2.3.7.2. La représentation des diphtongues montantes en français

La représentation des diphtongues montantes, c’est-à-dire les séquences semi-voyelle (glide) – voyelle (séquence ultérieurement notée GV) fait l’objet d’un débat dans la littérature. En théorie, pour les approches acceptant l’existence d’attaques branchantes comme constituants prosodiques, trois représentations sont possibles pour les diphtongues montantes précédées d’une consonne (séquence CGV). Ces trois possibilités sont présentées en (14).

(14) Représentations possibles pour une séquence CGV

En (14a), la séquence CGV est représentée au niveau squelettal par trois positions distinctes. Cette représentation impose à la semi-voyelle de faire partie d’une attaque branchante (une illustration de la syllabation de cette séquence est donnée en (15a)). En effet, la tête de tout constituant syllabique branchant (attaque, noyau ou rime) est placée à gauche (Kaye 1990, Harris 1994, 1997). La tête du noyau étant une voyelle, un élément placé à sa gauche ne pourrait faire partie du noyau sans délester la voyelle de sa position de tête, ce qui est prohibé.

En (14b), la séquence CGV est constituée d’une consonne et d’un noyau complexe représentée par la réunion sur une position squelettale (ou unité de temps, comme nous l’avons vu en (2), p. 19) d’une semi-voyelle et d’une voyelle. La syllabation de cette séquence est illustrée en (15b).

Enfin, en (14c), cette séquence est représentée par une voyelle simple précédée d’une consonne complexe c’est-à-dire possédant un lieu d’articulation secondaire. Cette consonne complexe est la réunion sur une position squelettale d’une consonne et d’une glide. La syllabation de cette séquence est illustrée en (15c).

(15) Syllabation des séquences CGV d’après les représentations en (14)

Rose (1999a, b, c, 2000) a démontré que la représentation en (14b) dont la syllabation est présentée en (15b), est l’option par défaut utilisée dans le cas d’adaptation de mots d’emprunts. Cette représentation permet en effet de faire des prédictions sur la préservation ou la suppression du nœud racine, vu en (1), p. 19, qui s’avèrent vérifiées dans les données collectées. Appuyant sa proposition, Rose (1999c) montre que d’un point de vue typologique, les langues possédant un noyau complexe pour ce type de séquence sont plus nombreuses que les langues syllabant ce type de séquence en attaque branchante suivie d’une voyelle.

Cette analyse recoupe les propositions de Hayes (1985), Hyman (1985) et Schane (1987) qui considèrent que seul un noyau complexe permet de représenter les « vrais » diphtongues montantes, les « fausses » diphtongues montantes présentant alors une semi-voyelle en attaque branchante. Par conséquent et reprenant également la position de Kaye et Lowenstamm (1984), je considérerai, tout comme Rose (2000), qu’en français, les diphtongues montantes sont représentées comme étant formées de deux éléments vocaliques (une glide et une voyelle) réunis sur une même position squelettale. 8 Cette unique position squelettale dominant les deux parties de la diphtongue, la voyelle étant la tête de ce segment complexe. Il est à noter que cette représentation n’est pas universelle et qu’une représentation incluant la semi-voyelle dans une attaque branchante, qui n’est pas considérée comme l’option par défaut, est possible dans d’autres langues du monde (p. ex. Davis et Hammond 1995 sur les suites CwV de l’anglais).

(16) Représentation de la diphtongue montante en français
(16) Représentation de la diphtongue montante en français
Notes
8.

Goad (2006) a montré, à partir d’une étude distributionnelle, que, en français, la syllabation la plus probable pour la séquence CGV est bien celle assumée par Rose (2000).