Chapitre IV. Moments de croyance

Nous avons considéré, au fil de nos précédentes rencontres ethnographiques, tour à tour l’imaginaire à l’œuvre dans la vie monastique, ses interactions sociales, ses activités de tous les jours. Nous souhaitons maintenant revenir sur une notion centrale de notre recherche : l’expérience. Cette notion a d’abord été pour nous un outil méthodologique nous permettant de pallier à la tentation de construire du sens autour des actions que nous observions en mobilisant le sens théologique de ces actions. Elle va devenir dans ce chapitre l’objet de notre réflexion. Pour les acteurs que nous avons rencontrés, la vie monastique est une expérience de la tradition. Dans les chapitres précédents, nous avons envisagé la tradition en tant qu’expérience relationnelle en considérant l’engagement monastique comme l’inscription au sein d’une filiation spirituelle. Les relations sociales auxquelles nous assistions étaient alors décrites sur un mode généalogique. Mais ces relations ne mettent pas seulement en lien l’ensemble des acteurs présents en situation, ni même l’ensemble des acteurs passés et actuels. Pour les acteurs, ces relations sont autant de modalités de mise en présence de l’être divin. Ainsi, l’expérience de la tradition est avant tout une modalité particulière du croire. C’est à cette expérience du croire que nous allons nous intéresser en considérant quelques « moments de croyance ». Il s’agit de « moments » puisque les détails de ces interactions nous montrent que les acteurs ne vivent jamais pleinement leur engagement. L’approbation ne peut être totale dans la mesure où il s’infiltre toujours un manque. L’expérience du croire est tout autant implication que distance de la même manière que l’être divin est aussi bien présent qu’absent. Parce que la croyance ne s’énonce pas comme une évidence, l’expérience du croire peut alors reposer sur la confiance envers quelques autorités, à savoir une tradition.