2.1.1 Approche basée sur les règles

L’approche par règle est une approche basée sur les travaux de Chomsky et Halle (1968). Ils y définissent les règles comme étant des procédures qui altèrent la prononciation des mots quand certaines conditions sont présentes. Cette approche est purement dérivationnelle (approche nommée phonologie générative transformationnelle). Deux éléments sont stockés en mémoire, les formes sous-jacentes et les règles. Les règles s’appliquent à ces formes afin de générer (dériver) les formes réellement produites.

Ainsi, pour montrer que le mot opacité est généré à partir de opaque, on pose deux formes sous-jacentes /opak/ et /ite/. /opak + ite/ aurait la forme de surface /opasite/ grâce à une règle /k/  [s] / _ + [ite] (dans la pratique les sons ou phonèmes sont présentés sous la forme d’une matrice de traits binaires).

Cet exemple montre que des procédures arbitraires peuvent être formalisées dans un système reposant sur des règles. On pourrait poser une règle pour chaque fait que l’on rencontrerait, ces règles, à leur tour, produiraient d’autres formes incorrectes (antiquité), qu’il faudrait de nouveau expliquer (l’exemple est tiré de Boltanski, 1999). Cette surgénération de formes pose un problème pour l’approche dérivationnelle. De plus, ces règles étant arbitraires, il n’existe pas de justification particulière à leur existence. Elles sont posées pour décrire un fait observé, ce qui les rend circulaires d’un point de vue explicatif. Enfin, chaque règle ajoutée à une langue donnée augmente sa complexité. Plus il y a de règles, plus le langage est complexe. Tranel (2000 : 47), résume bien ces problèmes :

‘« Les analyses par règles sont purement descriptives et n’incorporent pas d’explication des phénomènes phonologiques. Les règles varient forcément d’une langue à l’autre et sont généralement sans grande portée universelle, car elles tendent à coaguler plutôt qu’à séparer des généralisations linguistiques élémentaires sur l’organisation de la substance sonore. Les descriptions que fournissent les règles sont-elles mêmes incomplètes, en ce sens que des phénomènes connexes doivent souvent être traités de façon disparate et arbitraire. »’

Si on applique cette approche à la phonologie de l’enfant, la question se pose de savoir comment l’enfant va acquérir la phonologie adulte. Une des possibilités, proposé par Stampe (1969, 1979) dans le cadre de la phonologie naturelle, est que l’enfant naisse avec un ensemble de règles innées qui altèrent les représentations sous-jacentes. L’acquisition de la phonologie adulte se ferait par la suppression des règles qui ne feraient pas partie du langage adulte. Ce qui expliquerait la différence entre l’enfant et l’adulte. Mais cette explication paraît improbable. L’enfant qui produirait /fœʁ au lieu du mot fleur [flœʁ] posséderait, dans cette optique, une règle innée qui lui indique que dans le contexte "f_œ" il existe une règle d’élision du [l]. C’est avec la perte de cette faculté innée que l’enfant arriverait à la prononciation correcte.

Bien que l’approche par règles ait apporté de grandes avancées en phonologie, la perte de facultés innées, au cours de l’acquisition, ajoutée au problème de la surgénération et de l’absence de justification de ces règles, ont conduit les phonologues à proposer de nouvelles approches.