2.1.3. Approche basée sur les contraintes

La dernière approche, celle que j’adopterai, consiste à supprimer toute référence aux règles. Il n’existe que des contraintes et uniquement des contraintes. Deux postulats rendent ce constat possible :

Comme les contraintes peuvent être enfreintes (mais minimalement, ce qui les différencient des contraintes de l’approche règles/contraintes), il n’y a plus besoin de faire appel à des stratégies de réparation et donc à des règles. Au niveau de la production, nous avons alors un mot dit optimal qui respecte un maximum de contraintes. Il faut noter qu’une production optimale n’est pas vue, ici, comme un « unique état parfait » comme le signale McCarthy et Prince (1997), erreur appelée « l’erreur de la perfection » (EDLP). Dans le cadre de la théorie de l’optimalité, il est postulé que tous les humains possèdent le même ensemble de contraintes. Ce qui différencie une langue d’une autre, est l’ordre dans lequel ces contraintes sont hiérarchisées. Le système de résolution des alternances régulières dans la forme phonologique est ainsi simplifié (il n’y a plus création de règles et surgénération) et expliqué, comme le résume Tranel (2000 : 47) :

‘« L’idée que la substance sonore est soumise à des contraintes élémentaires universelles mais trangressables offre la possibilité non seulement d’unifier l’explication des phénomènes au sein d’une même langue et de relier entre elles les phonologies des langues du monde, mais encore d’expliquer pourquoi les langues ont une phonologie et comment ces phonologies peuvent être différentes bien que construites à partir des mêmes éléments. »’

Il faut noter que la simplicité du système phonologique n’entraîne pas nécessairement une simplification de la théorie pour le chercheur. L’approche par contraintes est simple dans la manière dont les contraintes interagissent. Toutefois, établir leur ordre et analyser des données en utilisant les contraintes requièrent des connaissances de plus en plus importantes sur le langage. Cette approche appliquée à l’enfant est malgré tout féconde. Le développement phonologique de l’enfant se fait en modifiant la hiérarchie des contraintes de départ. L’enfant qui tente de reproduire un mot avec précision, va échouer parce qu’il possède une hiérarchie des contraintes autre que celle de l’adulte. Ceci est dû au fait qu’il faut du temps pour apprendre la hiérarchie des contraintes de l’adulte, et que la reproduction de ce système dans les formes parlées demande une maîtrise articulatoire de l’appareil vocal, un fait qui implique l’incorporation de contraintes d’ordres articulatoire et physiologique dans l’analyse du parler de l’enfant.

L’approche par contraintes semble être adéquate à l’analyse phonologique des données d’enfants. C’est pour cela que ce travail se basera sur cette approche et plus particulièrement sur la théorie de l’optimalité développée par Prince et Smolensky (1993) et exposée dans Kager (1999) ou McCarthy (2002). Je me référerai plus spécifiquement au sein de la théorie de l’optimalité, à la théorie de la correspondance.

Dans les prochaines sections, je commencerai donc par détailler les représentations segmentales et prosodiques que j’utiliserai dans ce travail. Je ferai référence aux aspects formels de ces représentations grâce à un ensemble de contraintes. Les contraintes que j’emploierai sont formalisées dans le cadre de la Théorie de l’Optimalité (TO) comme indiqué ci-avant. Ce cadre sera introduit en section . Dans cette dernière section, je définirai également les contraintes générales que j’utiliserai au cours des chapitres suivants.

Notes
1.

Toutes les théories phonologiques basées sur les contraintes ne tolèrent pas l’infraction d’une de leur contrainte. C’est le cas de la phonologie déclarative que je n’aborderai pas ici (se reporter à Angoujard (2006)).