoine-le-Grand)
Illustration 36 : Icône de la Vierge de tradition dite « byzantine », iconostase de l’église Saint Silouane (monastère Saint-Antoine-le-Grand)
Illustration 37 : Icône de la Vierge de tradition dite « russe », iconostase de la chapelle Saint Antoine (monastère Saint-Antoine-le-Grand)
Illustration 37 : Icône de la Vierge de tradition dite « russe », iconostase de la chapelle Saint Antoine (monastère Saint-Antoine-le-Grand)

Mais ces deux « traditions iconographiques » entretiennent dans certaines productions d’étroites relations. Certaines œuvres relèvent tout autant de la tradition russe que de la tradition grecque. Ainsi en est-il dans certaines églises de la diaspora orthodoxe, comme c’est le cas au monastère Saint-Antoine-le-Grand. Les fresques de l’église Saint Silouane ont été réalisées par un couple d’iconographes russes pour orner une église d’architecture byzantine. Le programme iconographique mêle les deux traditions, et les acteurs voient dans la douceur des visages une production russe et retrouvent la tradition byzantine dans le hiératisme des postures. Cette production est envisagée comme une « synthèse » des traditions iconographiques russes et grecques dans la construction d’une orthodoxie « d’expression française » pour reprendre les propos de l’higoumène du monastère. Bien plus, présentées comme des fresques byzantines dans le fascicule destiné aux visites touristiques, les fresques peuvent mettre en scène des détails iconographiques appartenant à l’histoire récente de la Russie. Ainsi, nous pouvons voir dans les fresques de l’Apocalypse, un antéchrist représenté sous les traits de Lénine. Cet exemple nous montre que la tradition en matière d’iconographie est moins affaire de fidélité à l’égard d’un « style » que de nuances. Dans le débat de la tradition, il est finalement question de l’authenticité des variations.

Illustration 38 : fresques de l’église Saint Silouane (détail de l’apocalypse : l’antéchrist)
Illustration 38 : fresques de l’église Saint Silouane (détail de l’apocalypse : l’antéchrist)

Ces différentes traditions puiseraient leurs représentations dans une même tradition biblique. C’est là qu’elles trouvent leur unité. C’est l’idée selon laquelle un message originel (biblique) va générer tout un ensemble de traditions regroupées sous l’égide d’un même « esprit de la tradition ». Dans les extraits mentionnés, la tradition biblique inaugure la grande Tradition de l’Eglise et ses déclinaisons locales. Tout se passe comme si les traditions n’étaient à ce moment là que la mise en œuvre d’une exégèse de ce message originel dans différents champs d’applications. A la variabilité spatiale de la Tradition s’ajoute ici un facteur temporel. D’une tradition exégétique nous serions passés au travers de l’histoire à une pluralité de traditions perçues comme autant de mise en œuvre d’un même message. La grande Tradition comprendrait l’origine biblique, l’exégèse qu’en ont donné les Pères de l’Eglise mais aussi différents apports des petites traditions au cours de l’histoire. C’est pourquoi la tradition est aussi envisagée comme une « synthèse » des expériences monastiques passées, voire un consensus affiné au cours des siècles sur les modalités d’action de la vie chrétienne. Ces « ajouts » se verraient accorder un coefficient de « traditionnalité » d’autant plus élevé qu’ils seraient anciens.

Tout se passe un peu comme si au cœur de la Tradition se trouvait une sorte de « noyau originel et immuable » sur lequel s’agglutineraient au fur et à mesure les traditions. Ce noyau formerait la part exégétique de la tradition, son « esprit », ses principes fédérateurs à mettre en œuvre à travers le prisme d’un bon sens de la tradition apporté par un geronda. Les traditions locales se verraient d’autant plus « traditionnelles » qu’elles justifieraient d’une assise historique. Ainsi les acteurs reconnaîtront que certains ajouts liturgiques du XIXesiècle puissent faire maintenant partie de la tradition, sans pour autant leur accorder le même poids qu’aux éléments vieux de plusieurs siècles. De même, l’autorité de la tradition athonite vient de ce que à l’Athos, « mille ans sont comme un jour ». Les moines reprennent souvent cette expression tirée d’un psaume lorsqu’ils parlent du Mont Athos. La tradition athonite est la grande Tradition de l’Eglise en premier lieu parce qu’elle remonte loin. Cette expression magnifie une continuité historique : à l’Athos, la Tradition serait conservée intacte dans la mesure où le temps n’aurait aucune prise sur les pratiques. L’occupation du Mont Athos et les pratiques qui s’y déploient remonteraient quasiment au temps de l’Eglise primitive, donc au « noyau » originel de la Tradition. Ce noyau serait conservé tel quel par une occupation ininterrompue du Mont Athos et préservé des changements du siècle par une clôture stricte tout au long de son histoire. Tout se passe comme si les monastères athonites étaient rigoureusement « en dehors » du monde et du cour de l’histoire, en dehors du siècle donc dans la continuité de la tradition.

La tradition regroupe donc tout ce qui est traditionnel, à savoir des traditions. C’est-à- dire « ce qui a toujours été fait » et qui, fort d’une transmission sans altération, « sera toujours ainsi ». Nous arrivons ici au troisième domaine d’utilisation du terme de tradition : un corpus qui fait l’objet d’une transmission. La tradition transporte un ensemble d’usages définis au fur et à mesure des expériences, mais aussi un système de représentations à même de les justifier. Ces représentations découlent de préoccupations théologiques : elles concernent l’exégèse patristique du message chrétien et de la définition progressive des cadres de son expérimentation. Autrement dit la transmission concernerait un ensemble de connaissances relatives aux interprétations et aux principes définis par les Pères de l’Eglise pour la mise en œuvre du message chrétien. Mais la tradition n’est pas envisagée seulement comme un corpus de connaissances issues en grande partie d’une exégèse de spécialistes. Elle puise aussi dans la somme des expériences passées ses modalités d’action. Ainsi la tradition est une communauté d’expériences, comme le rappellent nos entretiens : « c’est quand même des générations entières qui sont impliquées dedans ».

La tradition fonctionne selon une dynamique « involutive » 283 . Elle se caractérise par l’élan d’une recherche de manières toujours plus pertinentes de revenir au message originel pour en faire l’expérience hic et nunc. Il appartient au geronda de définir ces modalités d’action. En ce sens, la tradition s’avère prodigieusement conséquente. Loin de se cristalliser en un corpus précis et permanent de principes et d’usages, elle s’envisage selon un « point de vue » sur le passé pour reprendre le mot de Jean Pouillon 284 . Son contenu est malléable bien que nous y retrouvions des éléments communs susceptibles de traduire un certain consensus autour de l’« esprit de la tradition ». Ce qui fait une tradition c’est donc ce qu’un geronda retient des expériences de ceux qui l’ont précédé : des manières de faire adaptées à un contexte, certaines manières d’être plus que d’autres, des charismes spirituels. Ces composantes d’une tradition locale forment ce que les moines appellent la « personnalité d’un monastère » 285 .

Ces « personnalités monastiques » sont d’une grande variété qui peut parfois apparaître comme paradoxale. Sur le Mont Athos, il n’est pas rare de rencontrer dans la même journée un geronda encourageant un détachement corporel total au point d’exhorter ses enfants spirituels à ne plus se laver et un autre geronda invitant ses disciples à observer une propreté corporelle qui sied à la dignité monastique. A chacun sa manière, ses orientations, sa « personnalité », « sa tradition ». Cette «personnalité monastique» est façonnée par un higoumène qui puise dans l’ensemble des expériences de ses prédécesseurs immédiats des manières de faire opérantes pour la situation dans laquelle se trouve son monastère. De cette façon, une communauté importante n’observera pas les mêmes usages qu’une communauté réduite. Par exemple l’organisation quotidienne privilégiera davantage le travail manuel par défaut de main d’œuvre plutôt que les offices religieux. L’higoumène pourra encourager dans ces « choix » une « manière d’être » qui peut se traduire par exemple dans son ouverture vis-à-vis du monde ou au contraire dans une stricte clôture. Les orientations particulières d’un monastère ne seront pas définies sur la base d’une appartenance à un ordre religieux comme c’est le cas dans le catholicisme, mais bien sur les positions d’un Père spirituel, sur sa lecture actuelle d’un passé monastique et ses implications hic et nunc. Nous en arrivons de ce fait à une diversité de manières de vivre « monastiquement ». Chaque monastère dispose de ses propres référents spirituels, ses charismes à même de servir d’exemple dans l’expérience monastique. « Ici on aime bien saint Nectaire » pouvons-nous entendre au monastère Saint-Antoine-le-Grand. La tradition est affaire de choix et de dosage dans le corpus des expériences passées, c’est-à-dire avant tout de variations.

Ainsi, le monastère Saint-Antoine-le-Grand ne serait pas l’exacte transposition de son référent athonite, un « Athos hors de l’Athos » comme les acteurs le revendiquent quelquefois, encore moins une stricte répétition de la tradition athonite qui, suivant les diverses personnalités spirituelles et leurs orientations réciproques, apparaît déjà comme plurielle et variable selon que nous nous trouvions dans un monastère plutôt qu’un autre. La tradition athonite, si tant est qu’il n’en existe qu’une 286 , n’est pas l’objet d’une reproduction mais bien d’une inspiration 287 propre à l’édification d’une « orthodoxie d’expression française » 288 qui, tout en se démarquant de ses référents athonites, reste attentive à demeurer « orthodoxe ». Autrement dit, pas de transport de la tradition sans traduction. Aux Pères spirituels de dire les mêmes choses que leurs prédécesseurs mais de les dire autrement, dans un langage susceptible d’être compris de leurs contemporains. Voilà bien le rôle des gerondes : traduire un message pour en assurer la transmission. Et pour bien faire, la traduction doit être à la fois « fidèle et intelligible », c’est-à-dire « fidèle au « langage de départ » et « intelligible dans « le langage d’arrivée » 289 .

La répétition ne peut s’envisager que comme une tentative de répétition qui n’est pas une répétition à l’identique mais s’accompagne d’un effort de traduction pour rendre le message intelligible hic et nunc. Dans la mesure où les variations sont incluses dans un intervalle « orthodoxe », elles ne seront pas comprises comme une trahison puisque les acteurs concèdent qu’une tradition est « vivante » donc mouvante. Il revient alors aux « spécialistes » de la tradition de faire le tri au milieu de ces transformations entre celles qui se situent dans la continuité du message et celles qui s’en écartent. De ce fait, la tradition a toujours la forme d’une traduction fidèle même si elle innove, ou plutôt parce qu’elle innove. Loin d’une répétition à la lettre, l’ « esprit » d’une tradition autorise une démarche créatrice. Sa malléabilité s’accorde difficilement avec une transmission à la lettre. Ses intermédiaires, c’est-à-dire ceux qui ont acquis cet « esprit », ne feraient que répéter différemment les mêmes choses. L’ « esprit » de la tradition dessine à ce moment là une communauté de traducteurs, de « transformateurs fidèles » selon l’expression de Bruno Latour, « dont chacun réalise, pour lui-même, ce que les autres disent et qu’il n’avait pas compris jusque là » 290 . Ces traducteurs comprennent ce que d’autres avaient compris avant eux et le transmettent sous les mêmes formes ou d’autres. Comme le souligne Bruno Latour, la fidélité au message est alors davantage le fait du receveur que du transmetteur : « C’est seulement si le spectateur a compris pour lui-même de quoi il s’agit que l’on peut dire du message qu’il fut fidèlement « transmis ». Autrement dit, l’exact contenu du message est dans la main de l’interlocuteur, du receveur, et non dans celle du messager » 291 . Le message est fidèlement transmis dans la mesure où il trouve un écho chez son receveur, c’est-à-dire dans la mesure où son receveur peut le comprendre.

Pas de transmission sans transformation du message : « Comprendre, c’est envoyer un autre messager, différent dans son contenu du premier, mais qui permet à un troisième receveur de réaliser pour lui-même ce que le deuxième et le premier avaient eux aussi compris […]. Le premier n’a pas envoyé de message-contenu au troisième. Le troisième n’a pas obtenu d’information sur le premier. En revanche, le troisième a l’impression de comprendre exactement ce qui est arrivé au premier, ce qui a fait irruption sur le deuxième, ce qui descend brusquement sur lui. La même chose lui arrive maintenant » 292 . Malgré l’étagement des intermédiaires et les transformations occasionnées, le message reste le même. Dire à nouveau c’est aussi quelque part dire du nouveau, pour rester « pertinent » au sens où l’entendait Pascal Boyer 293 . Le message religieux doit toujours donner l’impression d’être entendu pour la première fois. En matière de tradition monastique comme dans les déclarations amoureuses, les acteurs doivent toujours répéter les mêmes choses avec l’élan et la conviction d’une première fois, comme si ça n’avait jamais été dit auparavant – « ça prend » parce que c’est nouveau, c’est pertinent parce que c’est original. Il s’agit bien là de développer une vision originale sur ce qui a toujours été, en ce sens un « point de vue » capable de dire quelque chose de nouveau sur un même message. La transformation apparaît comme la condition sine qua non de la transmission. C’est parce que la tradition doit toujours dire quelque chose de nouveau pour rester pertinente que ses traducteurs ont de l’avenir. Autrement dit, tout l’enjeu de la transmission est de « broder » autour de la tradition : ajouter d’autres commentaires, apporter de nouveaux miracles, reconnaître des saints récents, écrire de nouvelles règles, composer de nouvelles prières, etc. pour rendre compte hic et nunc d’un « esprit » bi-millénaire. La tradition ne se rassasie pas du passé, elle a besoin de nouveautés pour « transporter de l’enthousiasme » 294 . C’est par ces traductions qui s’ajoutent à d’autres traductions que la tradition se transmet et demeure vivante, toujours enthousiasmante malgré le poids des siècles.

Est-ce à dire que la tradition serait une invention ? Le concept de traditions inventées nous vient des historiens. Ce concept est né de la constatation que certaines pratiques récentes se construisaient en revendiquant une continuité avec le passé. L’ouvrage de Eric Hobsbawm et de Terence Ranger, The Invention of Tradition 295 , considère l’apparition de néo-traditions à la lumière des transformations sociales des XIXe et XXe siècles liées à l’émergence des Etats-nations modernes. Dans le contexte de la Révolution industrielle, les Etats-nations ne peuvent plus se prévaloir d’un fondement divin et sont à la recherche d’une autre justification à même de légitimer la domination qu’ils exercent. La légitimité viendra du passé. C’est alors qu’ils s’emploient à construire les symboles de la nation à grand renfort de commémorations publiques. Les néo-traditions agissent à ce moment là comme un palliatif au sentiment de rupture induit par un contexte de changements, en instaurant une continuité avec le passé autour de la production de récits du passé. Mais comme le précise Alain Babadzan en commentant la notion de tradition inventée, « c’est moins l’adaptation des institutions héritées du passé (comme les églises ou l’université) qui intéresse Hobsbawm que l’usage des anciens matériaux symboliques pour « construire des traditions inventées d’un type nouveau pour des objectifs nouveaux » 296 . Il convient donc de ne pas systématiser la notion d’invention de la tradition et de distinguer, à la suite d’Eric Hobsbawm, les traditions inventées dont la relation au passé demeure largement fictive de l’adaptabilité des autres traditions. Dans ce cas, il s’agit davantage d’une malléabilité de la tradition que d’une invention proprement dite.

Bien qu’elle ne peut se passer d’innovations, la tradition monastique n’en est pas pour autant une tradition inventée. Nous sommes moins en présence d’une invention que d’une recomposition d’éléments du passé susceptibles d’éclairer l’engagement présent, un « point de vue » (selon l’expression plusieurs fois citée de Jean Pouillon 297 ) du geronda sur les expériences qui l’ont précédé destiné aux expériences actuelles. La tradition n’est donc pas ici « inventée » mais constitue un processus complexe d’élaboration de représentations issues d’une sélection d’éléments anciens jugés opérant dans les situations présentes – une « force agissante » selon l’expression de Jean-Luc Bonniol 298 – et d’une exégèse actuelle de ces récits du passé. Plus d’invention de la tradition, nous parlerions dans un contexte monastique de construction de la tradition, selon l’image que les acteurs font du nouveau avec de l’ancien. L’édifice tradition est bâti avec des éléments du passé assemblés de façon originale par quelques spécialistes. Autrement dit, les acteurs que nous rencontrons construisent la tradition avec des matériaux déjà utilisés. Sans qu’il y ait d’exacte répétition, il n’y a pas non plus de véritable césure.

Notes
267.

La relation au territoire est indissociable d’une relation à son histoire. Ainsi la tradition orthodoxe s’est définie pendant bien longtemps en fonction de son territoire (la spiritualité chrétienne orientale), qui lui-même était lié à son histoire (le schisme avec l’Eglise catholique qui est un schisme avec Rome).

268.

L’Eglise orthodoxe joua un rôle essentiel dans le rassemblement des terres russes. Sur les relations entre l’Eglise orthodoxe et la nation russe, voir Kathy ROUSSELET (2001) « Globalisation et territoire religieux en Russie » in Jean-Pierre BASTIAN, Françoise CHAMPION et Kathy ROUSSELET (dir.) La globalisation du religieux, L’Harmattan.

269.

A ce sujet, voir les travaux de Martine HOVANESSIAN sur la diaspora arménienne, notamment Martine HOVANESSIAN (2004) « Le religieux et la reconnaissance. Formes symboliques et politiques au sein de la diaspora arménienne » in Les Annales de la recherche urbaine, 96 « urbanité et liens religieux », pp. 125-134.

270.

Kathy ROUSSELET (2001) op.cit. p. 194.

271.

Cette relation étroite entre appartenance religieuse et appartenance nationale dans l’Eglise russe a conduit à l’édification d’une « Eglise russe hors frontières » qui souhaitait se démarquer d’une institution religieuse liée au régime communiste.

272.

Nikos KOKOSALAKIS (1996) « Orthodoxie grecque, modernité et politique » in Grace DAVIE et Danièle HERVIEU-LEGER (dir.), Identités religieuses en Europe, La Découverte, p.137. D’autre part Nikos KAZANTZAKI montre bien cette relation étroite entre l’orthodoxie grecque et le nationalisme né de l’occupation ottomane dans ses pages autobiographiques. Nikos KAZANTZAKI (1961) Lettre au Gréco, Plon.

273.

Katerina SERAIDARI (2001) « La Vierge de Tinos : le cœur sacré de l’Etat grec » in Archives de Sciences sociales des Religions, 113, pp. 45-59. Voir aussi Katerina SERAIDARI (2005) Le culte des icônes en Grèce, Presses Universitaires du Mirail (notamment la première partie).

274.

A l’exemple de saint Alexis d’Ugine, le prêtre orthodoxe d’un petit village savoyard récemment canonisé par l’Eglise russe.

275.

Luc BOLTANSKI, Laurent THEVENOT (1991) op. cit. p. 43.

276.

Annamaria RIVERA (2000) op. cit..

277.

Lorsque nous sommes arrivés au monastère dans l’optique d’y consacrer notre thèse, un moine nous précisa : « si vous voulez comprendre notre vie, il vous faut comprendre la tradition ». En effet la tentation est grande de se suffire à expliquer les actes en fonction de ce qu’en dit la tradition. C’est bien là un des obstacles épistémologiques majeurs de ce travail : sortir de la prégnance de la tradition.

278.

Pour mesurer la délicatesse de ce problème, nous pouvons déplacer cette problématique sur la notion de culture : est-ce qu’il y a des cultures européennes ou une culture européenne ? Tout dépend du point de vue. L’accent peut tour à tour être mis sur l’idée d’un fond commun ou sur la constatation d’une grande diversité.

279.

Annamaria RIVERA (2000) op. cit. p.75.

280.

Sur la notion de frontière, voir Dionigi ALBERA (2005) « La Vierge et l’Islam, Mélanges de civilisations en Méditerranée » in Le Débat, 137, Gallimard.

281.

Ainsi, le monastère Saint-Antoine-le-Grand est un exemple d’architecture byzantine… en Vercors. Les moines français s’inspirent de ce « style byzantin » (plus particulièrement de l’architecture du monastère de Simonos Petra) dans la construction de leur monastère (voir illustrations 33 et 34).

282.

Selon le modèle culturaliste.

283.

Olivier CLEMENT (1965) op. cit., p. 86.

284.

Jean POUILLON (1975) op. cit., p.160.

285.

Le terme de personnalité ne se rapporte pas dans l’utilisation que nous en faisons aux théories culturalistes. Il s’agit d’un terme issu du discours des acteurs.

286.

La diversité des traditions semble toujours ramenée à un même « esprit » susceptible d’unifier les pratiques. Laurence Hérault fait remarquer à propos de l’évolution de la cérémonie de la communion que « Les cérémonies « traditionnelles » actuelles sont présentées comme les conservatrices des cérémonies qui les ont précédées (contrairement aux célébrations « modernes ») alors qu’elles participent, en réalité, à construire une image particulière des cérémonies antérieures où se trouve notamment occulté leur caractère hétérogène ». Laurence HERAULT (1996) La grande communion, Editions du Comité des Travaux historiques et scientifiques, p.137.

287.

Laurence Hérault le remarque aussi concernant les cérémonies de la communion : « On peut considérer alors que les cérémonies « traditionnelles » contemporaines s’inspirent de celles du passé plus qu’elles ne le reproduisent ». Laurence HERAULT (1996) op. cit. p. 136.

288.

Selon les mots du fondateur du monastère orthodoxe français de Saint-Antoine-le-Grand.

289.

Jean POUILLON (1977), op. cit., p.158.

290.

Bruno LATOUR(1990) op. cit., pp. 87-88.

291.

Bruno LATOUR (1990) op. cit., p.88.

292.

Bruno LATOUR (1990) op. cit., p.89.

293.

Pascal BOYER(1984), op. cit.

294.

Bruno LATOUR (1990) op. cit., p.84.

295.

Eric HOBSBAWM, Terence RANGER (1983) The Invention of Tradition, Cambridge University Press.

296.

Alain BABADZAN (2004) « L’ « invention des traditions » et l’ethnologie : bilan critique » in DIMITRIJEVIC Dejan (dir.) Fabrication des traditions, invention de modernité, Editions de la Maison des sciences de l’homme. Alain Babadzan cite ici l’introduction du recueil de Eric Hobsbawm dans sa traduction française, Eric HOBSBAWM (1995) “Inventing traditions”, traduit de l’anglais par André MARY, Karim FGHOUL et Jean BOUTIER in Enquête, 2, pp.171-189.

297.

Jean POUILLON (1975) op. cit. p.160.

298.

Jean-Luc BONNIOL (2004) op. cit., p.149.