2.3.4. La notion de tête

Je considère que des relations de dépendances existent à tous les niveaux de la structure des constituants. La notion de tête de constituant, qui est largement acceptée parmi les phonologues, fait ainsi référence à une relation formelle existant entre des éléments d’une structure donnée. Si un constituant n’est pas branchant, le seul élément le composant est forcément considéré comme la tête de ce constituant. Dans le cas de constituant branchant, par contre, un des éléments sera la tête du constituant, tandis que l’autre élément sera considéré comme un élément dépendant. Dans ce cas de figure, la tête domine l’élément dépendant. Cette relation asymétrique entre élément tête et élément dépendant permet de formaliser l’asymétrie existante sur les possibilités distributionnelles entre ces deux positions. Ainsi, l’élément tête a une distribution plus libre que l’élément dépendant (Harris 1994 : 149). La liberté distributionnelle peut être analysée comme le fait que l’élément tête peut légitimer plus de matière (traits phonologiques) que l’élément dépendant.

Cette formalisation contraint les manifestations possibles de processus phonologiques comme la réduction de groupements consonantiques ou l’assimilation. D’après cette notion, la conservation de la tête d’un constituant est plus importante que la conservation d’un élément dépendant de ce même constituant. Par exemple, dans une attaque branchante de type obstruante + liquide (p. ex. [kl] dans ‘clou’), le [k] se situe en tête d’attaque, tandis que le [l] constitue l’élément dépendant. Ainsi, cette formalisation prédit que la réduction d’une attaque branchante du type [kl] entraînera la chute du [l].

Ces relations entre la tête et son dépendant seront étudiées dans les prochains chapitres afin de rendre compte des patrons développementaux observés dans les données de Marilyn. Comme nous l’avons vu, ces relations de dépendance permettent de faire des prédictions fortes en ce qui concerne les patrons de réduction observés, que ces réductions soient segmentales ou syllabiques. Enfin, comme nous le verrons dans les prochaines sections, ces relations permettront également de faire des prédictions sur la directionnalité des harmonies et son type comme nous le verrons par exemple dans le cas de mots CVC composé d’une fricative et d’une occlusive coronale (voir chapitre 4 section ).